Comptes rendus bibliographiques

STASZAK, Jean-François (2017) Frontières en tous genres. Cloisonnement spatial et constructions identitaires, Presses universitaires de Rennes, 211 p. (ISBN 978-2-7535-5903-5)[Record]

  • Jocelyne Alicia Janice Akoma Miyono

…more information

  • Jocelyne Alicia Janice Akoma Miyono
    Geospatial Company, Libreville (Gabon)

Comme son titre l’indique, cet ouvrage est une synthèse analytique sur le rôle et les incidences des frontières sur les questions de genre. La thématique est soumise au carrefour de sciences telles que la sociologie et l’ethnographie, pour comprendre le processus parfois improbable de mise en place des frontières. Dans le premier chapitre, les auteurs montrent que les frontières sont à l’origine de la création des différents groupes sociaux (p. 15). En effet, « mes qualités » peuvent, ou pas, faire partie de celles d’un autre individu. Par conséquent « mon identité me rapproche de mes semblables » (p. 21) et crée de facto deux groupes : les uns et les autres (dans l’ouvrage, on parle de l’endogroupe, qui fait référence au groupe dominant, et de l’exogroupe, pour le groupe dominé). Ce rapport de force entre les deux groupes s’observe également dans la définition des identités de genre, où le sexe féminin est confiné à l’espace domestique et le sexe masculin, à l’espace public. Quelle que soit la période de l’histoire de l’humanité, ce stéréotype est toujours d’actualité. Tout au long du deuxième chapitre, les auteurs se concentrent sur la place de la femme (assignée aux tâches ménagères) vis-à-vis de l’homme (qui doit et peut « se pavaner » dans les rues et prononcer des discours). À cet effet, ils ne manquent pas de souligner l’indignation des groupes considérés faibles (les exogroupes), indignation qui est à l’origine des mouvements raciaux de revendications féministes, voire naturalistes. L’un des apports de ce livre est qu’il présente une panoplie de différentes approches d’établissement de tout type de frontières (limites des continents, limites supra-étatiques, limites d’États, de villes, de paysages, d’interdictions, etc.) qui contribuent à la construction des identités. Passant outre les autres événements (acquisition d’indépendance, apartheid, etc.) largement développés au chapitre IV, l’ouvrage montre que la colonisation et la mondialisation ne sont que des formes d’expression de la supériorité d’un groupe (l’endogroupe), qui estime détenir suffisamment de pouvoir pour imposer une certaine conduite à l’ensemble des exogroupes. D’ailleurs, les auteurs n’hésitent pas à faire valoir que les frontières sont de tous genres et occasionnent une sorte de repli identitaire. Pour ce qui est de la construction des identités, les auteurs, au-delà du discours géographique, nous ramènent à la célèbre question philosophique « qui suis-je ? » du Discours de la méthode de René Descartes. En réalité, nous comprenons bien qu’il y a de nombreux éléments de réponse à cette interrogation. Autrement dit, comme l’ont si bien démontré les auteurs, toute personne appartenant à un espace, disons l’hémisphère nord de la planète, est d’abord considérée comme élément particulier dans cet espace ; puis à ce premier élément d’identité s’ajoutent d’autres éléments en lien, par exemple, avec la couleur de la peau, la situation financière et le mode de vie lié à cette situation. Tous ces éléments façonnent l’individu selon le groupe auquel il appartient dans ledit espace. Enfin, à cela s’ajoute l’identité politique qui, elle, le subordonne à l’autorité étatique de l’espace où il se trouve (p. 129). Les frontières décrites dans ce livre montrent comment, d’une façon ou d’une autre, elles favorisent la construction des identités individuelles (femme/homme ; gai/transgenre ; catholique/orthodoxe ; modeste/immodeste), mais aussi collectives (Américain/Africain, originaire du ghetto/quartier aisé, etc.) et qui les distinguent d’autrui. Or, autrui peut être tout, à la fois, car dès l’instant qu’il sera accepté ou rejeté, dominé ou non, il appartiendra de facto à l’un ou à l’autre. (chap. IV à VIII). En conclusion, qu’elles soient physiques, symboliques, visibles ou invisibles, le besoin d’établir des frontières entre différents groupes semble être inscrit dans ce qu’on …