Comptes rendus bibliographiques

FAURE, Antoine, GAUDICHAUD, Franck, GODOY H., María Cosette, MIRANDA P., Fabiola et JARA R., René (dir.) (2017) Chili actuel : gouverner et résister dans une société néolibérale. Paris, L’Harmattan, 280 p. (ISBN 978-2-34309-732-9)[Record]

  • Irène HIRT

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  • Irène HIRT
    Université de Genève, Genève (Suisse)

Existe-t-il un néolibéralisme « à la chilienne » ? Quelles sont ses origines, ses effets, et par quels processus et dispositifs se déploie-t-il ? Telles sont les questions posées par cet ouvrage collectif faisant suite à un colloque tenu en 2013 à Grenoble, dans le sillage du 40e anniversaire du coup d’État de 1973. L’introduction, rédigée par Antoine Faure et Franck Gaudichaud, s’inscrit volontairement dans la filiation de Chile actual. Anatomía de un mito (1997) du sociologue Tomás Moulian, immense succès de librairie ayant contribué à légitimer les analyses critiques des transformations sociales associées au modèle économique mis en oeuvre au Chili depuis les années 1970. Les deux éditeurs considèrent le néolibéralisme dans toute sa polysémie, à savoir à la fois comme une « hégémonie », un « mode d’accumulation et de production » et un « art de gouverner ». Ils émettent l’hypothèse d’un « modèle» néolibéral chilien mis en place dès 1975, lequel s’est même constitué en un des laboratoires du néolibéralisme au niveau mondial. Il s’est traduit par une véritable « révolution capitaliste » caractérisée par des mesures de privatisation et de dérégulation dans la plupart des secteurs économiques et sociaux. Ces transformations sans précédent ont été d’autant plus rapides et violentes qu’elles se sont déployées dans un contexte autoritaire et de terreur. N’ayant en outre pas fondamentalement été remises en cause par les gouvernements de la coalition multipartis de gauche et de centre (la Concertación) ayant oeuvré à ladite « transition démocratique », elles se posent aujourd’hui en obstacle à une véritable démocratisation du Chili. Les contributions, tant en français qu’en espagnol, réunissent des chercheurs et des chercheuses issus de différentes disciplines des sciences humaines et sociales (sociologie, géographie, sciences politiques, anthropologie, architecture et histoire). Elles s’articulent en trois parties qui soulèvent autant d’interrogations : quelles sont aujourd’hui les formes de résistance collective au gouvernement néolibéral du pays ? Comment les subjectivités et les identités individuelles se manifestent-elles dans la société chilienne néolibérale ? Et dans quelle mesure les logiques du marché ont-elles progressivement investi le champ de l’action et des politiques publiques au Chili ? Les sujets abordés au sein des 11 chapitres et de la conclusion montrent la multidimensionnalité des effets du néolibéralisme dans la société chilienne contemporaine. Mentionnons, entre autres thèmes traités, les luttes estudiantines contre la privatisation et la marchandisation de l’éducation, menées par les lycéens en 2006 puis par les étudiants universitaires en 2011 ; la précarité et la « flexibilisation » de l’emploi ; la reconstruction de la capacité des organisations syndicales à agir collectivement dans des secteurs aussi fondamentaux de l’économie chilienne que les mines ou la foresterie ; le traitement de la mémoire et des questions de genre en relation avec les traumatismes de la dictature dans la littérature chilienne ou encore les adaptations du projet socialiste chilien pendant la dictature puis à l’âge néolibéral. Plusieurs chapitres mettent en évidence les dimensions sociospatiales du néolibéralisme, et ses impacts sur les territoires et les territorialités des groupes et des individus. Les analyses de la ville néolibérale portent sur les résistances sociales face aux politiques de logement social déléguées par l’État aux acteurs du marché, notamment dans le cadre du processus de reconstruction post-tremblement de terre de 2010, ou encore les mobilités quotidiennes et les ségrégations urbaines à Santiago. La question de l’exploitation des ressources naturelles et du territoire est abordée, quant à elle, à travers le mouvement d’opposition au projet hydroélectrique HydroAysén, en Patagonie chilienne, et, indirectement, par les revendications politiques et territoriales des Mapuche, peuple autochtone le plus important du Chili et acteur le plus …

Appendices