Croiser chansons populaires et tourisme, voici une approche géographique originale. C’est une nouvelle porte d’entrée pour la géographie du tourisme que nous offre Olivier Lazzarotti, géographe, professeur à l’Université de Picardie Jules Verne, dans son ouvrage « Vivent les vacances ! Tourisme et chansons », paru en 2021 aux Presses universitaires du Septentrion. La thématique du tourisme en tant qu’objet d’étude entre dans le champ de la recherche géographique dans les années 1950. Mais c’est à partir de la décennie 1990 que la géographie du tourisme acquiert une reconnaissance institutionnelle, avec les travaux de Georges Cazes et Roger Brunet. Rémi Knafou et l’équipe MIT (Mobilité, Itinéraire et territoires) rompent avec les statistiques officielles et insistent sur les liens entre touristes et lieux. En 2013, Philippe Duhamel proposera une définition alliant les trois dimensions espace, temps et expérience personnelle : « [V]oyage à but récréatif qui mobilise un système d’acteurs, de pratiques et de lieux. Il implique un déplacement temporaire hors de la sphère du quotidien et hors du temps du travail, introduit une rupture dans la vie et permet d’autres modes d’habiter ». La définition géographique du tourisme évolue au cours du temps, tout comme son extension à l’échelle planétaire. Dans l’introduction, l’auteur produit un catalogue non exhaustif des différentes définitions du tourisme (OMT, INSEE, MIT) et des auteurs s’intéressant aux relations entre tourisme et chansons, dont Yves Borowice – signataire de la préface de ce livre. Puis il dévoile ses critères de sélection des chansons, dont il assume « la part d’arbitraire qui traverse le choix de certaines d’entre elles » (p. 29) : présentes sur Youtube, essentiellement françaises et rapportant une expérience touristique. Le corpus comporte 200 chansons composées entre 1891 et 2020 dont près de la moitié concerne les années 1960-1970 correspondant à la « seconde révolution touristique », période de diffusion et de diversification de cette activité. Une étude statistique est menée sur le corpus, agrémentée de graphiques : nombre de chansons retenues par année, interprètes, mots les plus utilisés, mots du corps, noms de lieux. L’ouvrage se décline en six chapitres. Dans le premier, Lazzarotti constate que les chansons d’avant la Seconde Guerre mondiale prônent un tourisme balnéaire littoral réservé à l’élite sociale française. À partir des années 1960, le tourisme devient « bannière et instrument de contestation (p. 46) » principalement au travers de « Salut les copains », émission radiophonique d’Europe 1. Les chansons françaises qui traitent du tourisme sont alors souvent interprétées par de jeunes femmes, mais leurs paroliers n’en demeurent pas moins des hommes plus âgés. Chanter le tourisme participe à une profonde transformation de la société française : « Faire du tourisme c’est appeler à construire une autre société » : refuser le travail, en finir avec l’école, balayer la famille, privilégier les copains, s’émanciper, voter, inventer un nouvel « habiter pétri d’influences venues des États-Unis » (p. 57). Dans le second chapitre, l’auteur tente de définir le touriste au travers des textes des chansons : un habitant de passage (p. 62), mobile, parcourant des lieux qu’il ne connaît pas ; un étranger facilement reconnaissable donc vulnérable (p. 63). Être touriste c’est faire des choix : choix d’une destination, d’un lieu rêvé, d’un hébergement, d’un moyen de transport. Les chapitres III et IV évoquent l’amour puis la plage. Les expériences touristiques que racontent les chansons interrogent sur ce que « fait donc le tourisme à l’amour » et sur « que fait l’amour au tourisme » (p. 93). Les chansons révèlent que l’expérience touristique à deux « parfois tragique, parfois heureuse, est toujours une épreuve de vérité (…) et est …
LAZZAROTTI, Olivier (2021) Vivent les vacances ! Tourisme et chansons. Presses universitaires du Septentrion, 214 p. (ISBN 978-2-7574-3357-7)[Record]
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Dominique Soulancé
Université de Lille