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Les travaux portant sur les épreuves de la participation démocratique ont tendance à accentuer parfois un peu trop la vulnérabilité des participants dans le cadre d’exercices participatifs, et donc à perdre de vue les composantes transformatrices et émancipatrices de la participation. Ce parti pris semble provenir de travaux qui ont montré combien la participation démocratique à l’intérieur des dispositifs de concertation met à rude épreuve les personnes qui s’y engagent et y prennent la parole publiquement. Il arrive toutefois que la participation démocratique parvienne à y produire des transformations. Leurs valeurs sont importantes à documenter puisqu’elles permettent de retracer les éléments qui produisent de tels résultats, à savoir les façons dont les acteurs s’engagent au sein des dispositifs, le rôle déterminant des émotions et de l’indignation, les tactiques minutieusement préparées en coulisses et les compétences qui leur sont associées.

Je m’attarde dans cet article à ces derniers facteurs, à partir de l’ethnographie des rencontres qui ont réuni les partenaires qui ont participé à la démarche de revitalisation urbaine intégrée (RUI) du quartier Hochelaga à Montréal entre 2014 et 2020. Je montre plus précisément comment une petite faction de participant.e.s est parvenue à défaire une partie de l’organisation démocratique au sein de la concertation parce qu’elle l’estimait problématique. C’est en développant une tactique mêlant à la fois indignation, subversion des hiérarchies et diplomatie que cette faction est parvenue à refaire certaines parties de l’organisation démocratique. Les résultats ont apporté des transformations notamment au niveau de la gouvernance de la RUI Hochelaga, par l’élargissement de la participation citoyenne et une réorganisation des priorités d’action et l’inscription durable des enjeux sociaux du quartier à l’agenda de la planification des actions de revitalisation. Ainsi, si dans un premier temps les participant.e.s sont parvenu.e.s à rejoindre et à se mêler (Berger, 2018) de ce qui se déroulait durant les rencontres de la RUI Hochelaga (Boucher, 2021a, b), il faut voir maintenant de plus près comment la tactique pour arriver à tous ces changements a connu des résultats, dont le succès repose beaucoup sur le tact, la diplomatie et les savoir-faire et savoir-être des participant.e.s.

La première partie du texte situe les travaux portant sur les épreuves de la participation démocratique en contexte de planification urbaine. J’y précise le problème de la participation démocratique et ses « charges » (Charles, 2012), et les façons dont la participation au sein des dispositifs participatifs peut s’avérer éprouvante pour les personnes qui ne maîtrisent pas leur fonctionnement en contexte de planification urbaine. Je poursuis en montrant, à travers l’étude de cas de la RUI Hochelaga, comment ces transformations ont été possibles grâce à la collaboration d’une poignée de participant.e.s résolu.e.s à faire changer les choses. Pour ce faire, je m’appuie sur la sociologie des épreuves (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Boltanski, 2009), sur la sociologie goffmanienne (Goffman, 1973ab, 1974, 1991) et sur le pragmatisme étasunien (Mead, 2006 ; Côté, 2014). J’y montre comment ces participant.e.s sont parvenu.e.s à défaire au sein du dispositif de concertation, afin de proposer des réformes pour refaire ensemble un cadre de gouvernance, tout en en modifiant les critères d’accès afin de stimuler la participation citoyenne. Je reviens enfin sur les éléments qui ponctuent et composent cette tactique afin d’en examiner les résultats. L’objectif de cet article consiste à montrer comment la participation, qui produit des tensions productives et fécondes, ne peut pas toujours reposer sur des malaises, des affronts, par un durcissement du ton et du langage non verbal. Elle doit aussi procéder par le maniement habile des « civilités ». Elle invite, en ce sens, à faire preuve de diplomatie et de tact, et ce faisant, à participer sans se crisper.

Les épreuves de la participation démocratique : comment les étudier ?

Les travaux portant sur les dispositifs de concertation ont parfois tendance à accorder une plus grande importance aux « charges » de la participation (Charles, 2012) et à leur caractère éprouvant (Berger et Charles, 2014). Bien qu’il soit important d’en rappeler les défis, dans le cas notamment d’exercices participatifs tels qu’ils peuvent être conçus à Montréal (Boucher, 2021a, b) comme en Belgique (Berger et Charles, 2014), il apparaît tout aussi important, par souci de symétrie, de montrer le potentiel transformateur de la participation. Et c’est précisément parce que la participation s’avère éprouvante qu’elle offre ce potentiel de transformation au sein des dispositifs. Le concept d’épreuve performative (Boucher, 2021a) permet de saisir ce point de jonction. Lorsqu’ils sont étudiés à partir de cette perspective, les dispositifs de concertation se révèlent non pas juste comme des espaces de délibération où se distribuent des rapports de pouvoir et de force, comme les travaux récents qui leur sont consacrés ont tendance à le montrer. Le concept d’épreuve performative permet plus précisément de cibler le passage de l’épreuve à la prise de pouvoir, en cherchant à révéler la façon dont les participant.e.s s’y prennent pour transformer leur participation éprouvante en mobilisation et en pouvoir d’agir pour parvenir à une subversion des hiérarchies. L’entrelacement entre la contrainte et la possibilité d’agir et de (re)construire au-delà de celle-ci appelle à situer l’interface, l’entre-deux par lequel se distribuent d’une part l’intention de transformer et de l’autre le frein à cet élan. Ce trait d’union je le nomme l’épreuve performative (Boucher, 2021a). Ce concept permet de faire émerger le sens de la relation qui unit l’épreuve et la prise de pouvoir au sein des dispositifs de concertation.

