Abstracts
Résumé
L’article aborde la question de la délinquance des élites en déplaçant l’attention des travaux criminologiques vers les travaux des économistes et sociologues critiques, principalement français, qui portent sur les comportements des classes dominantes. La problématique porte sur les analyses formulées pour rendre compte de la crise actuelle en incriminant le comportement des classes dominantes. L’article étudie la mobilisation du vocabulaire de la déviance pour qualifier des comportements économiques et politiques de vol, d’extorsion et de violence. Il montre que ces dénonciations s’appuient sur des analyses de ces comportements comme un trait majeur des pratiques des classes dominantes contemporaines. En particulier, le renouveau de la sociologie critique s’appuie sur l’analyse du rapport singulier aux lois et aux normes des classes dominantes, en montrant qu’un de leurs traits distinctifs est de considérer ces règles comme fondamentales pour les autres, mais contournables par elles-mêmes. De telles analyses conduisent à des propositions politiques qui font usage de l’idée de sanction pénale. Mais l’article montre que ces usages sont pris dans des enjeux politiques plus larges et, en particulier, replacés dans le jeu des rapports de force entre les États, et entre les États et les détenteurs de capitaux qui échappent à leur contrôle.
Mots-clés :
- Criminalité économique,
- justice pénale,
- critique sociale,
- classes sociales,
- capitalisme
Abstract
This article suggests that criminologists studying white-collar crime should take into account critical evaluations of the behavior of the ruling classes, many of which have been provided by French economists and sociologists. I focus on analyses of current crises that are based on criminalizing the behavior of the ruling classes, looking at how the vocabulary of deviance has been used to describe economic and political behavior as theft, extortion, and violence and showing that these accusations involving identifying such behaviors as a major element in the practices of the dominant class. For example, the revival of critical sociology is anchored in part on an analysis of the relationship of the ruling classes with laws and standards, showing that one of their distinguishing features is to consider these rules to be fundamental for others but not for themselves. Such analyses have led to policy proposals that make use of the idea of criminal punishment. But the article shows that such interpretations also influence broader policy issues, especially in the game of power relations between states and between states and capital holders outside their control.
Keywords:
- White-collar crime,
- penal justice,
- social critique,
- social classes,
- capitalism
Resumen
El artículo aborda la cuestión de la delincuencia de elites desplazando la atención de los trabajos criminológicos hacia aquellos de economistas y sociólogos críticos principalmente franceses dedicados a los comportamientos de las clases dominantes. La problemática se centra en los análisis formulados para dar cuenta de la crisis actual, incriminando el comportamiento de las clases dominantes. El artículo examina la movilización del vocabulario de la desviación para calificar comportamientos económicos y políticos de robo, de extorsión y de violencia. Se demuestra que estas acusaciones se basan en el análisis de esos comportamientos como una característica importante de las prácticas de las clases dominantes contemporáneas. En particular, el aporte de la sociología crítica se basa en el análisis de la relación singular con las leyes y normas de las clases dominantes, demostrando que su rasgo distintivo es considerar esas normas como fundamentales para otros, pero eludibles para ellas. Tales análisis llevan a propuestas políticas que hacen uso de la idea de sanción penal. Sin embargo, el artículo muestra que estos usos se manifiestan en cuestiones políticas más amplias y, en particular, en el juego de las relaciones de poder entre los Estados, y entre los Estados y los poseedores de capitales, que escapan de su control.
Palabras clave:
- Criminalidad económica,
- justicia penal,
- crítica social,
- clases sociales,
- capitalismo
Appendices
Références
- Amicelle, A. (2015). « Deux attitudes face au monde » : La criminologie à l’épreuve des illégalismes financiers. Cultures & Conflits,2 (94-95-96), 65-98.
- Aubusson de Cavarlay, B. (1985). Hommes, peines et infractions, la légalité de l’inégalité. L’Année sociologique, 35(3), 275-309.
- Bérard, J. (2013a). La justice en procès. Les mouvements de contestation et le système pénal (1968-1983). Paris, France : Presses de Sciences-Po.
- Bérard, J. (2013b). Tordre ou briser le bâton de la justice ? Les mouvements de l’après-68 et les illégalismes des dominants, entre justice populaire et refus de la pénalité (1968-1972). Champ pénal/Penal field, X. Repéré à URL : http://champpenal.revues.org/8582.
- Boltanski, L. (2008). Rendre la réalité inacceptable, à propos de « La production de l’idéologie dominante ». Paris, France : Editions Demopolis.
- Boltanski, L. (2009). De la critique, précis de sociologie de l’émancipation. Paris, France : Gallimard.
- Boltanski, L. (2011). Une étude en noir. Tracés, 20, 49-73.
