Note de lecture

Danielle Gauvreau, Diane Gervais et Peter Gossage, 2007. La fécondité des Québécoises, 1870-1970 : d’une exception à l’autre. Montréal, Les Éditions du Boréal, 346 p.[Record]

  • Valérie Laflamme

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  • Valérie Laflamme
    Université des Sciences et technologies de Lille, Institut national d’études démographiques

L’ouvrage de Danielle Gauvreau, Diane Gervais et Peter Gossage est amené à devenir incontournable pour qui veut comprendre les transformations des comportements en matière de fécondité au Québec aux xixe et xxe siècles. En réalité, le titre de cet ouvrage est plutôt modeste. Ce n’est pas seulement la fécondité qu’il aborde. L’analyse de la fécondité sert de porte d’entrée pour étudier sur le temps long les évolutions en matière de famille, de rapports au sein du couple, de sexualité, de discours religieux, nationalistes et aussi politiques. À travers elles, on perçoit l’industrialisation, l’urbanisation et la modernisation du Québec. L’ouvrage est le résultat d’une longue collaboration entre les auteurs. Il part du constat qu’en un siècle (de 1870 à 1970), la taille des familles au Québec s’est réduite considérablement, passant de six à trois enfants. Cette baisse de la fécondité au Québec est largement connue. Elle est habituellement expliquée par une modification des comportements au cours de la Révolution tranquille. Mais les auteurs montrent que le basculement observé au moment de cette révolution se comprend par des changements amorcés plusieurs décennies plus tôt (p. 9). L’objectif est donc d’étudier « le long chemin parcouru depuis la fin du xixe siècle par les femmes et les hommes québécois pour parvenir à maîtriser leur fécondité et à choisir le nombre d’enfants qu’ils auront » (p. 10). Nous disions à l’instant que la baisse de la fécondité depuis la Révolution tranquille au Québec est largement connue. La proverbiale fécondité des familles canadiennes françaises l’est encore plus. Qui n’a pas en tête des exemples de familles composées de douze, voire quinze enfants. À comparer la surfécondité des femmes du Québec par rapport à celles du Canada anglais, on en serait venu à occulter « la tendance à la baisse, plus timide mais néanmoins réelle » (p. 10). Le livre de Gauvreau, Gervais et Gossage a pour objectif de combler cette lacune en analysant la nature du déclin de la fécondité en soi et sans systématiquement comparer son évolution à celle observée dans d’autres sociétés. L’approche de cette question est polyphonique : les analyses de la démographe, de l’ethnologue et de l’historien se complètent et se répondent. Ce regard croisé permet de dépasser les limites imposées par les sources traditionnelles des disciplines respectives. Nous avons ici l’avantage d’avoir à la fois des analyses de discours, de textes, d’entretiens et de données censitaires. Les auteurs ont adopté une présentation classique des résultats : on y présente d’abord l’analyse des discours, ensuite des résultats statistiques, et enfin un regard ethnographique. La question de la fécondité est appréhendée d’abord au travers du contexte général, la structure, et se rapproche graduellement du particulier, de l’individu. Les auteurs de l’ouvrage tentent de respecter une présentation chronologique, ce qui n’est pas toujours aisé étant donné les différentes temporalités des sources. Le premier chapitre, en réalité une introduction, traite des principales théories sur la baisse de la fécondité. Il pose les balises de l’évolution démographique du Québec. Ce chapitre, plutôt destiné aux non spécialistes, présente l’abondante documentation produite sur ce thème. Les approches matérialistes et culturalistes de la baisse de la fécondité sont remises en question, mais les auteurs optent pour « une approche d’intégration plutôt que de morcellement ou d’opposition entre des explications concurrentes de la transition » (p. 29). Dans le même ordre d’idées, et à l’instar de Nancy Folbre, les auteurs choisissent d’aborder la famille non pas comme une unité unidimensionnelle, mais plutôt comme « un tissu de relations de pouvoir existant entre les hommes et les femmes, d’une part, et entre les générations d’autre part » …