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Introduction

Le temps est de plus en plus abordé dans les débats et dans les recherches en sciences sociales et urbaines (Gwiazdzinski, 2013 ; Da Cunha et al., 2014 ; Beyer et Royoux, 2015 ; Gwiazdzinski et Drevon, 2017). Ces disciplines ne peuvent négliger la notion des temporalitésdes villes ou temporalités urbaines, qui dérive du terme temps (Tomas, 2004 : 23). Cette notion renvoie à la complexité et la multiplicité des rythmes urbains (Mallet, 2013). La ville est marquée par les différents rythmes individuels et collectifs, naturels et mécaniques, matériels et virtuels, de loisirs et de travail, qui forment ses rythmes quotidiens, hebdomadaires, mensuels et annuels (Pradel, 2016). Ces rythmes n’ont pas de définitions exhaustives. Ils peuvent représenter concrètement le temps (Bachelard, 1950) ou le moyen permettant de coordonner l’activité sociale pour chaque individu (Gurvitch, 1950). Dans les sciences sociales, ce sont les rythmes quotidiens, plus particulièrement individuels, qui acquièrent plus d’importance (Paquot, 2001 ; Mallet, 2014 ; Pradel, 2016), car ils reflètent les évolutions des modes de vie explorés à travers les transports, les services, l’emploi, etc. Dans certaines villes, les rythmes quotidiens se caractérisent par l’accélération et la rapidité de l’enchaînement des activités sociales (Rosa, 2013 ; Mallet, 2014). Par exemple, la technologie permet la vitesse ou l’instantanéité de la transmission, facilite l’échange d’information et la communication, augmente l’accessibilité des individus, qui deviennent joignables à n’importe quel moment, et favorise le développement de moyens de transport de plus en plus performants et rapides (Mallet, 2014 ; Revol, 2016).

Ces changements dans les rythmes quotidiens ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences sur la manière de vivre et d’utiliser les espaces publics, particulièrement les places publiques. Ces composantes vitales et importantes de la ville ne sont pas occupées et utilisées de la même manière dans les différentes temporalités. Les places publiques peuvent être intensément utilisées ou surutilisées à différents moments de la journée, notamment dans les périodes festives et estivales, à travers différentes activités commerciales, de sport et de loisir (Escaffre, 2011 ; Alonso-Provencio et Da Cunha, 2013). Elles peuvent aussi être sous-utilisées dans les différentes plages horaires de la journée et souvent la nuit (Badia et al., 2013 ; Gwiazdzinski, 2015 ; 2017). Ce constat a poussé les architectes et aménageurs à réfléchir sur d’autres approches d’aménagement de ces espaces qui ont émergé avec les politiques temporelles, telles que l’approche chronotopique et l’approche temporaire, mais aussi avec les concepts d’aménagement pratique comme l’adaptation et la flexibilité.

Cet article explore la tendance des changements d’usage des places publiques par rapport aux temporalités quotidiennes et journalières, ainsi que l’effet de ces changements d’usage sur l’aménagement des places publiques. Cela sera vérifié au départ dans les places publiques en général, avec les références bibliographiques comme support, puis dans les places publiques centrales de la ville d’Alger à travers une enquête. Notre but est de confronter les changements des usages avec les approches d’aménagement des places publiques ; autrement dit, de voir si l’aménagement tient compte des changements d’usage et d’explorer les possibilités permettant d’orienter l’aménagement des places vers la flexibilité par rapport aux changements d’usage et d’usagers.

Temporalités urbaines et places publiques

Les temporalités urbaines représentent certes la complexité des rythmes urbains, mais elles ne renvoient pas seulement au temps. Elles impliquent aussi la considération des différentes pratiques sociales et urbaines (Mallet, 2013 ; Da Cunha et al., 2014). Ces dernières sont observées dans les espaces publics, qui sont le support des interactions sociales (Grafmeyer et Authier, 2008 ; Vernet, 2014). Ces espaces sont marqués par leurs propres temporalités quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles, saisonnières, sans oublier événementielles (Soumagne et al., 2013 : 13). Les temporalités sont aussi les principales caractéristiques des places publiques (Wunderlich, 2008). À travers leurs temporalités quotidiennes ou journalières, les places permettent d’observer les différents usages et pratiques sociales, ainsi que leurs changements dans le temps (Wunderlich, 2013).

Ceci ne caractérise pas seulement les espaces publics occidentaux. À Alger, les espaces publics constituent des composantes importantes qui structurent la ville et ses quartiers. Ils offrent des espaces animés et vécus par différents usagers. Ils comprennent plusieurs typologies dont font partie les places publiques. La structure et l’aménagement de ces places ne diffèrent pas trop de celles des places publiques européennes, car elles constituent un héritage à caractère colonial qui a subi peu de modifications dans la forme à travers le temps (Dris, 2004). Ces espaces sont aussi marqués par différentes temporalités quotidiennes et événementielles telles que le ramadan et les fêtes religieuses et urbaines. D’après la sociologue et urbaniste Dris (2002), ces différentes temporalités urbaines permettent l’observation des diverses formes et pratiques sociales qui se manifestent dans les espaces publics et les places publiques.

