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Nous sommes dans une période de profondes transformations des bibliothèques. Depuis le tournant des années 2000, la portion des budgets de collections allouée aux ressources numériques est de plus en plus importante (BAnQ 2012). Au Québec, les bibliothèques universitaires consacrent entre 60 % et 95 % de leurs budgets d’acquisition aux publications numériques (CREPUQ 1991-2012). Il ne s’agit pas d’un effet de mode, mais bien de l’amorce d’un changement de paradigme. Malgré tout, bien peu a été fait pour que les espaces bâtis des bibliothèques présentent une offre qui corresponde aux besoins du monde numérique. Plusieurs posent même la question de la pertinence des bibliothèques (Agresta 2014), ce qui peut être perçu par les bibliothécaires comme une inspiration pour les transformer et continuer à répondre à notre principale mission : créer et donner accès à des environnements qui favorisent la circulation et la création d’idées, de connaissances et d’oeuvres artistiques.

Force est de constater que les programmes de technologies numériques dans les espaces bâtis des bibliothèques n’ont pas été déployés à la même vitesse que les programmes d’acquisition et de développement des collections numériques. À vrai dire, pour la quasi-totalité des bibliothèques du Québec, outre les ordinateurs qui sont mis à disposition des usagers, l’organisation des espaces correspond au modèle de la bibliothèque datant de la moitié du xixe siècle. Vers 1850, avec notamment la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, conçue par l’architecte Henri Labrouste, l’innovation a été de diminuer l’entreposage de livres en magasin permettant ainsi aux lecteurs d’accéder aux rayons et aux collections sans l’intermédiaire du personnel (Barbier 2013, 244-246). Depuis, l’organisation de l’espace n’a pas connu d’innovations majeures ayant eu un impact aussi considérable sur l’utilisation de la bibliothèque et l’expérience des lecteurs.

La bibliothèque numérique présente une offre qui correspond tant bien que mal, selon les budgets disponibles et le marché éditorial, aux besoins des lecteurs. De même, les espaces d’accueil des bibliothèques bâties, qui s’inscrivent dans la culture de l’imprimé, prennent bien peu en compte la réalité numérique.

C’est cet écart entre l’offre numérique et celle de la bibliothèque comme lieu physique qu’il importe de réduire. Cet objectif est central dans le projet de redéfinition des bibliothèques. Les usagers sont en attente de l’entrée de plain-pied des bibliothèques dans le monde et la culture numériques.

Pour un programme technologique

Tout projet de construction ou de rénovation majeure d’une bibliothèque implique nécessairement la préparation d’un programme fonctionnel et technique décrivant les besoins des espaces publics destinés aux usagers et des espaces de travail des employés. Cependant, ce document ne comporte pas la description des besoins portant sur l’offre technologique, au-delà de la distribution d’écrans et d’ordinateurs.

Depuis l’introduction d’Internet, les bibliothèques ont développé en priorité les collections numériques. Désormais, le développement de l’offre technologique dans l’espace bâti des bibliothèques devient une priorité. Un programme technologique permet de concevoir l’offre en matière de systèmes d’information, d’équipements matériels et logiciels et d’environnements numériques mis à la disposition des usagers.

Bien davantage que l’introduction d’ordinateurs dans une bibliothèque, un programme technologique contribue à transformer l’expérience des usagers et à définir une nouvelle génération de bibliothèques. À ce point-ci, peu de bibliothèques ont réellement opéré la transformation vers la culture numérique. L’étendue de l’expertise des architectes et des ingénieurs ne comporte pas celle qui est nécessaire à la réalisation d’un programme technologique. Il est ainsi justifié de réaliser ce dernier de façon distincte du programme fonctionnel et technique.

Le type de bibliothèque, les caractéristiques et les besoins des usagers, de même que les collections et le programme d’activités à mettre en valeur, sont autant d’éléments à prendre en compte pour définir le programme technologique d’une bibliothèque. Par ailleurs, certains comportements répandus chez les usagers, ainsi que l’intérêt potentiel d’une translation de certaines pratiques observées en bibliothèque de la culture de l’imprimé vers celle du numérique, constituent des points de départ d’une démarche de conception d’un programme technologique. Les sections qui suivent énoncent brièvement quelques-unes de ces pratiques.

