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Réal La Rochelle, Opérascope. Le film-opéra en Amérique, Montréal, Triptyque, 2003, 428 p.[Record]

  • Frédéric Dallaire

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  • Frédéric Dallaire
    Université de Montréal

Voici une somme, un livre faisant la synthèse de plusieurs années de réflexion sur les différents aspects sonores du cinématographe. Les rapports entre l’opéra et le cinéma, ainsi qu’un genre né de cette rencontre, la comédie musicale américaine, sont déjà l’objet d’études approfondies . L’ouvrage de Réal La Rochelle tente d’inscrire le musical dans une perspective qui transcende la notion de genre. Pour ce faire, l’auteur base sa méthode sur un entrelacement de considérations historiques et techniques, d’analyses filmiques, de commentaires critiques et d’interviews avec les cinéastes François Girard et Alain Resnais. Tous ces éléments s’intègrent ultimement dans une réflexion sur la musicalité filmique. La Rochelle tente d’évaluer le rôle de l’opéra dans l’élaboration d’une conception créative de la bande sonore. L’énorme quantité d’informations historiques et critiques communiquées par l’auteur donne au lecteur une impression de boulimie intellectuelle. Ne voulant rien oublier, il a tenté de tout inclure dans son ouvrage. Au-delà de cette tentative de « musicaliser » le texte grâce à un amalgame hétérogène de considérations fondamentales et (souvent) secondaires, il nous semble possible de retracer les bases intellectuelles de ce long voyage de 428 pages. Lors de l’apparition du cinématographe, l’opéra traditionnel européen s’impose déjà depuis plus de trois siècles comme une manifestation spectaculaire de « l’art total ». À cette époque, Thomas Edison tente de synchroniser un appareil de reproduction du mouvement avec un phonographe (p. 110). « Le film est [donc] imaginé et reçu, dès sa création industrielle, comme sonore, musical. Tel un opéra » (p. 11-12). Les possibilités offertes par l’enregistrement mécanique de l’image et du son ont suscité maint discours sur la démocratisation des grandes oeuvres opératiques européennes. Tout un chacun peut désormais s’offrir une projection cinématographique mettant en vedette les grands chanteurs et orchestres de l’époque. Cette possibilité donna naissance à un courant d’opéra filmé. Si, en Europe, on utilise le médium audiovisuel pour garder trace des grandes performances opératiques, en Amérique du Nord, on semble rejeter cette pratique. Mises à part quelques exceptions, « l’opéra filmé n’existe pas [en Amérique] » (p. 13). Or, c’est de ce côté de l’Atlantique que l’opéra aura une influence dépassant largement la reproduction des formes traditionnelles européennes. Afin de définir « ce nouveau type de film lyrique » (p. 15), l’auteur utilise l’expression « opérascope ». Celle-ci « peut marquer emblématiquement le lieu, l’objet et la stylistique d’ensemble de l’opéra dans les cinémas nord-américains » (p. 13). Il semble que les créateurs états-uniens et canadiens se soient approprié les codes opératiques afin de les transformer en les intégrant au langage cinématographique, donnant ainsi naissance à une forme nouvelle d’art audiovisuel. Le livre de La Rochelle propose donc, « au moyen d’une série de promenades, […] de décrire les contours singuliers du film-opéra [et] d’analyser quelques films et créateurs qui en ont matérialisé les rêves et les visées » (p. 14). Le projet est vaste et ambitieux puisque, si La Rochelle s’attarde surtout à la comédie musicale américaine, il s’intéresse aussi aux productions du Canada anglais et du Québec. Comme le souligne François Thomas , la principale caractéristique unissant ces cinématographies fort différentes est qu’elles sont « alimentées par la même nécessité d’inventer une relation autre à la musique » (p. 399). Ce désir d’innovation traduit une conception du cinéma comme art visuel et sonore. Autant Kurt Weil, Maurice Blackburn que Michel Fano exprimeront cette idée à l’aide de formules complémentaires : « film opéra du futur », « opéra audiovisuel », « nouvel opéra audiovisuel » (p. 15). « Ces diverses appellations […] sont nées de la conviction que le film-opéra moderne, véritablement novateur, surgirait …

Appendices