La participation au sein des dispositifs constitue un enjeu de démocratie à différentes échelles, et le plus souvent à l’échelle locale celle du quartier qui traduit une volonté de planifier des actions concertées. C’est dans le cadre d’exercices de planification et d’aménagement du territoire que l’apparition des dispositifs de concertation a permis des transformations importantes ces dernières années. La planification en amont exige de mettre en place des espaces de rencontres et ce faisant des dispositifs favorisant le travail de concertation. Ceux-ci visent à stimuler la participation, à faire faire de la participation tout en la régulant par toutes sortes de normes et de règles : prendre la parole, s’engager sincèrement, lever la main et attendre son tour de parole, faire passer les besoins de la concertation avant ses besoins personnels, agir de manière respectueuse envers les autres participant.e.s, ne pas tenir des propos injurieux, avoir un esprit d’ouverture et non de fermeture vis-à-vis des propositions des autres, demeurer calme, être concis.e dans ses interventions, etc. Or, si ces règles semblent « aller de soi » pour plusieurs, ce n’est pas nécessairement le cas pour les personnes qui ne sont pas habitué.e.s à participer et à faire entendre leur voix.

On constate que les processus sont parfois complexes et exigeants pour les participant.e.s dont la maîtrise et les degrés de connaissances peuvent grandement varier (Blondiaux, 2001). La fonction des dispositifs consiste en partie à « rééquilibrer » et à répondre à ce défi, notamment par toutes sortes de techniques d’animation (Rui, 2004). Il demeure important toutefois de rappeler que si ces aspects permettent en partie aux participant.e.s de rejoindre une concertation et d’en faciliter l’accès, d’autres méthodes permettront l’immixtion des participant.e.s, leur offrant ainsi la possibilité de se mêler de ce qui s’y passe et aux affaires qui s’y déroulent (Berger, 2018).

L’aspect que je souhaite discuter concerne plus précisément la possibilité pour ces participant.e.s de défaire ce qui s’y passe et d’apporter leur contribution en vue de refaire ce qui a été défait, en apportant leurs contributions pour pallier les problèmes dont ils et elles font le constat. Ces problèmes peuvent être de différentes natures ; ils sont, dans le cas de la RUI Hochelaga, de nature démocratique. Cette façon de produire une séquence de la participation (rejoindre, se mêler et défaire) permet de concevoir la participation comme une épreuve de réception (Stavo-Debauge, 2017 ; Berger, 2018) et implique de concevoir la participation comme débordement (Berger, 2018). Il apparaît important de pousser plus loin cette réflexion en montrant comment des transformations durables au sein des dispositifs de concertation permettent aux partenaires de démarche de refaire ensemble (Boucher, 2021a, b) ce qu’ils ont réussi à défaire. L’enquête menée auprès des partenaires de la RUI Hochelaga permet d’apprécier les façons dont les participant.e.s sont parvenu.e.s à refaire ensemble la gouvernance et la philosophie d’action dans les projets de revitalisation.

Mettre à l’épreuve les dispositifs : l’importance de cultiver son indignation

J’ai accompagné la démarche de RUI du quartier Hochelaga entre 2014 et 2020 en m’intéressant aux effets que produisent les dynamiques de groupe au sein des comités de concertation. Je me suis attardé aux rencontres de ses principaux comités de concertation, en prenant appui sur une approche microsociologique, en observant les épreuves que vivent ou font vivre les partenaires de la démarche de revitalisation lors de ces rencontres. J’ai également mené des entrevues approfondies avec ceux-ci afin de pousser plus loin l’enquête dans le but de mieux comprendre comment sont vécues les épreuves et comment les partenaires perçoivent leurs rapports mutuels au sein de la dynamique de groupe. Cette enquête a révélé le potentiel de transformation du dispositif de concertation et de ses participant.e.s. Elle a montré à la fois tout le caractère inhospitalier du dispositif pour les personnes qui s’en font les critiques, tout comme elle a révélé les façons dont il est possible d’apporter des changements et des transformations durables au sein du dispositif de concertation.

