Table ronde

« Nous ne cèderons pas » : inaliénabilité de la terre, résistance et souveraineté ancestrale chez les Premiers Peuples[Record]

  • Pierrot Ross-Tremblay

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  • Pierrot Ross-Tremblay
    Institut de recherche et d’études autochtones, Université d’Ottawa

Que porte la conscience historique des Premiers Peuples ? Je pense que c’est important de revenir un peu en arrière pour comprendre la condition dans laquelle on se trouve aujourd’hui. Je pense toujours à 400 ans, j’essaie de me représenter comment les premiers contacts ont eu lieu et l’héritage de nos civilisations très anciennes qui ont accumulé avec le temps une immense sagesse. Ces mémoires culturelles nourries de l’observation de la Terre, ça s’est sédimenté puis c’est devenu des récits anciens très riches, très puissants, avec des façons de prendre des décisions ensemble et de se relier les uns aux autres très riches aussi. Quand les premiers colons sont arrivés, les premiers explorateurs, nous avons tenté de leur dire à plusieurs reprises : Alors, aujourd’hui, 400 ans plus tard, le petit miroir qu’on nous a donné contre le « territoire », on le prend – au moins il va être utile à quelque chose –, on va le retourner : « Regardez dans le miroir et voyez la catastrophe que votre société a causée ». Des fois, j’ai l’impression que, 400 ans plus tard, nous continuons à dire la même chose et que les Euroquébécois ne comprennent toujours pas. Ce n’est pas tout le monde, évidemment : certains comprennent, mais peu. Alors, ce que je vois, c’est un décalage avec les discours officiels de tous ceux qui tirent profit du colonialisme, que ça soit au niveau de l’État, au niveau de la culture dominante et même dans nos communautés. Je veux dire que vous avez des gens qui ont un intérêt, finalement, à nous faire croire que ce système est là pour nous servir, mais en détournant nos regards de la réalité sociale, de la condition réelle des gens, des orphelins en particulier, des gens qui sont en prison, des gens qui sont désorientés, des souffrances, etc. Alors, c’est le point de vue de ces gens-là que je trouve plus intéressant à comprendre, aujourd’hui, et celui des institutions avec lesquelles on vit ; le point de vue de ceux qui en auraient besoin, qui en sont exclus et le subissent. Bon, je n’ai pas encore parlé de réconciliation : c’est un sujet un peu délicat, mais on ne peut pas l’éviter. Alors, pour moi, la réconciliation, celle qui sort de la bouche des politiciens et des représentants de l’État, est avant tout cosmétique. La politique ou « l’industrie » de la réconciliation a une fonction de simulation de justice, de simulation de similitude entre nos ordres juridiques, et de dissimulation du fait que le colonialisme se porte très bien au Canada. La « réconciliation » est une vieille stratégie pour nous attendrir, pour mieux nous forcer ensuite. Puis, on le voit présentement avec le projet de pipeline, avec les grands projets de développement industriel sur le territoire, le Canada n’a jamais eu qu’un seul objectif depuis le début de sa relation avec les Premiers Peuples : l’appropriation des territoires et des ressources et l’exploitation optimale des Premiers Peuples pour servir ses propres intérêts. Alors, de mon point de vue, il faut revenir à la source du système d’une certaine façon pour comprendre l’architecture de ce colonialisme, de cet apartheid canadien. Il faut comprendre l’esprit des architectes. Puis, je sais qu’on veut tous passer un bel après-midi, alors je ne voulais pas nécessairement vous parler de John A. Macdonald. Ce fameux John A., qui disait rêver de créer une Amérique du Nord purifiée des « races bâtardes ». Spéculateur foncier, il rêvait de créer une Confédération sur le modèle du sud des États-Unis. Il a été celui qui a été le …

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