Changements d’usage des places publiques en considération des temporalités journalières

D’après Mallet (2013), la multiplicité et la variété des temporalités urbaines contribuent aux changements d’usage et des pratiques d’appropriation des espaces publics et des places publiques. Voici les catégories d’usage les plus courantes.

L’usage polyvalent et la variété ou la dominance d’une catégorie d’usagers

Les espaces publics y compris les places suivent les rythmes des villes, dont la tendance est de vivre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (Da Cunha et Matthey, 2007 ; Gwiazdzinski, 2017). De ce fait, ces espaces doivent être fonctionnels tout le long de la journée et polyvalents en accueillant divers usages (Beyer et Royoux, 2015). Cette diversité d’usages implique aussi une diversité d’usagers. Cependant, la présence des usagers féminins marque fortement les places publiques de certaines villes en Occident (Miotto, 2016) mais aussi en Algérie et à Alger (Merabet, 2011 ; Naceur, 2017).

L’usage virtuel

L’usage des technologies de communication se banalise et se généralise dans différents espaces de la ville. Ainsi, les places publiques s’ouvrent sur le monde virtuel à travers la connexion Internet sans fil (wifi) accessible dans une large zone géographique. Bien que l’usage de la communication virtuelle soit fréquent, les places publiques contribuent à la concrétisation et à la réalisation des rencontres virtuelles. Elles deviennent ainsi le lieu de rencontre des personnes cherchant à se connecter à un réseau wifi. C’est le cas de certaines places d’Alger, à l’exemple de la place Grande Poste qui permet à ses usagers de communiquer, d’échanger et de partager virtuellement des informations et des photos sur les réseaux sociaux.

L’usage festif et / ou temporaire

L’événementiel et le temporaire gagnent de plus en plus l’intérêt des urbanistes, qui l’introduisent comme une stratégie de développement de la ville assurant l’animation de la vie urbaine collective (Pradel, 2013). De ce fait, l’événementiel sous ses différentes formes est organisé dans les places publiques (Pradel, 2013). La ville d’Alger ne fait pas exception : ses places Grande Poste et Martyrs accueillent les fêtes nationales et religieuses (Bentifour, 2009 ; Abada, 2017).

L’usage habité

La mobilité des personnes encourage le mode d’habiter polytopique, qui signifie habiter avec l’autre (Stock, 2006). Les espaces publics, et plus précisément les places publiques, sont constamment utilisés, voire habités, car ils offrent des possibilités et des conditions de confort (Younès et Charbonneau, 2008 : 1). Les usagers de ces espaces s’installent dans les places pour se détendre, pour consommer, mais aussi pour travailler avec leurs ordinateurs. Les places deviennent ainsi une extension du chez-soi (Andrade-Charvet, 2013). À Alger, elles sont souvent utilisées comme des extensions de terrasses de café, à l’exemple de la place Émir Abd El Kader, ou comme un espace d’attente des transports publics, comme le square Port Saïd. Elles deviennent des lieux où les usagers allongent leur séjour.

L’usage conflictuel

Les places publiques accueillent différents usages qui ne sont pas toujours compatibles entre eux ou appropriés pour certains usagers. Ces usages provoquent différentes formes de gêne telles que les nuisances sonores ou visuelles, l’insuffisance ou l’absence de confort, l’encombrement et la densité du mobilier, la rencontre d’un groupe d’usagers indésirables, etc. Ces conflits peuvent être perçus différemment entre les groupes d’usagers selon l’âge, le sexe et l’expérience. Par exemple, la circulation automobile sur la place Émir Abd El Kader gène plus les personnes âgées que les jeunes usagers de la place.

Approches d’aménagement des places publiques en considération des changements d’usage et des temporalités

D’après la sociologue Pichon (2009), l’aménagement se fait souvent dans une temporalité des aménageurs, tenant compte des contraintes politiques, financières et techniques. Ceci a pour conséquence la négligence d’autres temporalités liées à l’habiter et à la citoyenneté. Ces dernières renvoient aux pratiques sociales et urbaines, à la vie quotidienne et aux dimensions sensibles des espaces et des places publiques (Pichon, 2009). De ce fait, des aménageurs et architectes ont pensé à d’autres approches d’aménagement pour intégrer la pluralité des temporalités et répondre aux exigences des usagers et du temps. Parmi elles figurent l’approche chronotopique et l’approche temporaire.

L’approche chronotopique se base sur le chronotope, compris comme un modèle permettant d’articuler l’espace avec le temps habité (Guez, 2017). Cette approche s’intéresse aux usages, aux cycles, aux événements, aux dynamiques de déplacement des populations, mais aussi aux conflits d’usage, aux ralentissements des rythmes, aux synchronisations et désynchronisations et aux risques de désocialisation (Gwiazdzinski et Drevon, 2017). Concernant les espaces et les places publiques, l’approche vise l’amélioration de la lisibilité et des conditions d’accueil des usagers et des usages dans ces espaces en tenant compte du concept du rythme dans sa pluralité (Mallet, 2013).