En s’appuyant sur l’étude de cas de la RUI Hochelaga, il est possible de produire une montée en généralité à partir des résultats obtenus, en se rattachant aux constats partagés par les chercheur.e.s et les praticien.ne.s européen.ne.s et étasunien.ne.s. Ces constats révèlent que les pratiques de la planification et de l’aménagement du territoire ne sont pas toujours inclusives (Davidoff, 1965), ni justes (Fainstein, 2010) et encore moins hospitalières (Berger et Charles, 2014) pour les personnes qui désirent s’engager et agir sur leur milieu de vie. On s’aperçoit dans ce contexte que la pratique de la planification et l’aménagement du territoire vont plutôt contribuer au renforcement des traits préexistants des systèmes politiques et organisationnels en consacrant par exemple le rôle et la position centrale des élus politiques dans de tels processus (Jouve, 2005). À ces problèmes s’ajoute l’aspect concurrentiel et parfois divergent de la relation entre les citoyen.ne.s et l’administration publique (Blondiaux, 2001) sur le plan notamment des canaux de communication, de l’arrangement des positions, des normes, des intérêts et des valeurs qui sont défendus. Au Québec, on constate une certaine asymétrie entre d’une part les personnes qui décident et orientent la planification et l’aménagement du territoire, et d’autre part les personnes qui y vivent et réagissent aux décisions prises (Sénécal, Cloutier et Herjean, 2008). Le rejet de ces dernières se traduit par toutes sortes de procédés qui vont de la marginalisation, aux moqueries, aux humiliations que peuvent subir certaines personnes qui ne sont pas expertes ni équipées pour participer.

Au Québec, une des dimensions qui méritent notre attention actuellement concerne la façon dont les personnes vont se projeter à travers des processus de concertation et s’engager au sein des dispositifs qui sont mis en place pour la planification et l’aménagement du territoire. On observe que, depuis 2014, le désengagement de l’État québécois vis-à-vis de ses régions a participé à démanteler toutes sortes de concertation, à commencer par le réseau de la santé, contribuant dans ce contexte à mettre fin à l’engagement citoyen. Comme le mentionnent d’ailleurs les chercheurs Denis Bourque et René Lachapelle (2018) : « [p]our les collectivités, cela signifie qu’elles n’ont plus voix au chapitre concernant des institutions qui jouent un rôle important dans leur développement ».

On s’aperçoit que la mise en place de dispositifs vise le plus souvent à trouver des consensus pour faire avancer des projets, notamment en lien avec la planification et l’aménagement du territoire. Ce consensus vient toutefois annihiler la possibilité de clivage et d’affrontement, créant une impasse pour la vie politique et la démocratie de manière générale (Mouffe, 2005). Le passage d’un mode « agonistique », caractérisé par l’affrontement, à un mode délibératif contribue à affaiblir considérablement l’exercice d’un contre-pouvoir et la possibilité de « faire pression » (Carrel, 2006). Des tensions peuvent alors apparaître, des émotions telles que la colère et l’indignation surgissent devant l’incapacité, voire l’impossibilité de produire des compromis devant les consensus obtenus. Or, l’usage des émotions recèle un certain pouvoir, notamment lorsqu’il est question de subversion des hiérarchies. On se rend bien compte qu’à travers cette recherche de valeurs communes, moyennant des opérations de médiation, de concertation et d’échanges (Bacqué et Gauthier, 2011), les rapports de pouvoir et leur expression viennent à être gommés. Dans ce contexte, l’expression exagérée des sentiments et l’indignation en public peuvent constituer un moyen parmi d’autres pour exprimer un désaveu dont la portée dépasse parfois la simple capacité de nuire (Blondiaux, 2001).

À ce titre, la sociologie goffmanienne a inspiré toutes sortes d’orientations de recherche. Si ces commentateurs ont permis différentes interprétations, c’est plus singulièrement chez Daniel Céfaï (2007) qu’on retrouve le travail le plus abouti visant à faire apparaître quatre figures de l’action chez Goffman. La figure de l’acteur dramaturgique (1973ab) ou « dramastatique[1] », au côté des figures des opérations de cadrage (1991), des stratégies (1970) et des rituels d’interaction (1974), manie habilement les impressions, prépare ses performances, concocte en coulisse, anticipe les imprévus et les incidents, bref agence les apparences pour contrôler les informations en vue de convaincre les partenaires de l’interaction de la validité d’une certaine définition de la situation. Une telle performativité du politique (Alexander, 2017) met en scène des injustices et rappelle à quel point celles-ci doivent être dramatisées au sein des espaces où elles n’attirent autrement que peu d’attention.

Mettre en scène les injustices

Le secteur sud-ouest du quartier Hochelaga à Montréal est ciblé depuis 2012 par une démarche de revitalisation afin de stimuler à la fois les transformations des espaces publics et le développement économique et social du quartier. Le dispositif de concertation de la RUI Hochelaga agit comme espace de rencontre qui permet à plusieurs partenaires importants de la communauté du quartier Hochelaga de se réunir. Il tient lieu et de moment d’échanges et de discussions pour les organismes communautaires, les élus politiques, les représentant.e.s des services de l’Arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, tout comme des partenaires issus du monde des affaires et des citoyen.ne.s, sans oublier l’équipe qui coordonne la RUI Hochelaga. Depuis 2012, les projets de revitalisation de la RUI Hochelaga s’effectuaient sans trop de problème, jusqu’au moment où ils soulevèrent des préoccupations à l’égard de leurs effets potentiellement « gentrificateurs » dans le quartier. Des partenaires de la démarche de revitalisation ont rejoint la concertation pour se mêler de ce qui s’y passait afin de soulever plusieurs problématiques à l’égard de la démocratie au sein du dispositif, et au niveau des enjeux en lien avec l’embourgeoisement (Boucher, 2021b).

