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Directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (France), Nicole Mathieu nous propose un livre contenant ses « meilleurs succès ». En effet, il s’agit d’un recueil de 12 articles publiés par cette auteure entre 1973 et 2016. La première question qui s’impose est la suivante: est‑ce qu’il était nécessaire de réunir et de mettre en exergue ces différents textes déjà accessibles au public ? En effet, au-delà de leurs qualités, les écrits qui résistent au temps sont de plus en plus rares en cette période de changements continus. L’intérêt des ouvrages datant de plus de deux ou trois décennies réside probablement dans les analyses sur l’évolution des idées ou des méthodes dans un domaine précis. Donc, sauf pour un thésard travaillant sur la pensée ou l’oeuvre de cette auteure, il aurait probablement été plus intéressant d’avoir un portrait contemporain étoffé de la question des relations villes / campagnes.

Ceci étant dit, les apports de la chercheuse restent intéressants et ils gagnent à être connus. Celle-ci se penche principalement sur les représentations de l’urbain et du rural et de termes associés ( campagne, nature, etc.). Ainsi, quatre macroreprésentations de la relation urbain / rural sont définies par Mathieu, qui remonte jusqu’aux écrits du XIXe siècle : la représentation idéaliste, la matérialiste, l’aménagiste et une, plus récente, associée à la mondialisation et au développement durable. Dans ce dernier cas, le concept de nature, généralement lié au milieu rural, serait en voie de s’étendre à la ville, comme l’illustrent des expressions telles qu’« agriculture urbaine ». Cela contribuerait à gommer davantage les conceptions associées aux deux domaines géographiques. De manière générale, si les travaux de Mathieu ont une portée essentiellement analytique, ils ont le mérite de considérer l’urbain et le rural comme un continuum, comme des phénomènes sociospatiaux devant être étudiés simultanément.

En dépit des éléments positifs du recueil, malheureusement enrobé d’un verbiage parfois lourd, Nicole Mathieu ne paraît pas prendre la pleine mesure des dynamiques territoriales actuelles. Pour le meilleur et pour le pire, l’urbanisation / métropolisation est une force qui transforme inexorablement l’ensemble de l’écoumène. Les espaces ruraux, et même les villes petites et moyennes, semblent touchés par une dynamique de périphérisation qui est difficile à contrecarrer. Cela ne veut pas dire que les milieux de faible densité disparaîtront, du moins pour la majorité. Dans le nouvel ordre territorial, ces milieux deviennent visiblement des quartiers résidentiels métropolitains d’un genre nouveau à l’intérieur de dynamiques régionales et nationales caractérisées par la forte mobilité. La terminologie et les représentations apparaissent largement inadéquates pour décrire cette réalité ou, du moins, l’image idéalisée de la nature induit des mouvements résidentiels vers la campagne, alors même que la présence des néoruraux « déruralise » le territoire.