L’autonomie des usagers dans l’appropriation des lieux et des services

De plus en plus, et cela particulièrement chez les jeunes, les usagers des bibliothèques favorisent l’utilisation de services automatisés, sans qu’une personne de l’équipe de la bibliothèque ait à intervenir pour l’emprunt ou l’utilisation d’un document ou d’un équipement. D’aucuns pourraient y voir l’influence du guichet automatique et des services bancaires en ligne. Pourtant, ce mouvement est présent dans les bibliothèques depuis longtemps. Déjà, rendre accessibles les collections en donnant accès aux rayons constituait un premier pas dans cette direction.

Plus récemment, les stations de prêt en libre-service pour les livres, tout comme les salles de réserve de cours dans les bibliothèques universitaires ou l’accessibilité des ouvrages réservés en libre-service sont autant d’exemples qui vont en ce sens. Le programme technologique d’une bibliothèque offre l’occasion de poursuivre dans cette direction en offrant en libre-service le prêt d’équipements tels qu’ordinateurs portatifs ou tablettes, en optant pour l’implantation d’un système d’identification par radiofréquence (RFID) pour la gestion et la circulation des collections, en adoptant un système performant de réservation de salles, ou encore en développant un excellent système de signalisation pour faciliter le repérage des ressources et des services de même que l’orientation des usagers dans l’espace de la bibliothèque.

En ce qui concerne les espaces numériques des bibliothèques, plusieurs projets ont cours afin de repenser les interfaces d’accès et d’interrogation des collections numériques. Depuis plusieurs années et de plus en plus, les usagers expriment en choeur et à l’unisson les difficultés à utiliser les systèmes développés pour ou par les bibliothèques. En ce sens, plutôt que de considérer les utilisateurs potentiels comme de simples « usagers », il serait certainement plus approprié de prendre pleinement en compte le fait qu’il s’agit de lecteurs ou même de personnes qui cherchent à répondre à des questions et à faire des liens entre des concepts, des objets ou des informations. Il s’agit là d’un enjeu de taille, qu’il faut considérer avec sérieux. Tant dans l’espace bâti que celui de la bibliothèque numérique, mieux les lecteurs seront en mesure de répondre à leurs besoins de façon autonome, mieux les bibliothécaires auront fait leur travail.

Les bibliothèques sont des lieux de liberté. L’organisation de l’espace et des services doit se présenter de telle façon que la majorité des usagers puissent être en mesure de repérer et d’utiliser ce dont ils ont besoin, sans avoir à requérir l’intervention du personnel.

Rendre visible la bibliothèque numérique dans l’espace bâti de la bibliothèque : éviter le piège du trompe-l’oeil

Qui n’a pas été happé par un présentoir attrayant de livres mis en vedette dans une librairie ou une bibliothèque? Nombreuses sont les personnes qui ne peuvent résister à l’étalage de couvertures d’ouvrages, de romans ou de bandes dessinées. Les bibliothécaires savent d’expérience l’impact de la mise en valeur des ouvrages sur la circulation des collections. Cette fonction de mise en valeur est au coeur même de la mission de diffusion et de médiation scientifique et culturelle des bibliothèques. Qu’en est-il des bibliothèques numériques? Comment rendre visibles les collections numériques?

Une partie de la réponse réside assurément dans l’espace numérique de nos bibliothèques. Le trafic de consultation y est souvent assez important pour ne pas négliger d’utiliser de façon efficace cette vitrine. Il ne faut pas non plus faire l’économie d’une réelle stratégie de diffusion, en s’assurant de faire indexer et de rendre visibles les collections numériques auxquelles nous donnons accès par le biais des outils de recherche spécialisés ou généralistes (Google, médias sociaux et autres). Par ailleurs, confiner la diffusion des collections numériques sur le Web amène à présenter la bibliothèque bâtie comme un trompe-l’oeil, comme si le numérique n’existait pas pour la bibliothèque « traditionnelle », comme si les deux composantes de la bibliothèque (espaces architectural et numérique) ne pouvaient pas dialoguer entre elles. En fait, c’est tout le contraire. Ces deux espaces ont avantage à se répondre, à se rencontrer, à s’entrecroiser pour susciter, un peu comme le présentoir de livres en vedette, des rencontres fortuites entre un livre et son lecteur.