En 2016, le quartier Hochelaga fut le théâtre d’une démonstration de force dans l’espace public. Celle-ci a commencé notamment avec des revendications accompagnées d’actes de vandalisme qui ont pris pour cible des commerces taxés d’être des accélérateurs de l’embourgeoisement. La gradation des moyens de pression est passée de l’espace public au dispositif de la RUI Hochelaga au sein duquel les enjeux sociaux du quartier ont gagné en importance et en visibilité. C’est en 2017 qu’est apparu plus fortement le clivage entre les visées de la revitalisation, avec d’un côté les tenants du développement économique et du réaménagement des espaces publics, et de l’autre les personnes préoccupées par cette façon de revitaliser le quartier Hochelaga. L’une d’elles le manifesta d’ailleurs lors d’une rencontre des partenaires de la démarche RUI : « il y a des craintes pour [la rue] Sainte-Catherine, parce qu’il est clair qu’on n’a pas les mêmes moyens financiers qu’au développement économique[2] ».

Une autre personne préoccupée pour les mêmes raisons ajouta, durant une entrevue, qu’« [i]l est vrai que la gentrification pis tout ce qui en lien à la RUI, que c’est très très évacué en termes de débat. On pense que c’est important d’être présents aux instances de la RUI avec un point de vue critique et constructif, parce qu’on veut s’assurer d’être là justement parce qu’on veut éviter que ça prenne une tangente qui pourrait nuire aux personnes à faible revenu qui habitent le sud-ouest. » Ce problème, comme l’ont soulevé plusieurs partenaires de la RUI Hochelaga, s’enracine dans une forte impression que l’espace n’est pas réellement conçu pour le dialogue et encore moins pour les débats sur les enjeux du quartier.

Entre-temps, et surtout après avoir essuyé de nombreux refus pour discuter et débattre des effets potentiellement gentrificateurs de la RUI Hochelaga, il semblait important pour les militant.e.s de nommer une personne bien vue au sein de la concertation, une personne rattachée à un organisme qui jouit d’une renommée au sein des partenaires, afin qu’elle fasse poliment la demande pour qu’une rencontre de discussion soit tenue afin de faire le bilan des dernières années, des projets de la RUI et leurs effets concrets dans le quartier. L’idée consistait, autrement dit, à changer le visage de la revendication, pour qu’elle repose maintenant sur une personne à qui on ne peut pas dire non. Et c’est en usant de tact, de diplomatie et de leadership que celle-ci est parvenue à faire inscrire au calendrier la tenue d’une rencontre de bilan qui fut en quelque sorte l’occasion de faire entendre un maximum de voix concernant les effets problématiques que peut avoir la revitalisation du quartier Hochelaga chez les personnes plus vulnérables.

Peu de temps après, lors de cette rencontre destinée à réfléchir sur le bilan des projets de la RUI Hochelaga est apparue l’occasion pour les militant.e.s de dire haut et fort le désir d’un changement de vision. Cet exercice participatif visait à produire un bilan des travaux de la RUI Hochelaga durant lequel les partenaires de la démarche avaient l’occasion de revenir sur les « bons coups des dernières années » ainsi que sur les « défis des prochaines années et les aspects moins travaillés ».

Cette seconde étape de la tactique semble être la suivante : arriver nombreux, sur inscription et participer activement pour multiplier les voix afin d’inscrire durablement les préoccupations en tant qu’orientations prioritaires des prochaines années. Plus qu’une tactique, plus qu’une mobilisation planifiée stratégiquement par les groupes militants anti-embourgeoisement et les critiques de la RUI Hochelaga, c’est le caractère sensationnel de cette mobilisation qui est frappant par le ton que certaines personnes ont eu, par la multiplication de leurs voix et leur répartition à travers les sous-groupes de discussion. Plusieurs partenaires qui étaient présents ont d’ailleurs été pris de court. L’un d’eux, plus sceptique face aux intentions de cette tactique, me confirma la perception que j’en avais eue :

[…] tu as ce groupe-là qui débarque, ils sont 7-8 personnes, pis des gens qui ont la plupart, jamais participé à rien de la RUI, alors l’information elle provient de leurs réseaux ou de d’autres lieux… Il y avait une stratégie quand même derrière tout ça pour dire « on vient à plusieurs pour s’assurer qu’on est nombreux à porter le même message, ça va donner l’impression que le message est porté et qu’il y a beaucoup de monde qui le partage dans le quartier ».