L’approche temporaire est une approche qui projette des usages éphémères dans les espaces publics et particulièrement dans les places publiques abandonnées et latentes (Bertoni et Leurent, 2017). Ces usages temporaires se définissent comme « l’utilisation dirigée, planifiée ou non d’un espace urbain, anticipant un “usage définitif” de celui-ci à moyen ou à long terme » (De Semet, 2013). L’avantage de ces usages est d’éviter les espaces inutiles des points de vue économique et social, et ceux donnant l’impression d’être abandonnés et négligés.

Outre ces approches, les aménageurs et architectes ont introduit des concepts pratiques d’aménagement tels que l’adaptation et la flexibilité. Ces concepts ont émergé dans les débats sur la ville adaptable et flexible vis-à-vis des changements des rythmes urbains. L’adaptation renvoie à la capacité d’un espace d’accueillir différents usages sans aucune modification physique alors que la flexibilité se réfère à la capacité d’un espace d’accueillir différents usages tout en étant facilement modifiable (Fernando, 2006 : 55). L’espace public flexible est un espace dont la forme, les installations et l’aménagement lui permettent d’être ouvert à tous les usages, notamment à ceux non planifiés (Reiss-Schmidt, 2010 : 8). D’après l’architecte Knirsch (2004), il existe trois types de places publiques flexibles : la « place tapis », la « place îles » et la « place vide ».

La place tapis est une place qui peut s’adapter aux usages futurs et variés par sa grande accessibilité, ses possibilités de changement d’aménagement et ses relations directes avec son environnement immédiat. Elle se caractérise par son revêtement de sol qui crée la continuité avec son environnement et ses aménagements sur la périphérie de la place. Quant à la place îles, c’est une grande place qui peut être divisée en zones. Chaque zone est destinée à un usage spécifique. L’objectif de cette division est de réduire les conflits d’usage à travers des zones claires et facilement reconnaissables. Pour ce qui est de la place vide, c’est une place qui est appropriée à tout type d’usage. Elle est dotée d’infrastructures techniques, mais elle n’a pas de mobilier et n’est pas encombrée. Le vide peut être matériel et physique à travers le manque de mobilier, de personnes, ou immatériel à travers l’absence de sens et de symbolisme (Dissmann, 2010 : 31). À ces trois types de places, s’ajoute la place publique temporaire comme place flexible (De Smet, 2013). Cette place résulte souvent de l’aménagement des friches urbaines et des espaces abandonnés (De Girolamo, 2013 ; Németh et Langhorst, 2014 ; Madanipour, 2018). Ceci la distingue des autres places qui ont déjà une structure de place. Grace à son mobilier temporaire, facile à monter, à démonter et à déplacer, elle permet l’expérimentation d’usages nouveaux et l’adaptation à des situations inattendues.

Changements d’usage et d’aménagement dans les places publiques d’Alger

Les places publiques d’Alger sont marquées par des changements d’usage significatifs. Dans le passé, elles étaient principalement occupées par les colons pour la détente et les loisirs. C’étaient aussi des lieux de contrôle des autochtones par les militaires français. À l’indépendance, ces espaces ont été réappropriés par les femmes et les hommes algériens pour la détente et les activités commerciales. Dans les années 1990, les espaces publics étaient très peu fréquentés à cause du terrorisme et des attaques organisées dans ces espaces. Durant cette période, les usagers étaient rares et les usages étaient limités au passage. Après cette décennie noire, les places publiques ont de nouveau été réappropriées par différents usagers et dans différents temps en dehors des fêtes et des événements comme le ramadan. L’intérêt donné à ces espaces concerne aussi les responsables d’aménagement qui projettent de les réaménager dans le cadre de la stratégie de développement d’Alger en ville-monde, à l’horizon 2030.

Pour vérifier les changements d’usage et d’aménagement précédemment cités, nous avons mené une enquête sur trois places publiques centrales d’Alger : la place Grande Poste, la place Émir Abd El Kader et le square Port Saïd (figure 1). Le choix de ces places est attribuable à leur position centrale sur les rues principales de la capitale, à leur fréquentation quotidienne par les usagers et, surtout, à la disponibilité des plans d’aménagement.

Figure 1

Situation des places publiques d’Alger (échelle 1/7500)

Situation des places publiques d’Alger (échelle 1/7500)
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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La place Grande Poste a presque la forme d’une demi-ellipse. Elle se trouve sur la partie supérieure de la rue principale Ben M’Hidi. Elle représente un repère central dans la capitale qui est connu par tous les Algérois et Algériens, car elle représente la place attenante à l’immeuble de la Grande Poste, un édifice imposant par sa forme et son architecture néo-mauresque. La place est aussi marquée par une circulation piétonne intense, entourée par une circulation automobile.

