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Revue internationale de géographie humaine, les Cahiers de géographie du Québec ont célébré en 2006 leur cinquantième anniversaire. L’événement fut souligné par la tenue du colloque Les chantiers de la géographie. Ce colloque, qui eut lieu les 28 et 29 avril 2006 à l’Université Laval à Québec, rassembla une trentaine de jeunes chercheurs universitaires qui, au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde, prennent aujourd’hui le relais de la recherche en géographie humaine [1].

En organisant ce colloque, nous poursuivons différents objectifs. L’intention était en premier lieu de mettre en relief et en débat les recherches actuellement en émergence au sein de la géographie humaine. De ce tableau, où divergences et convergences devaient se combiner, l’idée était de dégager différents enjeux théoriques, méthodologiques et sociaux. En nouant un dialogue autour de ces enjeux, en prenant la mesure des doutes et des espoirs qu’ils suscitent, la géographie humaine n’en serait, était-il souhaité, que mieux servie.

Les Chantiers de la géographie devaient aussi offrir la chance à des nouveaux chercheurs en provenance de différentes universités de mieux se connaître – ce qui pourrait susciter de futures collaborations – et de réaliser à quel point une revue scientifique comme les Cahiers de géographie du Québec constitue un utile et efficace outil de diffusion des résultats de la recherche au sein de la communauté scientifique internationale, où la revue, autant par son lectorat que par ses auteurs, est très bien implantée.

Les Cahiers de géographie du Québec, fondés à l’Université Laval en 1956 par Fernand Grenier et Louis-Edmond Hamelin, sont, depuis leur origine, un instrument essentiel du développement de la recherche en géographie au sein de la francophonie internationale. Fière du dynamisme scientifique qu’elle a su insuffler au cours des cinq dernières décennies, la revue, dans un esprit de continuité, a voulu profiter de son jubilé pour ouvrir quelques perspectives sur la discipline qu’elle sert depuis si longtemps. Non pas que la revue veuille imposer à la géographie humaine des balises. Préférant être à l’écoute et susciter des échanges, comme l’y invite d’ailleurs sa politique éditoriale, elle a plutôt décidé de laisser la tribune à des chercheurs représentant la géographie humaine qui se pratiquera au cours des prochaines décennies. Ces jeunes géographes ou amis de la géographie ont ainsi l’occasion d’énoncer ce qu’ils entendent faire de cette discipline. Ce faisant, l’intention n’est pas de solliciter des plaidoyers en faveur de la géographie humaine ou des bilans généraux. Il ne s’agit évidemment pas de décourager l’enthousiasme ou de contenir la critique, mais il a semblé plus pertinent qu’un tel débat soit directement fondé sur la pratique même de la recherche géographique.

Pour mener cette réflexion collective sur l’avenir de la discipline et contribuer à son inscription dans le discours général des sciences sociales, les participants aux Chantiers de la géographie furent conviés à un exercice en trois temps.

Ces personnes eurent d’abord à rédiger un note d’une dizaine de pages décrivant les recherches qu’elles conduisent actuellement ou celles qu’elles préparent. Il était demandé à chacun d’expliquer tout particulièrement l’intérêt de sa démarche en regard des enjeux théoriques, méthodologiques ou sociaux qui lui paraissent importants pour la géographie humaine. Une fois reçus, ces textes furent regroupés selon huit thèmes [2]. Chaque thème fut dans la foulée confié à un spécialiste dont la tâche était de faire la synthèse des textes qui y correspondaient et de formuler une série de questions utiles pour animer le débat lors du colloque. Ces synthèses, comme les textes auxquels elles donnaient suite, furent distribués à tous les participants avant même la tenue du colloque.

Vint ensuite la rencontre elle-même qui, en plus de réunir les chercheurs invités, accueillit aussi plusieurs personnes intéressées, dont de nombreux étudiants. Afin de favoriser la discussion, le colloque était essentiellement composé de tables rondes reprenant les thèmes déjà identifiés. Ainsi, bien que chaque participant eût l’occasion d’y présenter son programme de recherche, l’accent était avant tout mis sur l’échange et le débat. Les tables rondes étaient animées par les spécialistes à qui avait été auparavant confiée la rédaction des synthèses.

Après le colloque, les chercheurs invités eurent l’occasion de réviser leurs textes pour tenir compte des commentaires et des avis formulés par les autres participants. De même, les synthèses furent révisées et complétées. Inspiré par les discussions menées lors de la rencontre, notre collègue Laurent Deshaies rédigea pour sa part un commentaire général sur les perspectives qui s’offrent aujourd’hui à la communauté des géographes. Tous ces textes furent soumis à l’évaluation par le comité de rédaction des Cahiers de géographie du Québec. Le présent numéro de la revue est composé de ceux qui furent acceptés pour publication.

Quel bilan pouvons-nous tirer de cet exercice ? Dresse-t-il un tableau honnête de la géographie humaine désormais en chantier ? Quels traits plus ou moins anciens reprend-il ? Quels sont ceux qui s’effacent ? Quels sont les nouveaux qui s’y ajoutent ? Et au-delà, qu’inspire-t-il quant à l’avenir de la géographie humaine ? Doute et inquiétude ou, au contraire, conviction et confiance ? Car ce tableau, en définitive, appelle au jugement. Mais ce jugement n’appartient pas aux Cahiers de géographie du Québec. Notre mission, en effet, n’est pas de décider ce qu’est ou devrait être la géographie humaine. Elle est plutôt, dans les circonstances, d’inviter la communauté scientifique à prolonger le débat dont le présent ouvrage n’est, en vérité, qu’une étape. Aussi, tous ceux qui voudraient ajouter leur voix à celles qui se font entendre ici sont priés de nous communiquer leur réflexion. Nous veillerons, en conformité avec notre politique éditoriale, à en assurer la diffusion.

Le comité de rédaction