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Cet ouvrage atteint sa deuxième édition, inchangée dans sa forme et dans son esprit par rapport à l’édition précédente (2005). Mise à jour oblige, le lecteur trouvera, dans cette nouvelle mouture revue et augmentée de 78 pages, des ajouts visibles dans la plupart des chapitres.

Au fil des huit parties que rassemble l’ouvrage, les auteurs se proposent d’examiner les « rapports dialectiques entre pouvoirs, espaces et la production de ces derniers », en d’autres termes, d’étudier une géohistoire mondiale de la territorialité, c’est-à-dire de l’organisation territoriale du pouvoir politique. Ils inscrivent d’emblée leurs travaux dans la perspective de la géographie politique et rejettent le terme de géopolitique, qui leur semble autant « galvaudé » que « fourre-tout ». Les auteurs rappellent à juste titre que la géopolitique est aujourd’hui très – trop – souvent sollicitée. En effet, depuis une quinzaine d’années, les ouvrages se multiplient, de nombreux titres comportent le terme géopolitique, alors que, pour la plupart, ils réduisent les sources des conflits à la somme des facteurs géographiques, explication bien simpliste quand on analyse les rapports conflictuels sur un territoire et les populations qui y vivent.

Comme il se doit, la première partie est une relecture critique des géopolitiques classiques, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours, relecture qui met en relief le rôle que tiennent dans la production politique et culturelle des territoires les rapports entre pouvoir et espace. Le deuxième chapitre examine l’évolution des formes et de contrôle de l’espace par les différentes sociétés antérieures à la mise en place du système monde, tout en faisant le lien entre la conception du pouvoir de la politique et une conception spatiale envisageant un territoire avant tout comme un objet d’étude ayant une structure spatiale. Malheureusement, de l’aveu même des auteurs, « les historiens ou anthropologues spécialisés trouveront […] ce chapitre fort sommaire ». Ce survol des caractéristiques spatiales de quelques sociétés anciennes et contemporaines en seulement 30 pages décevra également de nombreux géographes et géopolitologues. Le chapitre III se concentre sur la formation de l’État moderne, la mise en place du système monde et la première colonisation, c’est-à-dire le passage de l’État féodal à l’État mercantiliste, puis l’expansion mondiale du « centre » européen en direction des « périphéries » en marge sous la forme de la colonisation. Le chapitre IV poursuit avec la question de la territorialité de l’État-nation dans le centre et la semi-périphérie européenne. Après avoir décrit les différents types de construction et d’organisation de l’État-nation dans les pays du centre, les auteurs analysent selon une approche très classique les spécificités de la formation de l’État-nation dans la semi-périphérie européenne. Un long paragraphe d’une trentaine de pages, consacré aux constructions politiques balkaniques tardives, conclut cette partie.

Après le chapitre V sur les systèmes électoraux qui légitiment les États démocratiques, et le chapitre VI sur la formation de l’espace de la Belgique et son incapacité à devenir un État-nation, le chapitre VII tente une typologie des États dans le système monde. Enfin, le chapitre VIII conclut l’ouvrage sur les ordres et désordres mondiaux et par une réflexion sur la contestation contemporaine de l’État-nation.

À la lecture de ce livre, le lecteur critique pourra regretter les raccourcis pris par les auteurs à la fois sur le fond et la forme reflétant finalement un contenu très classique. D’une part, pour un ouvrage qui se veut en rupture avec l’approche géopolitique « abusivement englobante », on peut être surpris que l’État reste l’acteur central, voire unique, tout au long de l’ouvrage, au détriment d’autres géopolitiques, tout aussi savantes, qui s’inscrivent dans une démarche multi-acteurs et pluriscalaire. D’autre part, les transitions entre chapitres ne sont pas toujours très explicites, ce qui donne parfois l’impression d’un collage de tableaux disparates, pour intéressants et érudit qu’ils puissent être.