Comment cela prend-il forme? Ce territoire est encore à défricher. Tout reste à inventer, à créer, à réaliser. Il ne s’agit certainement pas de truffer d’écrans surdimensionnés les salles de lecture et les salles d’accueil des bibliothèques. De façon générale, il s’agit de mettre en scène les collections numériques dans l’espace de la bibliothèque. À ce chapitre, l’expertise et les réalisations des conservateurs des musées sont assurément source d’inspiration pour repenser la médiation en libre-service dans les espaces des bibliothèques.

Quelques pistes peuvent être évoquées. Des espaces de découverte des collections numériques pourraient comporter des dispositifs interactifs sous la forme d’écrans tactiles ou autres. Outre les composantes matérielles de ces dispositifs interactifs, des interfaces seraient créées pour mettre en valeur des pièces choisies de la collection. Les bibliothécaires pourraient sélectionner les publications à valoriser, un peu comme le font les conservateurs de musée en préparant une exposition. Différents types de dispositifs pourraient être créés pour correspondre aux multiples genres de publications que comportent les collections numériques d’une bibliothèque. Par exemple, la mise en valeur ou l’offre de lecture des quotidiens pourrait prendre une tout autre forme que celle des magazines ou des romans. Les quotidiens pourraient être présentés à partir d’une mappemonde, par ville. Un très grand écran posé à la verticale permettrait de représenter les articles des journaux de partout dans le monde, en donnant la possibilité à plusieurs lecteurs, à un même moment, de consulter ou de lire des articles provenant de plusieurs journaux. De manière différente, le dispositif de valorisation des romans pourrait quant à lui se présenter sous la forme d’une application de butinage pour une tablette ou un ordinateur personnel, en donnant accès à des couvertures, aux textes qu’on retrouve habituellement en quatrième de couverture ainsi qu’aux textes intégraux. En ce qui concerne les collections audio, un espace dans la bibliothèque pourrait donner à écouter des livres lus ou des pièces de théâtre enregistrées, en prenant soin de diffuser, un peu comme le cartel des musées, une inscription qui identifie l’oeuvre entendue. Ce dernier dispositif prendrait la forme d’enceintes acoustiques auxquelles serait relié un ordinateur permettant de faire entendre une sélection (playlist) d’oeuvres « audibles », et pas nécessairement musicales, de façon à les mettre en valeur dans une programmation présentée durant une période donnée.

Rendre visibles les activités qui se déroulent dans la bibliothèque

La bibliothèque est un lieu communautaire, où s’exprime le vivre ensemble. Les bibliothécaires savent que c’est aussi un milieu de vie, où toutes sortes de choses se produisent. L’observation des lecteurs et les discussions impromptues avec eux dans la bibliothèque, au fil de hasards, font prendre conscience de ces moments sur une base anecdotique. Un étudiant fréquente quotidiennement la bibliothèque après avoir pris la décision de prendre en main sa destinée et de bien réussir ses études. Un diplômé, qui a terminé ses études depuis une dizaine d’années, revient à la bibliothèque pour demander la permission d’acheter la table de la salle de lecture à laquelle il a rencontré celle qui est devenue son épouse, pour la lui offrir comme cadeau d’anniversaire de mariage. Un lecteur nous confie que notre bibliothèque est le lieu où il se rappelle avoir eu, pour la première fois dans sa vie, une idée nouvelle et un raisonnement original. Nous n’aurons jamais qu’une connaissance très superficielle des activités qui se déroulent dans la bibliothèque, comme si nous regardions, par le trou de la serrure, une immense salle de bal luxuriante d’ors et de cristal.

