Comptes rendus bibliographiques

MICHON, Perrine (dir.) (2019) Les biens communs. Un modèle alternatif pour habiter nos territoires au XXIe siècle. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 316 p. (ISBN 978-2-75357-705-3)[Record]

  • Laurent Sauvage

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  • Laurent Sauvage
    École des sciences de l’administration, Université TÉLUQ

Cet ouvrage restitue les réflexions issues d’une journée d’étude organisée, en 2016, par le Lab’Urba. Son originalité est de réunir des chercheurs venus d’horizons disciplinaires divers, des praticiens dans le domaine de l’aménagement et de l’urbanisme et des « grands témoins » éclairant la notion sous un angle historique, anthropologique et philosophique. Cette diversité traduit non seulement la pluralité des approches contemporaines des « communs », mais également le succès d’une notion qui percole dans de nombreuses sphères sociales, devenant source de nouvelles pratiques autant que de revendications politiques et constituant, selon les auteurs, une façon alternative de penser et d’agir sur un monde encore traumatisé par l’échec des idéologies du XXe siècle. Cependant, le succès de cette notion, l’ambiguïté sémantique qui l’entoure dans la langue française (le commun, les communs, les biens communs, le bien commun) et la diversité des disciplines qui s’en sont emparées, ont fini par en brouiller les contours. Le chapitre de Catherine Larrère permet d’en définir les caractéristiques. Cette auteure situe l’émergence des réflexions contemporaines sur les communs dans un contexte marqué, d’une part, par le succès de l’article de Hardin, The tragedy of the commons, d’autre part, par les travaux d’Ostrom, sur la gouvernance des communs. Le premier utilise les communaux comme une métaphore malthusienne des dangers de la surpopulation. La critique de l’article en déplace la focale pour faire une démonstration du danger de l’absence de propriété privée, seul moyen efficace de préservation des ressources naturelles. Les communs deviennent alors une justification des politiques néolibérales. Ostrom, quant à elle, prend le contrepied de la proposition d’Hardin pour montrer l’efficacité de l’action collective dans la gestion des ressources naturelles et donne une définition positive des communs comme des ensembles associant trois éléments : des ressources, une communauté et des règles. Si les analyses d’Hardin et Ostrom sont construites autour de ressources naturelles, la définition apportée par Ostrom peut s’appliquer à d’autres types de ressources. Larrère pose alors la question de la généralisation de la notion de communs à d’autres domaines et d’une « mise en commun généralisée » comme alternative au capitalisme. Elle suggère que toute ressource ne permet pas d’instituer des communs et que ceux-ci, situés dans les interstices de la dualité marché/État, visent à en subvertir les termes plutôt qu’à les abolir. Augustin Berque propose de voir, dans le succès de la notion de communs, une transformation d’ordre ontologique du rapport de l’individu à son environnement. Formulée d’abord par Aristote, puis par Descartes, la modernité portait une vision de l’être, pouvant s’abstraire de son environnement, perçu comme une chose extérieure à lui-même, chose sur laquelle il peut agir, chose qu’il peut posséder. Berque mobilise ici la mésologie pour suggérer que l’être ne peut être conçu qu’en relation avec son milieu sur lequel il agit (par la technique) et par lequel il est agi (par le symbole), double relation qui se cristallise dans un « corps médial éco-techno-symbolique ». Comme le montre Perrine Michon, c’est bien cette relation qui est au coeur du commun, non plus envisagé comme triade (ressource, communauté, règles), mais comme principe politique qui préside au processus de mise en relation de ces trois éléments. Allant à contre-courant de tendances dominantes dans les sociétés occidentales contemporaines, le paradigme des communs invite à une triple remise en question : de l’individu envers un environnement qui ne lui est pas extérieur mais consubstantiel, de l’individu envers les autres avec qui les conflits sont porteurs d’institutions communes, de l’individu envers lui-même, devant se penser en perpétuelle coconstruction avec son environnement. Dans leurs chapitres, Lepart ainsi que Kébir et Wallet développent leurs …

Appendices