Durant cette rencontre de bilan, je circulais entre les tables et partout je pouvais entendre des questions sur les volontés de la RUI Hochelaga, des explications sur ce qu’est l’embourgeoisement et ses effets, des critiques à l’effet que ce ne sont pas toutes les voix du quartier qui sont sollicitées dans le processus, qu’il y a donc des oubliés. Et souvent, ces mêmes militant.e.s, lorsqu’une réponse leur était fournie, renchérissaient de plus belle sans trop écouter leurs interlocuteurs, ou très peu. Je voyais des partenaires de la RUI Hochelaga perdre patience tout en se contenant, des postures du corps qui témoignaient davantage du désir de se désengager de la discussion, des bras croisés, des regards furtifs vers les autres tables, comme pour se comparer. Je voyais des discussions animées à d’autres tables, qui finalement n’étaient que des monologues venant d’une personne qui tenait absolument à ce que la RUI Hochelaga cesse immédiatement ses activités. Je voyais aussi d’autres partenaires, habituellement sympathiques aux requêtes des groupes militants, craindre que la rencontre ne dérape, sans toutefois s’empêcher d’apprécier la tactique et ses effets.

Peu de temps après, une rencontre du comité de coordination de la RUI Hochelaga fut organisée afin de discuter de la tactique employée et de la façon dont elle avait été rapportée dans un compte rendu détaillé. Les sept personnes en charge du comité de coordination de la démarche RUI ont écumé le compte rendu de cette rencontre afin de discuter de leurs propres perceptions. L’une d’elles interrogea les autres au sujet de la façon dont avaient été présentés les commentaires qui avaient été émis durant celle-ci  :

Selon vous, est-ce qu’on a atténué des propos dans le compte rendu de la rencontre de février ?

Je pense que oui, pis encore une fois, c’est pas méchamment, ni rien de ça, mais j’ai eu l’impression que ça clashait plus que ça, que la critique et les commentaires étaient encore plus confrontants, qu’il y avait là un véritable choc de culture.

Donc toi tu voudrais qu’on réécrive le compte rendu, qu’on le mette plus de façon oppositionnelle ? Nous on l’a mis comme si c’était plus neutre, on n’a pas voulu faire ressortir le côté oppositionnel des discussions dans la rédaction du compte rendu.

Ben, moi ce que je dis c’est que la confrontation est un aspect important dans cette rencontre-là et je pense que ça devrait aussi ressortir.

Écoutez, les avis ne sont pas unanimes. Il faut revoir certaines structures de phrases pour placer à certains niveaux le côté oppositionnel, mais il ne faut pas y aller trop fort, parce qu’il ne faut pas nécessairement braquer les personnes.

Une troisième voix s’ajouta :

L’idée, je pense, c’est de dire qu’on constate qu’il y a une réelle inquiétude. Je ne parle pas juste des militants nécessairement, mais il y a toujours une inquiétude, on l’a entendue à d’autres moments dans le quartier, il y a une réelle inquiétude au niveau de la gentrification. Parce que moi je veux qu’on se démarque de d’autres quartiers, de dire… Hochelaga-Maisonneuve, on fait ça différemment… Oui il y a une gentrification, on l’admet, pis on veut travailler sur les effets néfastes.

Cette discussion, en forçant le rappel des ambitions de départ alors que la RUI Hochelaga était naissante, contribue à ébranler les certitudes, à faire apparaître les points de tensions et les clivages idéologiques entre les partisans de la revitalisation du quartier et leurs principaux détracteurs qui critiquent ses effets délétères sur les populations plus vulnérables. Elle permet de révéler les sujets tabous dans le quartier, de les nommer, dans un désir de stimuler, d’évaluer le travail qui a été fait jusqu’à présent, en revenant notamment sur les quatre axes stratégiques afin de les (re)questionner.

Une intervention vient en quelque sorte devancer les prochaines étapes qui s’imposeront à la concertation autour de la démarche RUI :

Moi j’ai deux autres affaires à ajouter. Je veux valider deux choses et de toute façon il va y avoir un retour avec l’ensemble de la concertation. Donc ma question : vous avez prévu un retour de validation pour l’ensemble de l’oeuvre… ok… et le plan avec les quatre enjeux qu’on avait là… parce qu’éventuellement, c’est vers ça qu’on s’en va… et on va se le faire dire… est-ce qu’on en a fait une évaluation de ce plan-là ? Il y a 5 ans là, quand on se frottait les neurones ensemble, on avait des ambitions au niveau économique, social et urbain, mais est-ce qu’on a pris le temps d’en faire un bilan et de voir ce qui est arrivé réellement ? Moi je pense qu’il faut faire un bilan de cette philosophie-là à savoir si elle a marché et jusqu’à quel point elle a marché… ou pas…

