Rubrique « Parcours » : Serge Courville [Record]

  • Serge COURVILLE

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  • Serge COURVILLE
    Professeur retraité, Département de géographie, Université Laval
    scou@videotron.ca

Il est toujours délicat de chercher l’origine d’un intérêt scientifique. Il est indéniable que les expériences de jeunesse jouent un rôle, parfois même déterminant. Ce fut mon cas, vu le contexte dans lequel j’ai évolué. Né à Montréal, j’ai passé mon enfance à Saint-Eustache, où j’ai pu goûter aux plaisirs des grands espaces. Comme le village avait été le site d’une importante bataille lors de la Rébellion de 1837, il m’a vite passionné pour l’histoire. Deux bâtiments surtout m’attiraient : la vieille église, dont la façade portait encore la trace des boulets de canons tirés par l’armée britannique, et le vieux moulin à blé des frères Légaré, qui prenaient plaisir à nous montrer leurs vestiges de l’affrontement du 14 décembre 1837. Imaginez ma joie quand, beaucoup plus tard, j’ai pu mettre la main sur le plan de la bataille. Lorsque, en 1956, mes parents ont acheté une terre dans les Laurentides, j’ai découvert un autre pan de notre histoire : la colonisation des plateaux. Témoins de cette époque : les tas de pierres empilées en bordure de la forêt par les cultivateurs pour faciliter les labours. J’allais aussi découvrir la présence d’un lac qui s’asséchait l’été et d’un bloc de pierre énorme, dont l’origine nous était encore inconnue. Quel environnement ! Et que d’énigmes à résoudre ! C’est vers la même époque, également, que j’ai découvert le monde urbain, grâce à mes études collégiales et à deux emplois étudiants. D’abord comme homme à tout faire dans une usine de chaussures, puis comme acheteur adjoint chez Hydro-Québec, qui s’affairait alors à la construction du barrage Manic II. Que de langages et de pouvoirs différents ! Ma grande ambition, alors, était de me consacrer à l’éducation. C’est là, je crois, que tout s’est mis en place. D’abord comme enseignant, à rechercher des façons originales d’enseigner le latin et la géographie par des jeux de rôle et des sorties sur le terrain ; puis, comme coordonnateur de programme en sciences humaines, à rechercher une manière d’intégrer les autres matières à la géographie et à l’histoire ; enfin, comme professionnel puis directeur du Service de l’éducation au futur ministère de l’Environnement, à imaginer des moyens d’intéresser la population à l’environnement, un concept que la loi limitait alors à la trilogie « eau, air, sol », mais auquel j’ai tenté d’intégrer une dimension plus humaine. Il faut dire que j’avais été préparé à ces travaux par mes études universitaires en pédagogie, en administration scolaire et en géographie. Chacune de ces formations m’a été utile, ne serait-ce que par mes lectures, qui ont donné du sens à mes expériences. Surtout, j’ai eu le bonheur de croiser des professeurs qui m’ont donné une vision et un langage pour aborder les objets qui allaient bientôt me passionner. Je pense ici à Marcel Bélanger, qui m’a ouvert à la réflexion théorique et sociale, à Camille Laverdière, qui insistait sur la nécessaire mise en contexte de l’objet, à Gilles Boileau, qui m’a donné le goût du terrain comme complément indissociable des sources écrites, et à beaucoup d’autres qui m’ont aussi fait partager leurs intérêts. Aucun d’eux ne pratiquait la géographie historique, mais tous étaient préoccupés de « genèse » et de « paysage », deux notions chères à Raoul Blanchard et qui étaient au coeur de la démarche géographique. Allaient y suppléer des écrits qui viendraient nourrir mes réflexions d’études supérieures. Je pense à ceux de Cole Harris et Clifford Darby en géographie, de Louise Dechêne, Jean-Pierre Wallot et Fernand Ouellet en histoire, et de Ludwig von Bertalanffy sur la théorie générale des systèmes. Toutes ces expériences ont jeté les …

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