La place Émir Abd El Kader, de forme carrée, se situe approximativement au milieu de la rue principale Ben M’Hidi. Elle est traversée par deux rues perpendiculaires dont l’intersection est marquée par une placette de forme ovale. Cette placette supporte la statue de l’Émir Abd El Kader et est surélevée par des marches. L’emplacement de la placette au centre de la place et à l’intersection des deux voies la transforme en un carrefour.

Le square Port Saïd est une place de forme trapézoïdale, plantée d’arbres. Elle se situe en face du théâtre national, à l’aboutissement de la rue principale Boumenjel et à la croisée des deux quartiers de la ville traditionnelle (la Casbah) et celui du front de mer.

Méthode d’analyse

Nous avons appuyé l’analyse des places sur une combinaison de deux méthodes, à savoir la méthode de l’image instantanée, aussi appelée méthode du scanner (Flükiger et Leuba, 2015) et le questionnaire.

La méthode de l’image instantanée est issue des travaux anciens d’anthropologie visuelle, qui préconisent l’usage de l’image et des sources multimédias dans les sciences sociales. Les travaux de Sylvain Maresca et Michaël Meyer (2013) traitent les travaux antérieurs de « chenal sur les espaces publics » et démontrent l’intérêt d’utiliser la photographie dans les recherches sociologiques. Dans notre recherche, la méthode de l’image instantanée nous sert à observer les usagers et leurs activités se déroulant dans le périmètre des places depuis différents points de vue ou d’un point donnant une vue d’ensemble, et cela, à différentes tranches horaires couvrant une journée ouvrable (de 8h à 20h). Elle s’appuie sur l’usage de la photo et de la vidéo pour faciliter la récolte des informations concernant les usagers (sexe et catégorie d’âge) et les types d’activité (transit, détente, etc.). Les résultats sont d’abord regroupés puis schématisés sur des cartes qui représentent l’image récurrente de la place durant deux heures d’observation. Ces cartes permettent de comprendre comment les places sont utilisées et par qui.

Quant au questionnaire, il représente une des techniques de récolte des données pour comprendre et expliquer les faits (Vilatte, 2007). Il représente une méthode quantitative qui se base sur un échantillon. Les résultats chiffrés permettent de s’écarter de la subjectivité. Plusieurs travaux expliquent la démarche du questionnaire et les méthodes statistiques utilisées (Berthier, 2016).

Dans notre recherche, nous avons choisi un questionnaire avec des questions tantôt ouvertes et tantôt fermées, destinées aux responsables d’aménagement et qui concernent les usages et les approches d’aménagement des places, tels que : les usages des places sont-ils pris en compte dans l’aménagement actuel et futur ? L’aménagement adopte-t-il des approches temporelles ? Le concept de la flexibilité est-il approprié dans l’aménagement de ces places ? Nous nous sommes basées sur une technique simple de calcul statistique qui est celle de la moyenne.

L’analyse des places a porté sur les journées ouvrables des deux dernières semaines d’avril 2016, car c’est lors de ces journées que les places publiques de la capitale sont plus animées et fréquentées. Durant les weekends, les habitants de la capitale sont attirés par le nouvel espace public crée sur la baie d’Alger, à savoir la promenade de la Sablette (Aït Saïd, 2015 ; Houali, 2017). Nous ne nous sommes intéressées, dans cette recherche, qu’aux places urbaines de la ville, d’où le choix des trois places d’Alger-centre et l’observation dans les journées ouvrables. L’élaboration de cette analyse a suscité la collaboration de 15 architectes, doctorants connaissant les méthodes du questionnaire et de l’observation. Ces derniers étaient répartis sur les trois places en trois groupes de cinq. Quatre personnes étaient chargées d’observer la place sous ses différents angles couvrant différentes plages horaires entre 8h et 20h, tandis que les autres membres distribuaient les questionnaires aux responsables d’aménagement de la mairie d’Alger-centre et celle de la Casbah. Nous avons pu interroger 20 responsables d’aménagement, de profils d’architecte, d’urbaniste et de technicien en aménagement. Douze responsables appartiennent à la mairie Alger-centre et s’occupent des places Grande Poste et Émir Abd El Kader et les huit autres responsables sont de la mairie de la Casbah et sont chargés de l’aménagement du square Port Saïd.

Résultats de l’enquête

La place Grande Poste

L’observation récurrente de la place Grande Poste (figure 2) révèle la présence d’une variété d’usagers, avec un nombre dominant d’hommes dont la proportion atteint environ 60 % sur l’ensemble de la journée (figure 3). Les femmes sont présentes sur la place à partir de 10h. Le nombre des femmes adultes surpasse celui des femmes du troisième âge, des adolescentes et des filles. Quant aux hommes, ils sont présents tout le long de la journée. Ceux du troisième âge et adultes sont dominants par rapport aux adolescents et aux enfants. Ces derniers (filles et garçons) sont présents entre 14h et 16h. Durant cette période, la place est fréquentée par différents usagers, dont le nombre se réduit entre 18h et 20h. On observe cela aussi entre 8h et 10h du matin. Pour ce qui est de leur répartition spatiale, les usagers se concentrent plus sur le chemin divisant la place en deux et autour de la fontaine.

