Comptes rendus bibliographiques

BERDOULAY, Vincent et SOUBEYRAN, Olivier (dir.) (2015) Aménager pour s’adapter au changement climatique. Un rapport à la nature à reconstruire ? Pau, Presses de l’Université de Pau et des Pays de L’Adour, 218 p. (ISBN 978-2-35311-071-1)[Record]

  • Louis GUAY

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  • Louis GUAY
    Département de sociologie, Université Laval, Québec (Canada)

On a un peu laissé en plan l’adaptation aux changements climatiques dans le débat sur la politique du climat. Ce débat a beaucoup porté sur les mesures d’atténuation, sur la manière de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le Protocole de Kyoto s’est fait le champion de cette approche, même s’il n’a pas connu le succès escompté. Et pourtant, dès la rédaction de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’adaptation à un climat se réchauffant était très clairement envisagée. Il est apparu avec le temps que, même si l’atténuation est une première voie d’adaptation, elle est loin d’être suffisante. Il faut des politiques, des actions et des interventions qui ciblent directement les vulnérabilités et l’adaptation. Les deux directeurs de la publication ont réuni des textes qui abordent la question sous l’angle de l’aménagement du territoire. Ils ont eu raison de faire ce choix, car les effets d’un réchauffement climatique se feront sentir sur les territoires et sur des environnements locaux et régionaux. On a souvent mis l’accent sur des mesures économiques, individuelles et collectives, dans l’adaptation au climat, les assurances jouant un rôle primordial. Or, quand il s’agit de gestion des territoires, les assurances ne suffisent plus. Il faut des mesures et des politiques plus concertées qui visent spécifiquement l’aménagement des territoires. Sur quoi, sur quelles expériences peut-on fonder ces actions ? Les auteurs présentent deux types d’expérience : des interventions historiques et des interventions récentes, divisant ainsi l’ouvrage en deux parties distinctes. La partie historique présente des cas où il est question de l’adaptation de populations transplantées dans des climats nouveaux pour elles. Un chapitre général définit les enjeux d’adaptation aux climats tropicaux. L’auteur apporte des distinctions intéressantes entre acclimatation, adaptation et autres termes qui s’en approchent. Ce n’est que très graduellement que le terme adaptation s’impose. L’auteur montre que deux grandes voies d’intervention ont été choisies : la santé publique et l’aménagement du territoire. Des mesures d’hygiène personnelle et d’hygiène publique ont été définies, proposées et mises en oeuvre, jumelées souvent à des interventions territoriales. La suite de cette partie historique se penche sur des cas particuliers, principalement au Brésil, pays très bien représenté dans l’ensemble de l’ouvrage, mais aussi sur des régions où le peuplement et la colonisation française se sont produits : la Guyane et la région sahélienne. Dans chaque cas, des actions et des interventions spécifiques ont fait l’objet de débats, d’expérimentations et de choix de mesures publiques. Mais, comme le montre l’exemple du Brésil, l’adaptation au climat tropical peut s’insérer dans une politique plus large. En effet, l’évolution de la politique de préservation du patrimoine naturel et culturel du Brésil est très intimement liée à l’évolution du pays et à sa volonté d’affirmer son autonomie et sa modernité. L’auteur montre que certains choix, notamment en matière de patrimoine culturel et architectural, ont été faits et justifiés au nom d’une idéologie moderniste. La deuxième partie porte sur des expériences d’adaptation récentes. Le chapitre sur l’aménagement spatial aux Pays-Bas montre avec force ce qu’on est prêt à faire pour s’adapter à un climat plus chaud dont les incidences en matière de gestion de l’eau sont évidentes dans un pays aux prises avec des eaux capricieuses. Mais les Pays-Bas peuvent miser sur une longue expérience historique pour affronter les défis que leur pose l’eau. S’attendant à des inondations plus fréquentes et plus fortes, l’action publique s’est redéfinie et a même revu des aménagements passés, moins bien adaptés aux nouvelles conditions climatiques et aquatiques. Par exemple, l’auteur analyse une vaste intervention de « dépoldarisation » visant à mieux absorber les crues …