Néanmoins, rendre visibles les activités qui se déroulent dans la bibliothèque peut se révéler un moyen d’exprimer ce sentiment d’appartenir à une communauté. Déjà, l’impression ressentie à travailler ou à lire côte à côte dans une salle de lecture témoigne de l’appartenance du lecteur à une collectivité d’individus qui ont des besoins similaires. Mais comment aller un peu plus loin pour encore mieux susciter ce sentiment d’appartenance, cette impression de solidarité même, tout en respectant l’information personnelle et la vie privée?

Là aussi, tout est à imaginer. On peut penser, par exemple, en développant un programme de données ouvertes (open data), à la possibilité qu’au moment où le lecteur entre dans la bibliothèque, un affichage présente le nombre de personnes présentes en ce moment même. « Ah! Je suis la 5 345e personne à entrer dans la bibliothèque aujourd’hui. » Ou encore, en affichant le nombre de livres qui ont été empruntés depuis le début de l’année. Ce pourrait aussi être la possibilité, pour les usagers, d’afficher d’une façon ou d’une autre, à l’aide d’un simple tableau blanc posé près de leur chaise ou de leur fauteuil, ou au moyen d’un écran situé à la porte de leur salle de travail en collaboration, ou encore par les médias sociaux, les sujets qui les intéressent et pour lesquels ils fréquentent la bibliothèque, et même, une question pour laquelle ils souhaiteraient bénéficier des connaissances et de l’aide d’autres usagers. Ces quelques pistes sont bien lacunaires et ne constituent que l’amorce d’une réflexion qu’il pourrait être intéressant de mener avec les usagers des bibliothèques.

La bibliothèque comme lieu de découverte et d’appropriation de nouvelles technologies

Il y a maintenant plusieurs années que les bibliothèques vont bien au-delà de la seule mission de constituer, d’offrir au prêt et de préserver des collections de livres. En fait, les bibliothèques sont des centres de ressources qui sont mises en partage au sein d’une collectivité d’individus qui en ont besoin. Mais la véritable mission des bibliothèques est de réunir les conditions nécessaires pour offrir des environnements qui soient stimulants, qu’ils soient bâtis ou numériques, afin de permettre aux membres d’une collectivité de s’épanouir à la fois sur les plans intellectuel et culturel.

Le livre, qu’il soit manuscrit, imprimé ou numérique, continue assurément à tenir une place d’importance dans ces environnements. L’épanouissement des personnes et le plein exercice de la citoyenneté impliquent des habiletés dans la compréhension du discours, de même que la capacité à exercer une pensée critique. Par ailleurs, les outils de la culture numérique sont centraux dans le nouveau vocabulaire d’expression de la pensée et des idées. Si la mission de la bibliothèque est réellement de réunir des ressources et d’offrir des environnements favorisant la création artistique et de nouvelles connaissances, c’est assurément dans cette direction qu’il faut aller, en créant un lieu de découverte et d’appropriation de nouvelles technologies.

On pense bien entendu au prêt d’ordinateurs, de tablettes et de liseuses. Mais il faut aller plus loin. Par exemple, mettre à la disposition des usagers une salle d’exploration et d’appropriation de nouvelles technologies. Un lieu situé dans la bibliothèque, où du matériel et des logiciels informatiques sont mis à disposition des personnes ou des familles qui n’ont pas les moyens de se les procurer. Parfois, la barrière financière est réelle. À d’autres occasions, c’est tout simplement la méconnaissance de ces outils qui constitue l’obstacle à une appropriation.

Imaginons rendre disponibles des équipements tels qu’une imprimante 3D, une machine de découpe au laser, un équipement d’impression de livres sur demande telle que l’Espresso Book Machine[1], des Raspberry Pi[2], des caméras Kinect[3], plusieurs modèles de téléphones mobiles et de tablettes, des Lego Mindstorms[4], un TinkerKit de Arduino[5], sans oublier des logiciels spécialisés pour des activités particulières telles que la mise en page, l’édition de fichiers sonores et d’images en mouvement et de vidéo, ou la création de plans ou de cartes géographiques. De très grands écrans pourraient aussi être mis à la disposition des usagers, ainsi que des espaces de visualisation de données ou d’immersion dans un environnement numérique générés par des projecteurs haute définition, sur plusieurs surfaces d’une même pièce.