Figure 2

Place Grande Poste

Place Grande Poste
Source : Cherfaoui et Djelal, 2018

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L’observation révèle aussi que la place est animée par différents usages (figure 4). Les usagers s’y rendent pour se reposer, acheter des vieux livres, lire, attendre le bus, rencontrer des amis, mais aussi pour prendre des photos en ayant comme arrière-plan l’immeuble de la Grande Poste. La place est dotée d’une connexion wifi, ce qui encourage les usagers à rester et à se connecter en utilisant leurs tablettes et téléphones mobiles. La mixité de ces usages s’observe entre 14h et 16h. Concernant l’usage comme espace habité, la place est souvent occupée par un groupe d’étudiants qui sont présents entre 16h et 18h venant se reposer ou travailler en groupe. En outre, des sans-abris occupent certaines parties ombragées de la place. La présence de ces usagers est source de conflit avec les autres usagers de la place, notamment les femmes.

Figure 3

Répartition spatiale et temporelle des usagers de la place Grande Poste lors d’une journée ouvrable ordinaire

Répartition spatiale et temporelle des usagers de la place Grande Poste lors d’une journée ouvrable ordinaire
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Les responsables d’aménagement ont répondu aux questions concernant l’aménagement des places. Pour la place Grande Poste, les responsables d’aménagement de la mairie d’Alger-centre ont annoncé une série d’actions pour en améliorer le confort et l’environnement dans le cadre de son réaménagement. Ces actions concernent la délimitation des zones pour différents usages, le réaménagement des terrasses à proximité de la place, la plantation d’arbres et l’illumination de la place. D’autres actions sont projetées pour supporter les usages festifs et temporaires qu’accueille déjà la place en saison estivale dans des chapiteaux et grâce à des équipements techniques.

Figure 4

Répartition spatiale et temporelle des usages sur la place Grande Poste lors d’une journée ouvrable ordinaire

Répartition spatiale et temporelle des usages sur la place Grande Poste lors d’une journée ouvrable ordinaire
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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La place Émir Abd El Kader

D’après les résultats de l’enquête, différents usagers fréquentent la place Émir Abd El Kader (figure 5). Les femmes sont bien présentes et leur nombre, en moyenne, s’approche des 50 % lors d’une journée ouvrable. Elles sont fortement présentes entre 12h et 18h. Le nombre des femmes adultes et des adolescentes domine celui des femmes du troisième âge et des filles. Quant aux hommes, ils sont présents le long de la journée notamment vers 16h. Le nombre des adultes surpasse celui des hommes du troisième âge, des adolescents et des garçons. La rencontre des différentes catégories d’usagers s’observe sur la place entre 14h et 18h. Par rapport à la répartition spatiale, on remarque que les personnes âgées et les adultes, quel que soit le sexe, sont répartis autour de la placette, alors que les enfants et les adolescents se rapprochent de la statue située au centre de la placette (figure 6).

Figure 5

Place Émir Abd El Kader

Place Émir Abd El Kader
Source : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Sur la base de l’observation, nous avons déterminé différents types d’usage à différents moments de la journée (figure 7). Bien que l’usage de transit domine, les pratiques de détente, de contemplation, de consommation, de prise de photos et de jeux sont présentes. L’observation fait aussi ressortir que la place est très fréquentée à midi avec des usages temporaires de jeux et de consommation. La mixité de ces usages est observée entre 16h et 18h. La place est aussi utilisée la nuit pour des usages ludiques et de détente. Les cartes schématisant la répartition des usages montrent que la place est beaucoup plus utilisée dans sa partie basse, sur le côté des terrasses de café, que sur sa partie haute qui fait face à la mairie et au Sénat. Concernant les usages conflictuels, l’étroitesse des trottoirs et le manque de places assises amènent les usagers à emprunter la rue et à occuper les bords de la place, gênant ainsi les autres passants et les automobilistes. Il est aussi remarqué que le revêtement de la place est glissant, que les marches contraignent l’accès aux personnes à mobilité réduite et que la circulation automobile crée des contraintes d’accès et des nuisances sonores.

Figure 6

Répartition spatiale et temporelle des usagers de la place Émir Abd El Kader lors d’une journée ouvrable ordinaire

Répartition spatiale et temporelle des usagers de la place Émir Abd El Kader lors d’une journée ouvrable ordinaire
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Les résultats du questionnaire remis par les responsables d’aménagement font ressortir qu’un réaménagement visant sa reconfiguration formelle et fonctionnelle de la place est prévu (figure 8). Ceci sera réalisé par la suppression de la placette et de ses marches et le déplacement de la statue du côté de la mairie. Les voitures n’auront qu’une voie traversant le centre de la place. Cette configuration facilitera l’accès des piétons et offrira une grande surface pour différents usages. La place profitera d’une plantation de palmiers et de nouveaux matériaux de revêtement de sol.