Sachant que les critiques sont mal reçues, que l’attention retenue sur les enjeux sociaux du quartier et les questions de démocratie et de gouvernance sont plutôt mitigées, on peut se demander de quel droit jouissent les participant.e.s s’ils veulent produire des changements à une démarche et un processus qui leur semblent incongrus ? Or, le constat pour certain.e.s, c’est que la démarche de revitalisation est synonyme de dépossession des enjeux de l’embourgeoisement du quartier. Durant une entrevue, une personne qui critique la RUI Hochelaga m’expliqua qu’

[…] ils nommaient l’idée que la revitalisation urbaine qui est programmée par les autorités, donc on parle clairement d’une RUI peut être le catalyseur d’un processus de gentrification. Selon nous la marge de manoeuvre pour que ça soit pas ça est mince, elle est très très très mince, il y a un sentiment d’urgence, pis nous on a l’impression qu’on est clairement en train de l’échapper en ce moment.

Une autre personne ajouta que le dispositif n’est pas conçu pour discuter, sachant que le temps des rencontres ne le permet pas. Mais selon elle, le problème se rapproche plus d’un désir d’éviter toute confrontation : « J’ai l’impression que ce qui [est] attendu de nous, c’est un public qui devrait être déjà charmé à l’avance par tous les projets qui sont amenés, et quand il y a des critiques négatives, la réception n’est pas bonne. » Une autre personne m’expliqua que « chaque geste de revitalisation a ses conséquences ». Alors il faut éviter les accrochages si on ne veut pas mettre à mal les projets et essayer de tirer le maximum pour le développement social. Elle ajouta enfin que de « créer des malaises pour créer des malaises, c’est dangereux… Ça peut être fatigant et déranger. »

Si l’idée veut que se mêlerà c’est aussi défaire, et que la participation en appelle à des débordements (Berger, 2018), la sacralité en tant que norme vise à maintenir l’ordre, et donc d’en identifier les protecteurs et les offenseurs lors des rencontres. Ce faisant, on s’aperçoit des différents niveaux de tolérance vis-à-vis du désordre que peuvent produire ces derniers et du même coup toute la vulnérabilité du travail de concertation. Il y aurait donc une « façon appropriée » de défaire et d’amorcer des transformations en vue de produire des changements sans « casser totalement le dispositif » (Berger, 2019, p. 160). Il semble que les temps[3] de la tactique qui a été employée montrent l’importance d’agir en étapes pour que la lutte politique se fasse de manière plus discrète (temps 1), par le « fait d’un choix tactique informé par une sage connaissance des rapports de force » (Scott, 2008, p. 199). Une fois que se présente l’occasion, par cette ouverture du dispositif pour tenir une rencontre de bilan, la lutte politique peut se faire en utilisant d’autres moyens de pression (temps 2) tels que l’arrivée en groupe pour marteler haut et fort les critiques vis-à-vis de la RUI Hochelaga et les risques encourus de stimuler l’embourgeoisement du quartier. La tactique a donc frappé l’imaginaire de la concertation et les personnes en charge de la coordination de la RUI Hochelaga, dont l’une d’elles décrit cette rencontre de bilan comme un « choc de culture, une ambiance de cette rencontre qui était cristallisée, parce qu’on s’est fait passer un message selon lequel la RUI devrait se préoccuper essentiellement, sinon exclusivement des populations marginalisées ».

Cette discussion a permis une réécriture du compte rendu qui indiquait dans sa version finale, rendue publique à toute la concertation, que la « rencontre de février a donné des suites positives, notamment en ayant une discussion sur la gouvernance de la RUI Hochelaga ». Cette discussion a permis également l’écriture d’un nouveau cadre de gouvernance qui allait revoir « les critères d’adhésion ou le membership, sans imposer une structure trop lourde ». La composition du comité de coordination de la RUI Hochelaga a également fait l’objet d’une discussion et d’une volonté de le recomposer dans la perspective de « refléter d’autres points de vue et expertises si on considère que des enjeux sont sous-représentés [puisque] le choix dans Hochelaga a toujours été de privilégier des expertises diversifiées et pertinentes pour le travail de la RUI ».

Après discussion, une modification est apportée au nouveau cadre de gouvernance de la RUI Hochelaga. Cette modification peut se lire comme suit à la fin du compte rendu d’une rencontre des partenaires de la RUI Hochelaga :

On propose d’apporter une modification à l’article 4.1.5 pour permettre aux citoyens qui « fréquentent » le secteur de la RUI d’être « partenaires » du CLR et y avoir droit de vote, et non seulement les personnes qui « résident » dans le secteur. Bien que cette proposition soulève des questionnements, personne ne s’y oppose. La modification sera donc apportée.

