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Dans cet ouvrage synthétique, Yannick Brun-Picard a pour objectif de rendre plus accessibles les interfaces aux territorialités multidimensionnelles des formes existantes de tourisme dans leur mondialisation. Il aborde cet objet de recherche, conçu apparemment pour des candidats à des concours ainsi que pour des étudiants, à travers le prisme de figures conceptuelles et de la notion d’interface. Cette option donne l’impression de suivre une session de cours à l’université où l’intervenant projetterait des diapositives tout en explicitant leur contenu.

La structure en six parties renforce cette perception. À raison de quatre figures par partie, l’auteur expose sa construction progressive aux marges des pratiques courantes. Il dessine un univers conceptuel qu’il complète par une structuration conceptuelle afin d’aborder les tourismes en mouvement. Il présente ce que sont pour lui des interfaces touristiques complexes, ainsi que les dimensions touristiques mouvantes. Enfin, un regard projectif sur les tourismes conduit le lecteur vers des perspectives de durabilité propres à toute activité touristique.

Brun‑Picard invite le lecteur à accepter un prisme de lecture faisant de lui ou d’elle un actant conscient de ses responsabilités. Une maxime image cette aspiration (p.  11) : « Seules sont indestructibles les chaînes invisibles dont notre Être s’habille ». Cette prise de position marquée est soutenue par l’emploi de concepts tels que la « géographicité », la convivance, le néo‑socioconstructivisme et la zone proximale d’activité courante (ZPAC) en s’appuyant sur une méthodologie fortement influencée par l’analyse systémique de durabilité et les méthodes collaboratives. Ce positionnement se trouvera mis en porte‑à‑faux en faisant naître le tourisme bien avant que la terminologie apparaisse, mais cela semble consubstantiel à son argumentation. Cette dernière découpe finement l’expansion des pratiques, les implantations touristiques, les déplacements avec une large panoplie d’éléments constituant ses faits, affichant des territorialités et des territorialisations spécifiques.

Par ailleurs, Yannick Brun‑Picard expose que le tourisme, dans ses pratiques commerciales, est un vecteur communicationnel universel. La mise en relief des enjeux fonctionnels, des affirmations identitaires, des antagonismes et des défis prépare de manière orientée une rapide présentation de certaines facettes des pratiques touristiques. Celles‑ci montrent des traits des tourismes de masse avec leurs côtés obscurs, les pratiques individualisées liées aux formes évolutives du tourisme. Elles sont renforcées par des activités pratiquées hors des sentiers battus, comme celle de reproduire de manière allégée la formation d’un centre d’entraînement en forêt équatoriale, (Guyane), sans omettre l’exemple particulier de la Provence, territoire pour lequel l’auteur semble avoir un attrait particulier.

La dernière partie est utilisée pour mettre en évidence les effets positifs et négatifs, les dangers des pratiques touristiques et, surtout, les perspectives de durabilité pour les tourismes autour du monde. Ce dernier aspect, par l’insistance perçue, est vraisemblablement d’une importance majeure pour l’auteur, en phase avec les préoccupations sociétales contemporaines et les images de gigantesques bateaux de croisière vus à Venise, en opposition à sa photo de couverture du golfe de Saint‑Tropez vide de touristes.

À titre personnel, je regrette l’absence de carte dans un ouvrage de nature géographique qui s’attache à un objet tel le tourisme. L’absence de données quantitatives est à relever, bien que l’auteur annonce sa seule volonté de conceptualisation. Par ailleurs, la méthodologie et la conceptualisation, bien qu’explicitées dans le détail de leur mise en oeuvre, n’en demeurent pas moins aux marges des pratiques contemporaines des normes universitaires, ce qui peut engendrer des incompréhensions, voire des rejets et des fixations en faisant du tourisme et des tourismes des objets vivants. Il aurait peut-être été souhaitable que l’auteur développe les aspects historiques afin de soutenir plus efficacement l’existence de faits qu’on peut qualifier de touristiques bien avant que ce terme apparaisse. La bibliographie est essentiellement géographique et n’offre que de rares références purement touristiques, ce qui donne l’impression que le tourisme est un objet géographique analysé avec le filtre de méthodes à même d’étudier toute dynamique productrice d’interfaces.

Néanmoins, les pages proposées par Yannick Brun‑Picard apportent un éclairage réaliste sur les tourismes comme phénomène mondialisé producteur par induction d’interfaces spécifiques. L’auteur met en exergue, pratiquement sans détour, la déresponsabilisation générale face aux décisions à prendre et aux orientations à mettre en oeuvre, tout en reconnaissant qu’un nombre croissant d’acteurs des tourismes déploient des efforts conséquents pour que leurs activités professionnelles soient pérennes et qu’elles s’inscrivent dans la durabilité des pratiques espérées. La nature d’outil alternatif annoncée dans l’intérêt de cet ouvrage pour les étudiants et d’éventuels candidats à des concours en sciences humaines, voire des enseignants, est entièrement respectée. Au final, cet ouvrage est à prendre comme ayant une fonction d’outil pédagogique pour rendre plus explicites les réalités vivantes et évolutives des tourismes.