Comptes rendusBook Reviews

François ALBERA, Marta BRAUN et André GAUDREAULT (dir.), Arrêt sur image, fragmentation du temps. Aux sources de la culture visuelle moderne/Stop Motion, Fragmentation of Time. Exploring the Roots of Modern Visual Culture, Lausanne, Payot Lausanne, 2002.[Record]

  • Nicolas Dulac

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  • Nicolas Dulac
    Université de Montréal

Rendre compte d’un ouvrage collectif qui, en 350 pages, ne réunit pas moins de vingt auteurs, se présente d’emblée comme une tâche hasardeuse. Difficile, en effet, de résumer en quelques pages des textes utilisant des approches et développant des sujets aussi diversifiés que ceux présentés dans ce livre : aux commentaires historiques solidement documentés qu’il propose, s’ajoutent en effet des études épistémologiques, esthétiques et phénoménologiques, des analyses à caractère scientifique, des relevés muséographiques, etc. Si la pluralité des approches peut paraître le résultat d’un certain manque de cohésion, fréquent dans les actes de colloque, ici elle fait plutôt état d’une diversité qui prend tout son sens et qui s’avère décisive dans le projet d’ensemble de l’ouvrage. Projet qui, du reste, arrive à point nommé au sein des recherches actuelles sur le cinéma des premiers temps et la culture visuelle du xixe siècle. L’objectif du colloque Arrêt sur image et fragmentation du temps, qui est à l’origine du livre du même nom, était de présenter l’état de la question, de faire le point sur l’avancement des recherches portant sur les débuts du cinéma. Tenue à la Cinémathèque québécoise dans le cadre des Entretiens du Centre Jacques-Cartier, cette rencontre avait pour point d’ancrage une thématique souple, qui permit aux conférenciers de rendre compte de l’ampleur et de la diversité du champ d’études. Près de 25 ans après le fameux congrès organisé par la Fédérarion internationale des archives du film (FIAF) à Brighton , l’heure était au bilan. D’ailleurs, la diversité qu’impliquait le thème du colloque se reflétait bien dans le choix des conférenciers : aux spécialistes bien connus au sein de la discipline, venaient s’ajouter de jeunes chercheurs et quelques doctorants, en provenance de différents pays (Canada, États-Unis, France, Belgique, Suisse, Angleterre, etc.). Ainsi, le livre qui tire son origine de cette rencontre permet-il de faire état non seulement de l’évolution des recherches depuis Brighton, mais également d’entrevoir les nouveaux horizons vers lesquels tend la relève. Ce n’est certainement pas un hasard, par ailleurs, si le livre présenté ici tente d’approfondir une question soulevée il y a plus de quinze ans par André Gaudreault et Tom Gunning : comment appréhender l’histoire du cinéma des premiers temps dans une perspective théorique tout en évitant l’écueil d’une vision téléologique — ou, en d’autres mots, sans présenter le cinéma narratif institutionnalisé comme l’objectif ultime vers lequel tendrait le développement des vues animées  ? Malgré les progrès considérables de la recherche sur le cinéma des premiers temps, cette question demande aujourd’hui encore à être approfondie. D’entrée de jeu, on peut affirmer que Arrêt sur image procède d’une ambivalence fondamentale (et fondatrice), témoignant d’un rapport dualiste entre la continuité et la rupture. Le titre de l’ouvrage fait évidemment référence au second aspect, celui de la discontinuité, de la fragmentation, de la décomposition. Pourtant, les textes rassemblés dans le recueil montrent avec force que cette dimension ne peut être conceptualisée sans son contraire, que le fragment ne cesse de renvoyer à un tout et que sa singularité n’est perceptible qu’au sein d’une totalité. Ce dualisme, par ailleurs, ne renvoie pas uniquement aux propriétés intrinsèques du dispositif cinématographique, mais aussi, de façon plus générale, à l’approche historique que suscite l’étude du cinéma des premiers temps. Si certains auteurs se réclament d’emblée de cette ambivalence, certains préféreront « prendre parti », prônant l’une ou l’autre de ces approches. Pris dans son ensemble, cependant, Arrêt sur image réaffirme et interroge ce va-et-vient constitutif entre la partie et le tout. La prise en compte de cette ambivalence du temps historique permet également de mettre en lumière d’autres formes de …

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