Figure 7

Répartition spatiale et temporelle des usages sur la place Émir Abd El Kader lors d’une journée ouvrable ordinaire

Répartition spatiale et temporelle des usages sur la place Émir Abd El Kader lors d’une journée ouvrable ordinaire
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Figure 8

Simulation du réaménagement de la place Émir Abd El Kader

Simulation du réaménagement de la place Émir Abd El Kader
Source : Vies de Villes, 2012 : 333, 335

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Le Square Port Saïd

D’après l’observation, le Square Port Saïd (figure 9) est dominé par la fréquentation des hommes, dont la proportion atteint environ 70 %. La présence de ces usagers est observée tout le long de la journée. La catégorie d’âge dominante est celle des personnes âgées et des adultes. Ce constat est le même pour les femmes. On remarque donc l’absence des adolescentes et des adolescents, mais aussi des enfants sur la place. La répartition spatiale nous montre que les usagers occupent plus la périphérie et les angles cachés de la place que son centre (figure 10).

Figure 9

Square Port Saïd

Square Port Saïd
Source : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Figure 10

Répartition spatiale et temporelle des usagers du square Port Saïd

Répartition spatiale et temporelle des usagers du square Port Saïd
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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La place attire les usagers pour l’activité commerciale, qui occupe la partie faisant face au théâtre national. Quelques usagers y viennent pour se reposer ou attendre le bus ou des amis. Cela dit, la place est constamment traversée par les piétons. Mais elle est utilisée aussi comme un espace habité par les sans-abris, qui occupent les zones cachées sous les arbres. Les usages de la place se limitent donc à des usages quotidiens de transit, de détente et d’achat. Les usages de consommation, de jeux et de prise de photos sont très rares (figure 11). Le manque de mobilier tel que les bancs, les fontaines, les toilettes fonctionnelles et, surtout, le manque de sécurité constituent des freins à l’usage de la place.

Figure 11

Répartition spatiale et temporelle des usages sur le square Port Saïd

Répartition spatiale et temporelle des usages sur le square Port Saïd
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Les résultats du questionnaire remis par les responsables de la mairie de la Casbah révèlent que la place sera reconfigurée formellement par un nouveau revêtement de sol et un nouveau positionnement des arbres (figure 12). Le revêtement renforcera la relation de la place avec son environnement, notamment avec le théâtre national. Le déplacement des arbres sur le périmètre dégagera la vue sur la baie et offrira un grand espace central pouvant accueillir des usages temporaires ou événementiels.

Figure 12

Simulation du réaménagement du square Port Saïd

Simulation du réaménagement du square Port Saïd
Source : Revue Vies de Villes, 2012 : 332

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Discussion des résultats et quelques propositions d’aménagement pour les places analysées

Les résultats de l’enquête menée sur les trois places d’Alger font ressortir, d’une part, les différences entre les places dans la répartition des usagers et des usages aux différents moments de la journée et, d’autre part, les ressemblances des approches de réaménagement adoptées pour chaque place (tableau 1). Malgré les différents types d’usages et de conflits recensés dans les places, les actions projetées concernent plus l’aspect formel des places que le fonctionnement et les usages. Le tableau suivant récapitule les principaux résultats.

Afin de comprendre ces différences dans les usages et dans les ressemblances de l’aménagement, nous devons procéder à l’interprétation de ces résultats. Pour cela, nous avons recours aux cartes de répartition des usagers et des usages pour chaque place, aux explications et réponses recueillies avec le questionnaire et aux observations de l’environnement de chaque place.

Tableau 1

Récapitulatif des résultats de l’enquête menée dans trois places publiques d’Alger

Récapitulatif des résultats de l’enquête menée dans trois places publiques d’Alger
Conception : Cherfaoui et Djelal, 2018

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Discussion de la répartition des usagers et des usages dans les trois places

La répartition des usagers dans la place Grande Poste n’est pas homogène aux différents moments de la journée. Cela s’explique par les différents motifs qu’ont les usagers de fréquenter la place. Les femmes adultes apparaissent sur la place à partir de 10h soit pour prendre le bus, soit pour se diriger vers les boutiques, soit pour accompagner les enfants à l’école. Elles passent par la place et n’y restent pas, contrairement aux hommes âgés qui sont présents tout au long de la journée, car il s’agit de retraités qui viennent lire des livres et des journaux ou rencontrer des amis. Ceci explique aussi la dominance du nombre des hommes dans la place. Quant aux enfants, ils fréquentent la place à la sortie de l’école, vers 14h et 16h. Nous avons remarqué que le nombre des usagers est réduit après 18h et avant 10h car, à ces heures, les boutiques sont fermées et le transport est très réduit.

