Abstracts
Résumé
The World (2004) de Jia Zhangke offre une occasion unique de penser la globalisation comme enfermement. Le parc thématique autour duquel s’articule le film donne lieu à une puissante allégorie critique de l’espace capitaliste global. C’est un non-lieu, théâtre paradoxal des efforts des personnages du film pour créer une communauté. Comme le souligne Jia Zhangke, la croissance économique a amené dans la vie quotidienne chinoise une constellation de shows, « sort of like economic bubbles, filling up every sector of our lives ». Dans une optique principalement post-heideggérienne, cet article propose d’examiner comment The World prolonge cinématographiquement cette observation, en faisant entrer le spectateur dans l’intimité des conditions de production du spectacle global en lui montrant les répercussions immédiates de celui-ci sur l’être-ensemble. L’auteur présente The World comme pratique du non-lieu et itinéraire d’unilatéralisation du malaise existentiel lié aux conditions de la mobilisation globale capitaliste. Il s’agit de voir comment The World peut contribuer à une démobilisation par la production d’un sentiment claustrophobique chez le spectateur. L’hypothèse dernière de ce travail est que l’effet d’enfermement savamment orchestré par Jia Zhangke assume et conjure le sentiment claustrophobique provoqué par le processus d’enfermement global et provoque ainsi de nouvelles possibilités d’être-au-monde.
Abstract
Jia Zhangke’s film The World (2004) provides a unique opportunity to consider globalization as a form of confinement. The theme park in which the film unfolds is a powerful critical allegory for global capitalist space. It is a non-space, a paradoxical theatre for the film’s characters to create a community. As Jia has pointed out, economic growth has brought into Chinese daily life a constellation of shows, “sort of like economic bubbles, filling up every sector of our lives.” The present article adopts a principally post-Heideggerian approach to examine how The World is a cinematic extension of this observation, taking the spectator inside the private space of the production of global spectacle and its immediate repercussions on the level of being-together. The author discusses The World as the practice of a non-space and the unilateral itinerary of the existential malaise caused by the conditions of global capitalist mobilization, examining how it can contribute to demobilization through the production of a claustrophobic sensation in the viewer. The article’s final hypothesis is that the feeling of confinement created by Jia Zhangke takes up and casts out the sense of claustrophobia caused by the process of global confinement, thereby giving rise to new possibilities for being in the world.
Appendices
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