Introduction[Record]

  • Maritza Felices-Luna

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  • Maritza Felices-Luna
    Professeure adjointe, Département de criminologie, Université d’Ottawa
    mfelices@uottawa.ca

En dehors des nombreuses études sur le terrorisme, la criminologie s’est, jusqu’à récemment, peu intéressée à l’étude de la violence politique et des conflits armés. C’est à partir des années 1990, à la suite des conflits armés en ex-Yougoslavie et au génocide rwandais, que l’on commence à relever un certain intérêt pour ces sujets. Certaines recherches ont porté sur les acteurs directement ou indirectement affectés par les conflits tels que les victimes, les réfugiés et les déplacés. D’autres se sont attardées sur les acteurs qui utilisent la violence comme une stratégie d’action dans la politique tels que les militaires, les policiers, les membres de groupes armés contestataires, les mercenaires, les enfants soldats, etc. Finalement, une grande partie des travaux traitent des stratégies déployées pour faire face à la violence politique et aux conflits armés, ou encore des mécanismes de justice pénale ou alternatifs crées et utilisés pour gérer ces situations. Désormais et en grande partie influencé par la « guerre contre le terrorisme » depuis le 11 septembre 2001, l’on voit apparaître de plus en plus de recherches criminologiques ponctuelles ainsi que l’élaboration de programmes de recherche en criminologie sur le domaine. Ce numéro vise à montrer la panoplie de recherches criminologiques, particulièrement empiriques, produites sur les violences politiques et les conflits armés. Il s’agit non seulement de mettre en évidence leur contribution au sujet précis traité, mais aussi, par leur entremise, de nous permettre d’explorer à la fois la contribution de la criminologie à la compréhension de ces phénomènes et la contribution de ces phénomènes au développement de la criminologie. Pour ce faire, le numéro réunit des articles qui traitent des diverses formes, volets et enjeux autour de la thématique des violences politiques et des conflits armés et émanent de doctorants, de chercheurs juniors et de chercheurs plus expérimentés qui travaillent au Canada, en Amérique du Sud, en Europe et en Afrique. Les trois premiers articles portent principalement sur les conflits armés, tandis que les quatre suivants traitent des violences politiques. Dans le premier article du numéro, Sara Liwerant utilise la justice pénale internationale comme source de réflexion sur comment les théories du passage à l’acte et de la réaction sociale sont mobilisées à la fois par les acteurs eux-mêmes et par les chercheurs pour comprendre et intervenir sur les meurtres de masse ou crimes collectifs. En raison des limites théoriques et méthodologiques remarquées par l’auteure, celle-ci propose de regarder « la corporalité du meurtre comme un véritable langage qu’il s’agit de déchiffrer », ce qui permet de repolitiser des actes intrinsèquement politiques, mais dépolitisés par l’application des théories du passage à l’acte. En fait, puisque les théories de la réaction sociale seraient insuffisantes à cet égard, le défi de la criminologie serait d’incorporer une analyse du politique et de contribuer ainsi à la justice pénale internationale tout en prenant garde de ne pas être utilisée par celle-ci. L’article de Samuel Tanner porte également sur les meurtres de masse, mais en s’attardant sur un type d’acteur social, les bandes armées, à partir de rares documents écrits et audiovisuels sur le sujet. Au lieu de se centrer sur l’individu et ses motivations, l’auteur utilise une perspective ancrée sur le groupe et sa nature collective et politique. Ainsi, il analyse les meurtres collectifs comme le produit d’une symbiose partielle entre des acteurs du pouvoir central et des acteurs périphériques tels que les exécutants irréguliers. Cette relation bénéficie aux deux parties tant sur le plan matériel et économique que symbolique et politique. Nonobstant, la genèse, le développement et la survie de ces bandes armées ne peuvent être compris uniquement comme la résultante …

Appendices