Des tensions fécondes

Alors qu’on exhorte le plus souvent les personnes à participer sans se crisper, c’est-à-dire à éviter l’exaspération, l’irritation et les tensions, on s’attend d’elles qu’elles adoptent une certaine neutralité, qu’elles ne fassent pas de démonstrations fulgurantes ni qu’elles expriment trop ouvertement leurs sentiments. Comme l’ont montré Berger et Charles (2014) à la suite de Dryzek (2010) et de Blondiaux et Sintomer (2009), cela se traduit concrètement par certains styles de prise de parole qui cadrent difficilement au sein des dispositifs. Si la faction récalcitrante des partenaires de la RUI Hochelaga n’est pas parvenue, dans un premier temps, à sensibiliser les autres partenaires de la démarche concernant les effets délétères de la revitalisation, c’est bien parce qu’elle manifestait une expression exagérée de sentiments tels que la colère, le désarroi et qu’elle provoquait des crises et des malaises lors des rencontres. Ce petit groupe qui critiquait la RUI Hochelaga s’est rapidement retrouvé en position désavantageuse et marginalisée. C’est en ce sens que ces personnes peuvent être qualifiées d’incompétentes dans pareils contextes, parce qu’elles parviennent difficilement à prendre part à de telles rencontres, et parce que ces dispositifs leur sont parfois inhospitaliers.

Toutefois selon Carrel (2006), les émotions ont, à travers leur expression, un pouvoir pour produire une amorce de politisation par une prise de conscience. L’expression des émotions ne suffit pas à rallier spontanément les personnes autour d’une même position par un effet de persuasion (Burnstein et Vinoku, 1977). On comprend ainsi que l’expression de la colère et l’indignation en public ne contribuent pas plus à élargir les sympathies. Le cas de la RUI Hochelaga m’apparaît exemplaire puisqu’il nous aide à comprendre comment une succession d’événements a contribué à la mise en crise du dispositif (Foucault, 1975 ; Sauvêtre, 2009) puis à amorcer des transformations qui se veulent durables par leur inscription dans des documents officiels. Et c’est en ce sens que les luttes et les tensions sont fécondes lorsqu’elles s’inscrivent dans un schéma de résistance qui prévoit un scénario en plusieurs temps.

Il faut alors admettre, comme le constate Berger, que la « participation exige bien davantage que les capacités discursives ou argumentatives des personnes, celles-ci n’étant finalement que les composantes les plus évidentes d’une compétence interactionnelle plus complexe, tant sur un plan expressif qu’interprétatif » (2014, p. 35). La lutte politique dans ce contexte ne peut donc pas qu’être l’unique reflet de la qualité des arguments (Manin, 2011), car elle doit s’appuyer sur une tactique mettant à l’avant-plan une diplomatie en respect des rituels de la concertation. Et forcément, cette conception permet de mettre en lumière les rapports qu’entretiennent les personnes vis-à-vis des structures sociales et politiques, mais aussi la sacralité et les rituels propres aux dispositifs de concertation.

Deux constats s’imposent : le premier consiste en l’importance de repérer l’apparition graduelle des enjeux sociaux du quartier Hochelaga et à les faire apparaître avec plus d’insistance au sein du dispositif de concertation. Cela passe inévitablement par des prises de parole à la fois engagées et critiques. Ce faisant, elles permettent de stimuler la naissance d’un « ballet » de rapprochements et d’oppositions, d’alliances et de conflits (Céfaï, 2014). Ce processus, qui entraîne un contrecoup (back-fire) de la part des autres participant.e.s, permet de repérer à la fois les cibles, les personnes instigatrices de la censure et autres railleries ainsi que leurs témoins. Cela permet de tester et de faire apparaître les normes en place au sein du dispositif de concertation, à savoir l’importance qui est accordée à la diplomatie, au rejet des crises et des tabous. Cela permet enfin de marquer la différence entre les personnes disciplinées et les personnes récalcitrantes. Et cette distinction, qui peut conduire à la marginalisation de ces dernières, repose en partie sur les perceptions qu’ont les participant.e.s devant leurs homologues, dans le cadre d’exercices participatifs. On comprend ainsi que les dispositifs se régulent à travers des normes formelles et informelles que doivent suivre les participant.e.s, au détriment de la possibilité d’engager des débats sincères.

Ce qui nous amène au second constat à l’effet que performer les normes dans un tel contexte, c’est éviter les débordements et retenir toute forme de tension. Le souhait consiste à préserver le dispositif des désaccords et à les tenir le plus loin possible. Il y a de nombreux avantages à se mettre à l’abri du dissenssus (Mouffe, 2004) et des tensions : cela permet d’exploiter une apparence d’unanimité et une « façade crédible de cohésion » (Scott, 2008, p. 70) qui a tendance à s’effriter devant les conflits. Or, cette façade de cohésion n’est pas nécessairement un moteur de changement, et invite surtout au statu quo, alors que les tensions et les rapports de force vont plutôt se révéler féconds sur le plan des transformations sociales. Il s’agirait alors pour les artisans de la mise en crise du dispositif de profiter et d’exploiter ses moments pour (re)négocier les volontés et la hiérarchie des priorités.

