Compte renduBook Review

Françoise Naudillon et Jean Ouédraogo (dir.), Images et mirages des migrations dans les littératures et les cinémas d’Afrique francophone, Montréal, Mémoire d’encrier, 2011, 216 p.[Record]

  • Karine Blanchon

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  • Karine Blanchon
    Institut national des langues et civilisations orientales — Paris

L’ouvrage de Françoise Naudillon et Jean Ouédraogo compile douze communications présentées lors d’un colloque international intitulé Afrique, cinéma et littérature, tenu à Concordia University, à Montréal, en avril 2008. Il a été coordonné par Françoise Naudillon, qui avait codirigé avec Janusz Przychodzen et Sathya Rao une publication collective sur les cinémas africains en 2006, L’Afrique fait son cinéma, et Jean Ouédraogo, qui a signé plusieurs textes sur ce même sujet, notamment Cinéma et littérature du Burkina Faso. De la singularité à l’universalité (2005) et Figuration et mémoire dans les cinémas africains (2010). Cet ouvrage s’inscrit dans la lignée de plusieurs publications offrant un regard comparé entre l’écrit et l’image en Afrique francophone , sujet qui a déjà été abordé dans les études littéraires et cinématographiques , mais qui est ici prétexte à une réflexion sur le processus de construction de l’identité. Cette quête identitaire serait un voyage aussi spirituel que physique, puisqu’il est à la fois recherche sur soi et déplacement du corps. L’intérêt de cette publication est ainsi de raconter ces expériences migratoires choisies ou subies du point de vue des populations africaines qui se dirigent vers les continents européen ou nord-américain. Dès les premières lignes, cet objectif est énoncé : L’originalité de cet ouvrage réside aussi dans l’angle d’analyse adopté, car les articles s’intéressent aux récits des voyages évoqués plus haut davantage qu’à leur mise en forme romanesque ou cinématographique. En citant régulièrement des extraits de romans et en transcrivant des scènes dialoguées, les auteurs immergent le lecteur au coeur du vécu des migrants, qu’ils soient réels ou fictifs. Ainsi, plusieurs niveaux d’analyse sont proposés, de l’expérience migratoire de l’artiste lui-même se racontant à celle de ses personnages, avec laquelle la première se confond peu à peu. On s’intéresse également à leurs parcours, dans lesquels le lecteur pourra aussi se reconnaître. Comme pour mieux démontrer la place importante qu’occupe ce thème de la migration chez les artistes africains francophones, l’ouvrage s’ouvre sur une recension non exhaustive de trente-quatre courts et longs métrages, égrainés sous la plume de la réalisatrice Monique Crouillère. En s’appuyant sur leur synopsis, elle lie ces films non par leur chronologie mais pas leur sujet, celui du fantasme de l’ailleurs, des aléas d’un voyage extranational souvent sans retour. Au fil des pages, en effet, la question de la place de l’Afrique dans le contexte de la mondialisation se dessine par la confrontation des espaces géographiques et symboliques autour et à l’intérieur desquels se construisent et se reconstruisent les identités (p. 10). Cette énumération souligne ainsi la diversité des perspectives, car la construction identitaire est un processus mouvant et personnel. Il existerait donc autant de parcours migratoires que d’individus, que l’on pourrait raconter à l’infini. Le voyage, surtout transposé au cinéma et dans la littérature, pourrait être romancé et faire état de la beauté des paysages et des rencontres. Or, les oeuvres des auteurs africains francophones étudiés ici s’appuient sur une réalité qu’ils ont souvent eux-mêmes expérimentée et qui n’est pas toujours idyllique. Fort de son expérience d’immigré, l’écrivain ou le réalisateur semble mettre en garde le candidat à l’exil. Il lui raconte que le voyage qu’il compte entreprendre peut ne le mener nulle part. De romancier ou de cinéaste, l’artiste se fait ainsi pédagogue et livre des oeuvres didactiques, teintées d’éléments autobiographiques, car partir n’est jamais sans conséquences, positives ou négatives. C’est ce qu’expose Sathya Rao, qui revient sur les discussions théoriques autour de la notion d’exil en illustrant son propos avec « deux regards singuliers » (p. 109) : les films L’afrance (2002) d’Alain Gomis et Inch’Allah dimanche (2001) de Yamina Benguigui. …

Appendices