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La mondialisation, l’évolution des marchés mondiaux, les changements climatiques ainsi que le développement de l’urbanisation et de la métropolisation génèrent de profondes mutations des espaces ruraux et agricoles. Ce sont autant de facteurs qui affaiblissent l’efficacité des modèles traditionnels de développement territorial et conduisent à la recherche de nouvelles pratiques fondées sur des connaissances renouvelées mais, peut-être surtout, faisant appel à de nouvelles formes de coordination entre chercheurs responsables publics et acteurs de terrain.

Cette mise en cause des modèles traditionnels reposant sur des chaînes de causalité automatiques en stratégies de développement territorial n’est pas nouvelle. Mario Polèse et Richard Shearmur nous en donnent une illustration dans « R.I.P. – H.M.R. : À propos du concept de pôle de développement et des stratégies de développement économique des régions québécoises » (2003). Dans le titre : « Le développement territorial. Regards croisés sur la diversification et les stratégies » (2004), la critique portait sur le fait qu’il ne fallait pas déduire que, si les effets bénéfiques du « pôle de développement » pouvaient se diffuser sur le territoire de Montréal, il n’était pas démontré qu’ils pouvaient se manifester sur l’ensemble du pays. Cela reste une vision verticale de l’organisation du territoire.

Ce qui est proposé dans l’ouvrage coordonné par Torre et Vollet, ce sont différentes formes de partenariat, notamment horizontal, entre les responsables des politiques du développement territorial et les acteurs locaux. C’est dans cette perspective que s’inscrivent les 57 contributions de cet ouvrage qui présentent les outils mis en oeuvre dans le cadre des projets copilotés entre chercheurs et acteurs des territoires avec le soutien des collectivités territoriales, précisément dans le programme de recherche Pour et sur le développement régional (PSDR). Le programme intègre une démarche pluridisciplinaire qui combine compétences biotechniques et sciences sociales au service du développement territorial.

Les trois parties qui constituent le plan de l’ouvrage traitent successivement :

  1. du rôle des démarches de recherche au service du développement territorial : partenariat acteurs-chercheurs ; dispositifs de recherche-formation-action ; intelligence territoriale, un observatoire pour penser et piloter l’action ; guide pour la gouvernance territoriale ; méthode de diagnostic partagé du territoire.

  2. des méthodes tournées vers des enjeux sectoriels : potentiels et verrous d’une filière protéagineuse pour une agriculture durable en Bourgogne ; système stratégique de signaux précoces appliqué au lait ; méthode d’analyse des outils de politique forestière et de planification foncière ; approche par les ressources, pour une vision renouvelée des rapports entre économie et territoire.

  3. des approches visant des défis plus larges des territoires : ateliers participatifs de mise en oeuvre du Schéma de cohérence territoriale (Scot) du Grand Clermont ; évaluation environnementale de projets territoriaux de méthanisation par l’analyse du cycle de vie ; Co-click’eau, une démarche de coconstruction de scénarios dans les captages d’eau potable ; comment accompagner la mise en oeuvre d’une politique publique du paysage par l’animation territoriale.

L’éventail des problèmes traités dans le programme PSDR illustre le rôle crucial de la participation, du partenariat de toutes les parties concernées par le développement territorial. Le partenariat est impliqué depuis la conception des projets, leur élaboration, leur programmation et leur réalisation jusqu’à leur évaluation.

Dans cet ensemble de cas, nous retenons deux observations significatives soulignant l’intérêt d’associer aux projets de développement territorial les participants à la vie du territoire ; il s’agit de la prise en main par la population locale de ses propres problèmes.

  • « L’intérêt principal de la démarche Co-click’eau au regard des problématiques de développement territorial est de participer de la maîtrise des processus de pollutions agricoles impactant la qualité de l’eau pour les acteurs du territoire. Cette maîtrise permet de stimuler une politique territoriale en faveur de la qualité de l’eau. L’exemple présenté montre comment les différents acteurs du territoire s’emparent des scenarios pour trouver une solution à la protection de la qualité de l’eau. » (p. 207) ;

  • « À de nombreuses occasions, des participants nous ont communiqué leur étonnement d’avoir tout loisir de dire, montrer et partager leur vision du paysage, sur des lieux dans lesquels ils vivent et pour lesquels ils pensaient le Parc naturel régional (PNR) en position de donneur d’ordre et non de conducteur de démarches participatives. » (p. 212).

Ce livre, avec vingt pages de références bibliographiques, propose donc aux chercheurs comme aux praticiens des exemples pratiques, des outils, des méthodes pour penser et organiser le développement de leur territoire.