Conclusion

Cet article réaffirme la pertinence et l’intérêt sur les plans théoriques et méthodologiques d’une approche interactionniste et du point d’appui microsociologique afin de rendre compte de la façon dont se déploie un schéma de résistance à travers une série de situations qui, prises pour elles-mêmes, renvoient à autant de confrontations que de protagonistes qui y tiennent des rôles et des positions. Or, c’est leur mise en relation qui permet de révéler le sens, mais aussi les retombées pratiques de ce schéma de résistance et la tactique qui l’accompagne, tout en cherchant à comprendre de quelles façons le dispositif de concertation de la RUI Hochelaga met en place les conditions de sa transformation. On a pu voir dans ce contexte que les changements qui ont été apportés ont beaucoup à voir avec l’amendement de son cadre de gouvernance afin d’élargir la participation citoyenne, et donc l’accès au dispositif de concertation.

En ce sens, réfléchir dans les termes de l’inclusion et de la participation démocratique invite à considérer la participation comme débordement, ce qui suggère que les participant.e.s peuvent rejoindre le dispositif de concertation et se mêler de ce qui s’y déroulait avant leur arrivée (Berger, 2018). J’ai voulu montrer dans cet article que, par ces actions, les participant.e.s peuvent défaire ce qui s’y déroule, surtout lorsqu’il s’agit de choses qui s’y déroulent de manière problématique. La RUI Hochelaga, si elle pose des actions de revitalisation dans le quartier Hochelaga, doit selon les militant.e.s au moins tenir des débats sur les effets des projets. Ces militant.e.s viennent donc se mêler des projets de la RUI Hochelaga, tentent de les défaire pour en modifier les composantes, en vue de refaire une planification plus juste, plus inclusive et surtout moins problématique pour les populations plus vulnérables du quartier. Les militant.e.s s’y sont pris de plusieurs façons afin de défaire les préjugés, les tabous et la planification des actions. Les militant.e.s sont finalement parvenu.e.s à refaire certaines conditions de la revitalisation du quartier Hochelaga par l’amendement du cadre de gouvernance et par l’inscription durable des enjeux sociaux du quartier, afin qu’ils soient pris au sérieux et inscrits dans la vision, la planification et les volontés de la RUI Hochelaga pour ses prochaines actions de revitalisation.

Autrement dit, et toujours en réfléchissant dans les termes de l’inclusion et de la participation démocratique, il faut considérer que dans un second temps, les militant.e.s sont parvenu.e.s à refaire ensemble quelque chose pour pallier les carences démocratiques de leurs prédécesseurs. Et évidemment, cette logique s’appliquera à ces derniers tant et aussi longtemps que le dispositif accueillera des participant.e.s. En somme, ce qui est important et intéressant, c’est bien la façon dont peut être traduite cette séquence (rejoindre, se mêler, défaire, refaire) afin d’en produire des indicateurs de développement social et des communautés dans le cadre de la mise en place de dispositifs participatifs aux fins de la planification et de l’aménagement du territoire, voire au-delà de ce champ d’application.

L’un des problèmes auxquels nous faisons face en étudiant les dispositifs de concertation, c’est la façon dont ils affichent une forme de marasme institutionnel (institutional viscosity) (Sabet, 2018). On s’aperçoit dans ce contexte qu’un tel marasme constitue un frein pour la transformation sociale, mais aussi pour l’expérimentation. Si les critiques ne peuvent plus apparaître au sein des dispositifs de concertation de quartier, que la voie leur est bloquée et la parole confisquée, comment pouvons-nous espérer que les choses changent ? Il aura fallu que des partenaires de la RUI Hochelaga organisent une tactique en plusieurs temps pour désorienter suffisamment les autres partenaires de la démarche et ainsi « dénaturer partiellement l’ordre des choses » (Goffman, 1991). On constate de plus en plus que les conflits urbains se manifestent ouvertement contre des modèles institutionnalisés, produisant ainsi de nouveaux espaces d’expérimentation. Si dans un premier temps le marasme institutionnel semble reposer sur la RUI Hochelaga, on remarque qu’avec l’ouverture graduelle de celle-ci se pose la possibilité de produire de nouvelles expérimentations. De nombreuses questions demeurent puisqu’on sait que les démarches de RUI sont encadrées et suivent attentivement les balises mises en place par la Ville de Montréal et les bailleurs de fonds. On remarque en effet que les concertations locales ne sont pas totalement indépendantes et autonomes sur les plans organisationnels et sur les règles de fonctionnement dans le cadre de leurs façons de planifier des actions sur leur territoire respectif. On peut en ce sens penser que le manque d’ouverture de la RUI Hochelaga vis-à-vis des critiques repose notamment sur le désir de ne pas envoyer le signal que des problèmes sont survenus au sein de la démarche de revitalisation, ce qui pourrait refroidir les bailleurs de fonds et contribuer à une perte de confiance chez ces derniers. Il apparaît toutefois évident de pousser plus loin les analyses en regardant de plus près cette fois-ci comment la Ville de Montréal et les bailleurs de fonds tirent des ficelles et se mêlent de ce qui se passe au niveau local.