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Cet ouvrage collectif rassemble des contributions intéressantes. Articulé autour de six chapitres distincts, il est introduit et conclu par les coordonnateurs Alain Bourdin et Joël Idt. Les divers contributeurs essaient de lever le voile sur ce qu’ils appellent l’urbanisme des modèles. Ils précisent que la concentration des humains et des activités dans les villes, voire dans les territoires, est un facteur qui nourrit la valeur ajoutée, grâce à l’intelligence collective, ce qui joue en faveur de la régulation de l’économie et des rapports sociaux. Mais face à cet essor, la partie cachée de l’iceberg se dégage ; elle est représentée par l’amplification de la misère dans le monde et la prolifération des conflits, ce qui constitue le sujet tabou du XXIe siècle.

Dès lors, plusieurs questions sont soulevées dans ce livre. Peut-on parler de régulation par les modèles ? Et de quelle façon peut-on assurer cette régulation ? Sommes-nous face à un urbanisme des produits ? (Mangin, 2004). Notant que plusieurs savoirs urbanistiques sont mis en scène, les auteurs plaident pour le développement durable. Ils mettent en avant l’architecture des lieux, une pratique où les actions urbanistiques sont actuellement discutées, commentées et évaluées afin de nourrir et d’alimenter les savoirs de l’action elle-même. Selon eux, trois types de scène s’en dégagent : une chaîne de dispositifs textuels (rapports d’expertise et d’information, études, évaluations, etc.) ; les forums de discussion et les lieux d’échanges (ateliers de projet urbain, manifestations, colloques, etc.) ; enfin, la diversité des publications (lettres d’information, médias, etc.). « Ces scènes accompagnent la conception et la mise en oeuvre des politiques d’aménagement urbains » (Péraldi, 1991).

L’action urbanistique est reine de la scène. On le constate d’ailleurs dans la mise en scène des projets urbains phares et emblématiques présentés dans les revues d’architecture de renom. Photos et articles scientifiques mettent ces grands projets sous les projecteurs (benchmarking) afin de démontrer l’effet de leur attractivité et de leur compétitivité sur le territoire de la ville et ses acteurs.

L’ouvrage montre que la naissance et le développement du design urbain ont changé les données urbanistiques par la proposition d’approches inédites fondées essentiellement sur l’aménagement, à travers les formes urbaines et la naissance des réseaux d’échange d’expériences. On donne l’exemple du programme européen URBACT (2003-2006) (2007-2013) encourageant le développement urbain intégré et durable des réseaux de villes. « L’idée du programme consistait à faire une comparaison entre les villes d’anciens et de nouveaux États membres […], il représent[ait] les dynamiques de réappropriation des modèles diffusés, en suggérant l’existence de logique d’hybridation » (Recherche comparative menée au Politecnico di Milano en 2008-2009).

Alain Bourdin et Joël Idt concluent en précisant que nous pouvons tirer des leçons concernant l’action urbaine, et les autres auteurs, en offrant une lecture critique et en clarifiant les définitions. Ils en précisent quatre distinctes. La première s’ancre dans le savoir de la gestion et du marketing, la seconde dans l’univers de la technique, la troisième est fondée sur la narration d’histoires (storytelling), et la quatrième, sur la maîtrise d’un répertoire d’exemples basé sur la culture savante. Ils dénotent d’ailleurs que, même si les quatre dimensions des modèles sont indépendantes, elles convergent souvent pour donner naissance à une démarche inédite, celle du projet urbain durable.

Les auteurs proposent dès lors d’utiliser et d’interpréter les modèles, parce qu’on se rend compte que, même face à la mondialisation et à l’essor de l’urbanisme, plusieurs modèles étrangers restent inconnus de la majorité de la population.

Au final, il faut préciser que les urbanistes portent toujours de l’intérêt aux modèles parce que ceux-ci représentent le miroir face auquel ils se définissent, en formant leur propre sphère professionnelle. Même si les modèles urbains ont toujours existé, la manière de voir la ville contemporaine et de la structurer s’est complètement modifiée.