Présentation. Filmologie, le retour ?[Record]

  • François Albera and
  • Martin Lefebvre

Ce numéro de Cinémas ne propose pas tant un « retour » à la filmologie — ou un retour de la filmologie — qu’un retour sur la filmologie, sur la séquence « filmologie » dans l’histoire de la théorie du cinéma. Cette séquence historique tire son importance de l’hypothèse qu’avait formulée Gilbert Cohen-Séat en 1946 dans son Essai sur les principes d’une philosophie du cinéma (désormais Essai) — qui tient à l’objet de cette « science nouvelle » et à ses méthodes — et, au-delà de cette origine, aux développements que cette hypothèse connut dans un faisceau de directions. Il est évident que cette importance a pour corrélat l’évaluation de ses résultats. Or sur ce point tout semble dit et tient dans les quelques lignes que l’on consacre à la filmologie quand on l’évoque dans les ouvrages généraux ou les dictionnaires. Le sort de la filmologie peut dès lors paraître des plus paradoxaux : le projet intellectuel et culturel connaît à ses débuts une quasi-unanimité et son développement paraît ne rencontrer aucun obstacle, en particulier au plan institutionnel : l’Institut de filmologie crée un réseau d’enseignement et de recherche en France, gagne rapidement une véritable audience internationale, a des prolongements dans des établissements, des centres de recherche, des organismes sociaux dans le monde entier, et est intégré treize ans durant à la Sorbonne, où il développe un cursus, impulse des recherches expérimentales, des enquêtes, organise des débats, des colloques, publie une revue et des ouvrages. Tout cela s’interrompt brusquement et l’oubli recouvre ces années d’effervescence. Il convient donc de se demander ce qui s’est passé : pourquoi ce succès immédiat et durable, pourquoi cette disparition soudaine et cet effacement ? Il faut pour cela passer par d’autres voies que la seule « histoire des idées ». Le point de départ de notre enquête tient, en quelque sorte, à une omission dans la première ébauche d’un projet de recherche du groupe Arthemis , que dirige Martin Lefebvre à l’Université Concordia à Montréal, portant sur l’histoire et l’épistémologie des études cinématographiques : étude des possibilités (intellectuelles, technologiques, institutionnelles) qui président à l’émergence, au maintien et au développement des études cinématographiques dans les espaces francophones et anglophones d’Europe et d’Amérique. Cette mouture préliminaire passait sous silence l’Institut de filmologie. Sollicité sur la teneur du projet, François Albera mentionna cet oubli et vint parler à Concordia de cette entreprise singulière et notoirement oubliée qu’est la filmologie — à laquelle il s’intéressait de loin en loin dans une perspective d’histoire de la théorie  —, puis participa à un séminaire commun avec André Gaudreault à l’Université de Montréal. À cette occasion, il apparut que l’on pouvait également tirer quelque profit — dans la perspective du « cinéma des premiers temps », cette fois — à réexaminer les contributions de Georges Sadoul à la Revue internationale de filmologie (désormais RIF). En pleine rédaction des différents volumes de son Histoire générale du cinéma, l’historien y reprenait en effet une partie de ses matériaux (en particulier concernant Méliès) sous l’angle du « langage cinématographique ». Le projet d’un numéro de Cinémas s’imposa alors et André Gaudreault nous en confia la direction. Il fut alors convenu de reprendre la question à nouveaux frais : avant toute appréciation et tout jugement de valeur, il s’agissait de revenir aux sources, aux textes, aux faits. Compte tenu de la carence criante d’informations à disposition, nous avons été conduits à entreprendre une véritable enquête « policière », passant non seulement par le dépouillement de la RIF et des publications liées à l’Institut de filmologie et à ses activités (ouvrages, documents préparatoires …

Appendices