IntroductionLa criminalité environnementale[Record]

  • Amissi Manirabona and
  • Konstantia Koutouki

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Nous assistons, depuis plusieurs décennies, à une multiplication des dommages environnementaux. Qu’ils soient le produit d’actes délibérés ou le résultat d’actes de négligence, ces dommages comportent des conséquences comparables, voire parfois davantage dramatiques, durables et traumatisantes pour les victimes, que celles attribuées aux traditionnels crimes contre la personne. Pourtant, les législateurs et les criminologues commencent à peine à se pencher sur la notion de criminalité environnementale. Dans l’opinion générale, la pollution reste encore considérée comme un sous-produit inévitablement lié au développement économique et industriel des nations. Les désastres environnementaux, qui sont pourtant souvent la conséquence directe des politiques de développement et de gestion du territoire, font ainsi partie des risques de la modernité tardive, qui peuvent être gérés, réduits, compensés, assurés, mais qui sont tout aussi inéluctables. La notion de criminalité environnementale se retrouve prise en étau entre les manoeuvres de rationalisation orchestrées par certains acteurs économiques – faisant entendre que les activités à haut risque d’atteintes à l’environnement ne doivent pas être criminalisées, dans la mesure où elles visent à procurer la prospérité économique – et un certain scepticisme de la part du public, relié à l’identification des véritables contrevenants ainsi qu’à la difficile distinction des victimes et des responsables dans un contexte où la pollution émane de tous et nous affecte tous. La criminologie verte étudie donc les relations entre les préjudices environnementaux et les problèmes sociaux en identifiant les victimes et les responsables et en assurant le développement de la justice environnementale (Wolf, 2011). Dans une perspective de justice environnementale, le champ d’étude de la criminologie verte doit porter sur les méfaits et les crimes d’origine humaine dirigés contre la nature, qu’ils soient interdits par une loi ou non (Potter, 2010). La criminologie environnementale s’intéresse aussi aux problématiques morales et philosophiques reliées aux victimes humaines et non humaines, aux animaux, aux plantes et aux écosystèmes et à leurs composantes (White, 2008). Ces différentes approches s’opposent à l’approche traditionnelle qui n’envisage pas l’existence de la criminalité environnementale en l’absence de loi prévoyant des infractions (Situ et Emmons, 2000). La perspective de la criminologie environnementale mène donc à la réévaluation de la notion de crime et au développement d’un nouveau paradigme afin de concevoir la justice écologique et durable au-delà de la conception légaliste (Lynch et Stretesky, 2003 ; South et Beirne, 2006 ; White, 2008 ; Wolf 2011). Par ailleurs, étant donné le biais engendré par la représentation de la criminalité basée sur les crimes de la rue (Lynch, Long, Barrett et Stretesky, 2013), le but premier de la criminologie environnementale est d’étendre les horizons pour attirer l’attention du public sur les diverses manipulations humaines de l’environnement et portant préjudice à ce dernier (Lynch et Stretesky, 2011). Cela exige d’examiner le problème d’inégalité et de disparité sociales relativement à l’adoption, l’application et la mise en oeuvre des lois environnementales (Wolf, 2011). L’intensité des préjudices découlant de la criminalité environnementale fait de celle-ci un domaine assez singulier et digne d’être considéré par les chercheurs en criminologie (Lynch et al., 2013 ; Williams, 1996). Devant l’ampleur des enjeux, des interrogations jaillissent : Qu’est-ce qu’un crime environnemental ? Devrait-on considérer comme crimes les actes qui détruisent l’environnement alors qu’ils ne sont pas interdits par la loi ? Peut-on considérer que certaines personnes ou organisations sont davantage responsables que d’autres – et comment le mesurer ? Par ailleurs, est-il justifiable d’affirmer que la criminalité environnementale ne fait pas de victimes ? Existe-t-il des catégories de citoyens ou des domaines qui sont plus exposés que d’autres ? Quel est le rôle de la réglementation nationale et internationale dans la lutte contre le …

Appendices