Comptes rendus

NINEY, François, L’Épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck Université, 2000, 346 p. [Record]

  • Marion Froger

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  • Marion Froger
    Université de Montréal

Les professeurs et leurs étudiants se réjouiront à juste titre de la parution de L’Épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, ouvrage qui se présente comme un manuel scolaire quelque peu atypique. Les publications des dernières années cherchaient à classifier les documentaires suivant des écoles, des mots d’ordre ou des catégorisations théoriques  ; à faire l’histoire du documentaire  ; à théoriser son mode de production de sens ; ou encore à offrir une perspective sociologique sur ses modes de réception et de production . Rien de tel chez Niney, qui déplace la question du documentaire du terrain de la rhétorique du discours à celui de l’esthétique de la réflexion. Pour ce faire, et cela n’est pas le moindre mérite de son propos, Niney nous entraîne dans un vaste tour d’horizon des questions qu’il faut avoir en tête lorsqu’on entreprend l’étude du documentaire, qu’on s’interroge sur l’image documentaire et son rapport à la réalité, sur la dimension artistique de l’analyse du réel ou encore sur le rapport à la vérité impliqué par le mode de réception du film. L’ouvrage de Niney vaut aussi par la diversité et la richesse de ses références. On sent qu’il est issu d’une longue fréquentation du documentaire, d’un vivre avec celui-ci, qui lui permet de tisser un vaste réseau de résonances entre des théoriciens, des cinéastes, des écrivains, des philosophes ou des scientifiques (Bazin, Péléchian, Perec, Arendt et Heisenberg, pour ne citer qu’eux). C’est somme toute le parcours intellectuel d’un homme, de ce qu’il a lu, vu, entendu, enseigné à l’ouvrage mémoriel qui rassemble en une anthologie les trouvailles que lui ont fournies moult rencontres, lectures et projets d’écriture en relation avec le documentaire et les documentaristes. On peut sans conteste attribuer une grande valeur pédagogique à l’angle d’attaque proposé par Niney. L’organisation des chapitres en cinq grandes parties distinctes permet de distinguer : 1) des propositions théoriques sur la « (re)-production du monde  » ; 2) des problématiques traditionnelles d’ordre esthétique (comment l’art peut être un rempart contre la propagande ou la propagation de l’idéologie totalitaire, Leni Riefensthal constituant à cet égard un cas d’école), d’ordre politique (comment la voix off instaure un certain ordre du discours, comme voix de la Raison, de la Nation, du Progrès) et sociohistorique (comment l’image est tributaire d’une Weltanschauung dominante) ; 3) des points stratégiques de la production et de l’exploitation des images (la question du « bon ou mauvais » usage de l’image par les médias de masse) ; 4) des pistes d’analyse des conditions cinématographiques de la mémoire collective et de sa réactivation. Niney use alors d’une opposition fort simple entre « l’actualité » des images journalistiques et les nappes de temps des images documentaires ; 5) une réflexion conclusive sur la fausse distinction entre documentaire et fiction qui repose sur une partition trop rigide entre le vrai et le faux, où l’on manque ce qui passe de l’un à l’autre, la fonction de leur interpénétration dans la production de sens. Au lieu de partir de la fausse évidence d’une réalité prise sur le vif (angle qui amène son lot de questions sur la nature représentationnelle ou testimoniale de l’image), Niney part de la construction du réel par le média cinématographique et télévisuel, que le documentaire comme pratique récupère, conteste, renouvelle, etc. Il va ensuite élargir son champ de réflexion en rattachant la question de la vérité des images aux débats contemporains sur le statut de la vérité scientifique. L’intérêt est que le documentaire n’est plus marginalisé comme production discursive de seconde main (relevant de la vulgarisation scientifique ou du média …

Appendices