L’objectif de tels espaces, dans la lignée des ateliers de fabrication technologique ou Fab Lab (Gershenfeld 2006; Martel 2012) ou Makerspace[6], est la démocratisation du vocabulaire et de la culture numérique auprès de la population en général[7]. Au-delà de l’intérêt d’un tel partage, il est possible que certaines personnes développent des aptitudes, des talents et même un sens de l’entrepreneuriat qui n’auraient pas pu éclore sans cette première prise de contact qui aura eu lieu en bibliothèque. Pour espérer que de tels espaces de découverte fonctionnent, il est impératif que l’offre de services de la bibliothèque comporte une médiation proposée par des employés bien formés et compétents qui accompagneront, selon leurs besoins, les usagers de ces nouveaux espaces.

Que faire?

La démarche pour la préparation d’un programme technologique est relativement traditionnelle et relève de bonnes pratiques en matière de gestion de projet. Avant toute chose, une analyse de besoins s’avère toujours une étape incontournable qui permet de valider ou d’invalider nos perceptions des besoins des usagers et, invariablement, qui révèle d’autres besoins qu’il nous était impossible d’imaginer. Par la suite, la production d’un document de vision et d’orientation établit les bases d’une bonne communication entre les acteurs du projet et peut servir pour confirmer les priorités auprès de représentants des usagers. Vient ensuite la préparation d’un programme technologique qui consiste à développer chacun de ces éléments en vue de leur implantation. Finalement, le programme technologique ne pourra atteindre son plein potentiel sans la présence et les conseils d’une personne ou même d’une équipe de la bibliothèque pour assurer la fonction de médiation. Dans tout ce processus, la qualité de l’expérience de l’usager et du lecteur demeure centrale.

Une fois le programme technologique déployé, un défi de taille consiste à en assurer le renouvellement et la maintenance. Par définition, ces équipements et ces logiciels ont une durée de vie relativement courte, correspondant à un cycle de vie de trois à sept ans, selon le cas. Comme ces fonctions sont nouvelles pour les bibliothèques, les budgets actuels ne les prévoient évidemment pas. Il en va ainsi de l’importance de tenir un discours convaincant pour définir la vision et les besoins et poser de façon stratégique cette nouvelle offre qu’il est nécessaire d’intégrer aux services de la bibliothèque. Une fois le budget d’implantation garanti, il est impératif de s’adjoindre des personnes qui assureront non seulement la médiation des technologies dans l’espace de la bibliothèque, mais qui seront également à l’affut de nouveaux outils intéressants à ajouter à l’offre technologique.

Alors, un programme technologique en bibliothèque comme élément fondateur, c’est enthousiasmant et passionnant ou menaçant et inquiétant? Sans vouloir botter en touche, il est peut-être utile de répondre en se référant à Matthew Carter (2014), concepteur des polices de caractères Verdana, Georgia et Galliard, entre autres. Au cours de sa longue carrière, Carter n’a cessé de créer des polices de caractères qui ont comme fonction d’être lues, de transmettre des idées, du sens. Pour ce faire, il a eu à s’adapter plusieurs fois à de nouvelles technologies : le poinçon fait d’un alliage de métaux, la composition mécanique, la photocomposition, la composition automatique, la publication assistée par ordinateur, la typographie numérique (d’abord les polices de caractères pixellisées et ensuite, vectorielles selon les courbes de Bézier). À ces technologies s’ajoute la complexité de s’adapter à la matérialité de l’impression (annuaire téléphonique de Bell dans le milieu des années 1970 ou papier bible de La Pléiade) ou de l’affichage, lorsqu’il s’agit de l’écran (qui peut prendre une multitude de formes). Comme Carter, le bibliothécaire doit s’adapter aux changements technologiques et même, il a le devoir de participer à la refondation des bibliothèques. Sans quoi, d’autres répondront aux besoins des usagers. Natura abhorret a vacuo.