- Chavagneux, C. et Philipponnat, T. (2014). La capture. Où l’on verra comment les intérêts financiers ont pris le pas sur l’intérêt général et comment mettre fin à cette situation. Paris, France : La Découverte.
- Collectif pour un audit citoyen de la dette publique. (2013). Mobilisation pour un audit citoyen de la dette publique. Repéré à http://www.audit-citoyen.org/?page_id=35.
- Debuyst, C., Digneffe, F. et Pires, A. P. (1998). Histoire des savoirs sur le crime et la peine, tome 2 : La rationalité pénale et la naissance de la criminologie. Bruxelles, Belgique : De Boeck Université.
- Denord, F., Lagneau-Ymonet, P. et Thyne, S. (2011). Le champ du pouvoir en France. Actes de la recherche en sciences sociales, 5(190), 24-57.
- Fassin, D. et Rechtman, R. (2007). L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime. Paris, France : Flammarion.
- Giraud, G. (2012). L’Illusion financière. Paris, France : Éditions de l’Atelier.
- Giraud, G. (2014, 6 juin). Dix milliards de dollars sont une petite somme pour ce monstre bancaire. L’express.fr. Repéré à http://www.lexpress.fr/actualite/au-pire-les-actionnaires-de-bnp-paribas-ne-percevront-pas-de-dividendes_1549368.html
- Graeber, D. (2014, 16 février). La façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes. Bastamag. Repéré à http://www.bastamag.net/David-Graeber-La-forme-la-plus.
- Lascoumes, P. (1986). Les affaires ou l’art de l’ombre. Paris, France : Le Centurion.
- Lascoumes, P. et Nagels, C. (2014). Sociologie des élites délinquantes, de la criminalité en col blanc à la corruption politique. Paris, France : Armand Colin.
- Lordon, F. (2008). Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières. Paris, France : Raisons d’agir.
- Lordon, F. (2013). La société des affects, pour un structuralisme des passions. Paris, France : Seuil.
- Lordon, F. (2014a, 8 juillet). BNP-Paribas, une affaire de géométries variables. Repéré à http://blog.mondediplo.net/2014-07-08-BNP-Paribas-une-affaire-de-geometries-variables.
- Lordon, F. (2014b). La malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique. Paris, France : Les liens qui libèrent.
- Piketty, T. (2013). Le Capital au xxie siècle. Paris, France : Seuil.
- Piketty, T. (2014, 29 décembre). Quels chocs pour faire bouger l’Europe en 2015 ?. Libération.
- Piketty, T. (2015, 2 février), Ils appellent ça de l’économie de marché, mais c’est du vol. Nouvelobs.com. Repéré à http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20150127.OBS0971/piketty-ils-appellent-cela-l-economie-de-marche-mais-c-est-du-vol.html.
- Pinçon-Charlot, M. (2013, 5 novembre). La violence des riches atteint les gens au plus profond de leur esprit et de leur corps. Bastamag. Repéré à http://www.bastamag.net/Monique-Pincon-Charlot-La-violence.
- Pinçon-Charlot, M. et Pinçon, M. (2013). La violence des riches. Chronique d’une immense casse sociale. Paris, France : La Découverte.
- Robert, P. (1977). Les statistiques criminelles et la recherche. Déviance et société.1(1), 3-28.
- Spire, A. (2013a). Comment contourner l’impôt sans s’exiler. Le Monde diplomatique.
- Spire, A. (2013b). Pour une approche sociologique de la délinquance en col blanc. Champ pénal/Penal field, X, URL : http://champpenal.revues.org/8582.
- Spire, A. et Weidenfeld, K. (2015, 12 février). Contre la fraude fiscale, renforçons la sanction pénale. Le Monde.
- Steiner, P. (2011). Les rémunérations obscènes. Le scandale des hauts revenus en France. Paris, France : Zones.
- Stuckler, B. et Basu, S. (2014). Quand l’austérité tue. Épidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine. Paris, France : Autrement.
- Tévanian, P. et Tissot, S. (2010). Les mots sont importants. Paris, France : Libertalia.
- Tillman, R. (2015). Making the rules and breaking the rules : the political origins of corporate corruptions in the new economy. Crime, Law and Social Change, 51, 73-86.
- Tombs, S. (2015). Crisis, what crisis ? Regulation and the academic orthodoxy. Howard Journal of Criminal Justice, 54(1), 57-72.
- Tombs, S. et Whyte, D. (2015). Introduction to the Special Issue on ‘Crimes of the Powerful’. Howard Journal of Criminal Justice, 54(1), 1-7.
- Wagner, A.-C. (2011). Les classes dominantes à l’épreuve de la mondialisation. Actes de la recherche en sciences sociales, 5(190), 4-9.
- Zucman, G. (2013). La richesse cachée de nations, enquête sur les paradis fiscaux. Paris, France : Seuil.