Notes de recherche

La langue de travail au Québec en 2006 et 2016 : une réplique à Michel Paillé[Record]

  • Jean-Pierre Corbeil

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  • Jean-Pierre Corbeil
    Ph. D., Directeur adjoint et responsable du Centre de la statistique ethnoculturelle, langue et immigration, Statistique Canada
    jean-pierre.corbeil@canada.ca

Le 29 novembre 2017, Statistique Canada diffusait les données officielles du recensement de 2016 portant sur la langue de travail. Dans le document Recensement en bref intitulé « Les langues de travail au Canada : Recensement de la population, 2016 », l’on y apprenait que, en 2016, 94,4 % des travailleurs du Québec déclaraient faire une utilisation au moins régulière du français au travail, comparativement à 94,3 % en 2006. Dans ce document analytique, le tableau 1 permettait aux lecteurs de constater que, de ce pourcentage, 56,5 % n’utilisaient que le français en 2016, 23,2 % y utilisaient surtout le français le plus souvent, mais y utilisaient aussi une autre langue de façon régulière (essentiellement l’anglais) en plus du français, que 7,4 % déclaraient utiliser le français à égalité avec une autre langue (essentiellement l’anglais) le plus souvent au travail et que, finalement, 7,2 % des travailleurs déclaraient utiliser le français de façon régulière comme langue secondaire au travail, c’est-à-dire en plus de celle qu’ils y utilisent le plus souvent. À la lumière des données de 2006, on y apprenait également que la proportion des travailleurs déclarant utiliser le français de façon prédominante au travail (uniquement + surtout) était donc passée de 82,0 % à 79,7 %. Il est étonnant de lire dans la note de M. Paillé qu’une telle présentation des résultats sur la langue de travail au Québec (lire une telle « typologie linguistique ») repose sur l’utilisation d’un « indicateur très rudimentaire » de l’utilisation du français « qui ne fait que compter sans tenir compte du contexte ». L’auteur ajoute en ce sens que les résultats « placent sur le même pied les réponses aux deux questions portant sur les langues de travail, ce qui a pour effet de minimiser leur différence » et de « leurrer » les utilisateurs de données sur la situation réelle du français en milieu de travail au Québec. Les données présentées lors de la diffusion du 29 novembre 2017 et reproduites ci-dessus nous semblent, au contraire, exprimer pleinement et avec rigueur les nuances et les distinctions qu’autorise la question de recensement en deux volets sur les langues utilisées au travail. La prise en compte des personnes ayant déclaré faire une utilisation du français à égalité avec une autre langue (335 355 travailleurs au Québec en 2016) ou une utilisation régulière du français au travail en tant que langue secondaire (326 595 travailleurs en 2016) revient, selon l’auteur, à accorder une importance à des « réponses marginales », voire à une utilisation « accessoire » du français. Selon le libellé de la question, et en particulier du volet B, tous ces travailleurs déclarent faire usage du français sur une base régulière au travail. Cette utilisation peut représenter jusqu’à 50 % de leur utilisation d’une langue au travail. Toutefois, le problème central identifié par l’auteur est que « faire la somme des occurrences consiste à compter autant de fois qu’il le faut toutes les personnes recensées qui ont révélé utiliser au travail le français, l’anglais ou des langues tierces, que ces langues apparaissent seules ou dans une énumération ». L’auteur fournit une définition du terme qui démontre avec éloquence que Statistique Canada ne compte pas les « occurrences ». En 2016, 4 273 935 personnes ont fait mention d’un usage au moins régulier du français au travail. Aucune personne n’a fait mention plus d’une fois du français. Ainsi, 4 273 935 personnes utilisent le français au travail. Il s’agit bien de « personnes », de travailleurs, et non d’occurrences. Statistique Canada ne recommande nullement de procéder à l’addition des mentions d’utilisation du …

Appendices