Pour ce qui est des usages, ils sont intenses entre 14h et 16h, ce qui est attribuable à la forte fréquentation de la place par différents types d’usagers durant cette période. Cela est confirmé par la carte de la répartition des usagers. La majorité de ces usagers traversent la place, les autres viennent pour acheter les livres, se détendre, prendre des photos de la place et pour jouer. La dominance du transit est justifiée par la spécificité de cette période qui coïncide avec les heures de reprise du travail à 14h et celles de sortie des travailleurs et des écoliers à 16h.

Les usages temporaires sont représentés par la consommation et le jeu des enfants, car ils apparaissent à des périodes précises et limitées dans le temps. La consommation s’observe entre 12h et 14h. À cette période, les terrasses de café et les restaurants à proximité de la place sont pris d’assaut, d’où la transformation de certaines zones de la place en une extension de terrasses par des usagers préférant consommer leur repas sur la place. Pour ce qui est du jeu des enfants, ils sont remarqués entre 14h et 16h, notamment à proximité d’une fontaine de la place. Cette dernière devient le lieu de rencontre des écoliers après la sortie de l’école, car la place ne dispose pas d’espace réservé au jeu des enfants. Concernant les conflits d’usages, nous avons remarqué que certaines zones cachées de la place étaient évitées par les usagers, car déjà occupées par les sans-abris d’une manière permanente.

Pour la place Émir Abd El Kader, la répartition des usagers est presque équitable entre les femmes et les hommes, qui ont les mêmes motifs de fréquentation de la place, à savoir l’attente, la rencontre, la consommation et la détente après le magasinage, car la place est située sur une rue commerçante. Les femmes sont plus présentes entre 12h et 18h. Cette période correspond aux heures de pause et de jeu des enfants après la sortie de l’école, à 14h et à 16h. Les hommes sont fortement présents à 16h après les heures de travail.

Concernant les usages, la place est intensément utilisée par différentes catégories d’usagers entre 16h et 18h. L’usage dominant est celui du transit des piétons allant vers différentes directions : vers la place Grande Poste, vers le square Port Saïd ou vers les terrasses de café. La place Émir Abd El Kader manque de places assises, ce qui pousse les usagers à se déplacer vers d’autres places ou à se rendre sur les terrasses de café à proximité, d’où l’intensité du transit après les heures de sortie de travail et en début de soirée. En plus du transit, d’autres usages sont observés tels que le jeu des enfants et la prise de photos, qui continuent en soirée. Nous avons remarqué que les enfants sont du quartier. La consommation observée entre 12h et 14h représente un usage temporaire, les terrasses de café à proximité étant très occupées durant cette période. Quant aux conflits d’usage, ils résident dans l’accessibilité contraignante des personnes à mobilité réduite qui doivent monter les marches pour accéder à la placette. S’y ajoute le manque d’espace et de bancs publics, ce qui amène les usagers à occuper l’environnement de la place ou à aller vers d’autres places.

Pour le square Port Saïd, les usagers sont en majorité des hommes âgés et retraités qui occupent la place pour se détendre et se rencontrer. Ces usagers accompagnent aussi les femmes âgées, d’où le nombre important de ces femmes par rapport à celui des femmes adultes et adolescentes. Le nombre de ces dernières reste inférieur à celui des hommes. Ceci démontre que la place n’est pas attractive pour elles à cause de la présence des sans-abris et de la dominance des hommes. Concernant l’usage du square Port Saïd, il est intensif entre 12h et 18h avec une dominance pour le transit. Ceci s’explique par la situation et le rôle du square en tant que point de convergence des différents moyens de transport (bus, taxi, proximité de la gare ferroviaire et prochainement de la bouche du métro). La place se distingue par un nombre réduit d’usages. Ainsi, la consommation, la prise de photos et le jeu des enfants sont quasi inexistants. Nous avons remarqué que la place manque de mobilier et de visibilité. Le côté libre de la place donnant sur la baie est caché par des arbres.

Les usages temporaires sont aussi inexistants, à l’exception de l’activité commerciale autour de la place, qui est assurée par des commerçants ambulants entre 14h et 16h. Concernant les usages conflictuels, la dominance des hommes et la présence permanente des sans-abris découragent la fréquentation par les femmes. D’après Gulati (2015), pour que les femmes aillent dans un espace public, il faut les engager dans l’aménagement et proposer une variété d’usages, notamment pour les enfants. En outre, l’habitabilité de l’espace pour les sans-abris et réfugiés favorise un sentiment d’insécurité.

Discussion des approches de réaménagement des places

Bien que les places accueillent différents types d’usagers et d’usage, elles relèvent d’approches d’aménagement presque similaires qui ne découlent pas des politiques temporelles, mais d’une conception d’embellissement où la forme et l’esthétique sont au centre des préoccupations. Ceci dit, cette conception propose des aménagements qui se rapprochent des modèles des places flexibles cités précédemment, à savoir la place tapis avec ses aménagements sur le périmètre de la place et la place île avec ses zones dotées d’un aménagement spécifique. Mais ces propositions d’aménagement ne prennent pas en compte certains usagers et conflits d’usage que nous avons observés dans notre analyse.

