Notes de lecture

Olson, Sherry et Patricia Thornton, Peopling the North American City : Montreal 1840-1900, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2011, 524 pages[Record]

  • Lisa Dillon

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  • Lisa Dillon
    Département de démographie, Université de Montréal

L’ouvrage est organisé autour de plusieurs thèmes connexes touchant à la reproduction sociale de la population montréalaise sur quelques décennies. D’autres chercheurs, dont Gérard Bouchard (1996), Bruno Ramirez (2001) et Tamara Hareven (1982), se sont déjà penchés sur la migration des familles et des jeunes Canadiens français vers les régions rurales et hors province en réponse à la saturation des terres ; pour leur part, Olson et Thornton tracent le parcours des individus et des familles qui ont plutôt choisi de tenter leur chance à Montréal, contribuant à l’essor de la métropole. Les auteures mettent l’accent sur les différences entre les régimes reproductifs des trois principaux groupes culturels de Montréal : les Canadiens français catholiques, les anglophones catholiques (irlandais surtout) et les anglophones protestants. Les sources et les méthodes de couplage des données ainsi que la définition et la distribution géographique des trois groupes culturels et la topologie de Montréal sont décrites dans les premiers chapitres. Dans les trois chapitres suivants, les auteures analysent les risques de mortalité des Montréalais de l’époque (notamment les taux et les causes de mortalité infantile et juvénile), les modèles et marchés matrimoniaux (notamment les différences d’âge au mariage) ainsi que les comportements reproductifs s’y rattachant, dont l’arrêt ou l’espacement des naissances. Des trois groupes, les Canadiens français catholiques se distinguent par des mariages plus précoces et des taux de fécondité plus élevés : mariages hâtifs, naissances nombreuses et fréquents décès d’enfants composent un régime démographique onéreux, exacerbé par les conditions de pauvreté, d’insalubrité et le travail peu rémunéré. Les Irlandais catholiques ont tendance à se marier plus tard, ce qui a pour effet de réduire la taille de leurs familles. Les anglophones protestants, quant à eux, résident dans des quartiers plus aisés et se marient plus tard que leurs homologues Canadiens français. Ils font vacciner leurs enfants et, vu les moindres risques de mortalité infantile, adoptent plus tôt des pratiques de contrôle des naissances. Paradoxalement, malgré des régimes reproductifs bien différents, les trois groupes affichent des taux de reproduction similaires dans les années 1890 (p. 136-140). Dans les chapitres ultérieurs, les auteures s’inspirent de l’histoire, de l’économie et de la sociologie pour compléter le portrait précédent, en abordant tour à tour les questions des choix de vie pour les hommes et les femmes dans une société urbaine en transformation ; les principaux traits de l’économie industrielle ; la co-résidence avec des membres de la famille élargie ; la configuration des logements ; la place des domestiques et des pensionnaires dans les ménages ; les biens matériels et la consommation ; la ségrégation résidentielle ; les relations de parenté à l’échelle du voisinage ; les différences entre la population urbaine et la population rurale des régions avoisinantes et celles de leurs régimes démographiques respectifs. Dans le dernier chapitre, elles explorent la formation de l’identité culturelle et les relations entre les trois groupes à l’aide de données qualitatives. La contribution majeure de l’ouvrage est la démonstration de la permanence des divisions entre les trois principaux groupes culturels montréalais, des clivages qui ont perduré tout au long du xixe siècle malgré des changements comme l’avancement de l’âge moyen au mariage, une certaine diminution de la fécondité et les transformations sociales et économiques de l’environnement urbain. Olson et Thornton démontrent que la culture est un point crucial de division, affirmant en conclusion que « La culture est importante. Les ressources le sont aussi » (p. 353). Les auteures illustrent de façon magistrale comment les taux de nuptialité, natalité et de mortalité sont imbriqués dans des comportements qui constituent autant de traits du régime démographique. Leur méthodologie inclut …

Appendices