Comptes rendus bibliographiques

BOURSE, Michel et YÜCEL, Halime (2015) Les Cultural Studies. Essai. Paris, L’Harmattan, 284 p. (ISBN 978-2-343-06720-9)[Record]

  • E. H. Malick Ndiaye

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  • E. H. Malick Ndiaye
    IFAN / Cheikh Anta Diop, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

Depuis une dizaine d’années, plusieurs ouvrages portant sur les cultural studies sont traduits en français, rendant accessible à un public francophone un courant de pensée jusque-là confiné dans le monde intellectuel anglophone. L’essai de Michel Bourse et Halime Yücel propose une étude de ce mouvement à travers le double prisme d’une histoire intellectuelle et sociale. L’ouvrage est divisé en quatre parties. La première ancre la naissance des cultural studies en 1964, avec la création du Center for Contemporary Cultural Studies (CCCS), à l’Université de Birmingham (Angleterre). Ses précurseurs sont Richard Hoggart (1919-2014), Raymond Williams, professeur de littérature anglaise (1923-1988) et Edward Palmer Thompson, historien (1924-1993). Le groupe sera rejoint par Stuart Hall (1932-2014) qui succédera à Richard Hoggart à la tête du CCCS. Ces chercheurs provoquent une rupture avec les approches behavioristes dans l’étude de la réception des médias de masse et de leurs effets sur les sociétés. L’apport de cette première partie est d’avoir exhumé le tribut des cultural studies aux mouvements théoriques des années 1960-1970, en particulier les discours de la French Theory qui essaiment dans les sciences sociales de l’époque. La deuxième partie accorde une place singulière à l’héritage marxiste des cultural studies. Elle revisite leurs fondements intellectuels grâce aux relectures que ses penseurs font du lien traditionnel entre infra et superstructure. Les rapports de causalité entre ces deux schémas seront inversés et jugés de façon évolutive, ce qui ouvre la voie à une approche plus discursive de l’idéologie. C’est au regard de ces observations que la troisième partie se consacre au concept de culture et à ses variantes. L’accent mis sur la réception comme acte de transformation des discours fait de la culture une simple construction sociale. Cette idée est explorée sur la base d’exemples tirés aussi bien de la culture noire que des communautés de musiciens aux États-Unis. La quatrième partie revient un peu longuement sur la problématique de la réception dont l’histoire est appréhendée entre les écoles (Francfort, Constance) et les approches (fonctionnaliste, culturaliste). L’intérêt de cet essai est d’avoir mis en lumière trois caractéristiques majeures de la théorie des cultural studies. D’abord, l’interprétation de la culture comme espace d’affrontement symbolique, les questions de normes au regard de la société et la place des cultures vis-à-vis de ces normes sont au coeur de l’ouvrage. Les mécanismes de domination sont examinés à travers plusieurs entrées comme la loi, le pouvoir, le peuple et le populaire, la violence symbolique ou les classes sociales. La culture est analysée sous le rapport de l’interdépendance, des flux et des chocs, afin de mieux éclairer la question de l’hybridité dans le contexte de la mondialisation. La deuxième ligne concerne la filiation des idées. Les influences entre intellectuels et courants de pensée révèlent une généalogie très complexe que les auteurs retracent, en partie, à travers le concept d’hégémonie, qui permet d’examiner la nature du pouvoir tel que traité par les chercheurs des cultural studies dans leur relecture d’Antonio Gramsci. Enfin, la troisième ligne mise en évidence est relative à la complexité théorique du mouvement. La position méthodologique – consistant à saisir plutôt l’inventivité dont font preuve les individus dans leur action – a contribué à modifier la construction de l’objet de recherche en sciences sociales. En outre, cette entreprise intellectuelle est marquée, d’une part, par une position engagée et excentrée qui la situe aux marges des limites institutionnelles universitaires et, d’autre part, par une diversité d’approches, de méthodes et de disciplines. Cette diversité disciplinaire éclaire aussi bien l’histoire intellectuelle que la dimension sociohistorique du repeuplement des États. Les auteurs explorent une histoire sociale qui place les cultural studies au …