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Comme on le sait, la question du patrimoine religieux, de sa genèse comme de son devenir et de ses modalités, se pose avec une singulière acuité au Québec. Et cela explique sans doute, au moins partiellement, l’intérêt appuyé de la recherche dans ce domaine. C’est ce à quoi rend justice la collection Patrimoine religieux, dirigée par Étienne Berthold et Mélanie Lanouette. On peut songer par exemple au livre dirigé par Luc Noppen, Les églises du Québec (2005) qui proposait déjà des questionnements originaux.

Ce nouveau volume collectif, consacré, comme son titre l’indique, au patrimoine des communautés religieuses, ouvre donc de nouveaux chantiers et de nouvelles perspectives dans le domaine. Les 12 études ici rassemblées portent essentiellement sur le patrimoine canadien, à l’exception de deux chapitres, l’un sur le renouveau de l’éducation orthodoxe dans la Russie postsoviétique, qui vient apporter un éclairage oblique sur le sujet, et un autre sur les Pays‑Bas. Le sous‑titre du livre, « Empreintes et approches », résume assez bien le propos général : à la fois proposer de nouveaux thèmes de recherche et faire le point sur les méthodes disponibles pour explorer ces objets. L’originalité des contributions à cet ouvrage repose sur l’attention accordée non seulement à l’architecture et son histoire, mais aussi sur l’approche ethnologique, nécessaire pour comprendre correctement les objets étudiés, et enfin, selon les coordonnateurs du volume, sur « la prise en compte de l’action sociale menée par les communautés religieuses », dans la mesure où celles-ci, bien loin de représenter des communautés « mortes », manifestent au contraire une vitalité multiforme, toujours en prise avec le reste de la société. Autrement dit, le patrimoine n’est pas que matériel ; il est aussi social, en tant que construction vivante et évolutive.

C’est donc bien l’étude du patrimoine immatériel conjoint au(x) patrimoine(s) matériel(s) qui fonde une approche satisfaisante de ce champ thématique en plein bourgeonnement. La géographie n’est pas convoquée au premier chef, mais la dimension spatiale de ces patrimoines est clairement mise en avant à travers différents cas, comme celui des seigneuries du Québec, abordé par Benoît Grenier, ou encore la « Lecture morphologique du patrimoine architectural des Ursulines de Trois-Rivières », de Cynthia Aleman, qui mêle approche sociologique et géohistorique.

L’étude de Marion Robinaud résume assez bien à elle seule la richesse et l’originalité de cet ouvrage : elle étudie les relations nouées entre les communautés religieuses et les Premières Nations du Canada à travers des documents fort variés. Elle évoque, dans son titre, les idées de « traces d’héritages » et de « réactivation mémorielle », illustrées par des documents de première main, notamment des photographies. Se pose ainsi la question de la continuité de certains héritages, certes matériels, mais aussi culturels et spirituels, notamment lorsque les communautés concernées vieillissent et peinent à se renouveler. Celles-ci font alors preuve d’inventivité pour maintenir leurs valeurs vivantes, que ce soit à travers de nouvelles fondations ou des fonds d’archives mis en valeur, comme la photographie.

La mise en tourisme, comme la mise en valeur de ces patrimoines, révèle aussi l’émergence d’une problématique d’ensemble sur la conservation et l’évolution de ces différents héritages, soumis à des processus de sécularisation ou de laïcisation différents d’un pays à l’autre. Au final, cet ouvrage collectif permet d’aborder ces patrimoines communautaires sous différents angles, avec des lectures stimulantes. Il est regrettable que les cartes soient souvent trop petites, et donc difficiles à lire, mais cela n’enlève rien à l’intérêt documentaire des images choisies. Le mérite du livre est donc de se placer à l’intersection de différents domaines de recherche de manière ouverte.