Pour la place Grande Poste, le réaménagement projette initialement le confort de tous les usagers, notamment la nuit. Nous avons remarqué que la catégorie jeunes usagers (enfants et adolescents) n’est pas prise en charge par le réaménagement qui prévoit des zones destinées aux personnes âgées et aux adultes. Aucun espace propre à cette catégorie d’usagers n’est prévu. Cette dernière occupe actuellement la place d’une manière temporaire. Le réaménagement pourrait donc prévoir un espace de rencontre ou un aménagement sur la place invitant les enfants à y jouer et se détendre tout en restant proches des parents et séparés des personnes venant y lire ou s’y reposer.

Concernant la place Émir Abd El Kader, l’usage de prendre la statue en photo, qui est généralement pratiqué dans les heures de pause après 12h et 16h, reste négligé par le réaménagement. En Algérie, il est interdit de prendre en photo les institutions telles que la mairie et le Sénat sans autorisation. Mettre la statue sur le côté des institutions découragera les usagers de pratiquer cet usage. Cependant, la suppression de la placette avec ses marches résoudra le problème de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite et diminuera les nuisances sonores générées par la circulation automobile autour de la placette, qui sont ressenties par les personnes âgées. Nous proposons de revoir la position de la statue en concertation avec les usagers de la place et de revoir le nombre de places assises confortables à la disposition des usagers.

Pour le square Port Saïd, le conflit généré par la présence des personnes sans-abri ne peut être résolu par la nouvelle configuration de la place, qui accentue les zones sombres à travers la plantation dense d’arbres sur le périmètre de la place. La rareté des femmes témoigne du fait que la place ne procure pas un sentiment de sécurité. De ce fait, nous proposons que les aménageurs consultent les femmes dans la proposition d’un aménagement alternant des espaces ouverts et éclairés et des espaces couverts et protégés du soleil. Nous proposons aussi le modèle d’aménagement place îles ou à zones, car par sa grande surface, la place pourrait être divisée en zones pour inciter les usagers minoritaires, tels que les femmes, les enfants et les adolescents, à utiliser la place et non juste la traverser.

Ainsi, les propositions d’aménagement qui s’inspirent des modèles de places flexibles peuvent, dans certains cas, présenter des solutions permettant la réduction de certains conflits et le développement de nouveaux usages, mais elles doivent être accompagnées d’une analyse des temporalités journalières tenant compte du contexte et du vécu des places, ainsi que d’une concertation et d’une participation des usagers des places.

Conclusion

Les temporalités journalières marquent les usagers, les usages et l’aménagement des places publiques. Ces dernières ne sont pas utilisées de la même manière ni fréquentées par les mêmes usagers tout le long de la journée. Par conséquent, leur aménagement doit être réfléchi pour suivre ces changements d’usage. L’analyse que nous avons effectuée sur trois places publiques d’Alger, par les outils de l’image instantanée et du questionnaire destiné aux responsables d’aménagement, nous a permis de déceler les différences dans les catégories d’usagers et dans celles des usages, qui sont intensifs, temporaires ou conflictuels à certaines périodes. Notre analyse nous a aussi révélé les similitudes dans les propositions d’aménagement qui tiennent compte indirectement du concept de flexibilité à travers le modèle de la place tapis proposé pour les places Émir Abd El Kader et Port Saïd, et celui de la place à zones, ou place îles, réfléchi pour la place Grande Poste.

Cependant, quand on confronte ces propositions à l’analyse des usagers et des usages, il apparaît qu’elles ne répondent que partiellement aux attentes des usagers en matière d’usage, car elles ne tiennent pas compte de l’ensemble des usagers et ne réduisent pas la majorité des conflits observés. Les recommandations que nous avons faites visent à compléter ces manques et à réduire les conflits d’usage pour améliorer les propositions d’aménagement de ces places.

Finalement, l’analyse démontre l’intérêt d’étudier les temporalités journalières des places pour orienter les aménageurs et les architectes vers d’autres décisions pour l’aménagement de ces espaces en considérant les usagers minoritaires et les usages intenses, éphémères et conflictuels, mais aussi en incluant la concertation et la participation des usagers dans l’aménagement. Elle permet d’ouvrir des pistes de recherche sur le concept de flexibilité des usages des places publiques et d’aller au-delà des modèles existants de places flexibles. Notre analyse présente cependant des limites, car elle a porté uniquement sur les temporalités journalières quotidiennes des journées ouvrables, sans prendre en compte d’autres temporalités, hebdomadaires, saisonnières ou événementielles. En outre, l’étude n’a pas eu recours à l’interview des usagers, qui peut enrichir et affiner l’analyse des usages.