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Cet ouvrage est la suite logique du Manuel de la numérisation paru en 2011 aux Éditions du Cercle de la Librairie. Ce premier collectif d’auteurs traitait principalement de la production de contenus et était davantage orienté vers certains aspects techniques, juridiques et descriptifs. Thierry Claerr et Isabelle Westeel, responsables de formation à l’enssib, ont à nouveau réuni des spécialistes du numérique afin de rédiger le deuxième volet d’un diptyque entièrement consacré à la numérisation et à la mise sur pied de bibliothèques numériques. S’inscrivant dans la continuité du premier ouvrage, les auteurs s’attaquent cette fois aux questions d’exploitation et de mise en ligne, d’accessibilité et de visibilité, en tenant davantage compte des besoins des usagers.
Ce deuxième ouvrage apporte des réponses concrètes et pratiques aux enjeux de la création d’une bibliothèque numérique. Au total, 26 experts – des praticiens provenant du domaine de la numérisation – ont contribué à la rédaction de cet ouvrage. Ce collectif d’auteurs est composé de bibliothécaires, de conservateurs, de responsables de bibliothèques et de programmes axés sur la lecture, de chargés de projets, de chercheurs, de consultants, d’ingénieurs, d’experts en gestion de métadonnées, bref d’acteurs impliqués principalement dans des projets de numérisation de fonds patrimoniaux et de mise sur pied de bibliothèques numériques en France.
Les auteurs se sont penchés sur certains aspects qui font toujours l’objet de vives préoccupations chez les décideurs attentifs aux usages et à la diffusion de contenus à caractère patrimonial appelés à effectuer le passage vers le monde numérique. Un passage qui est de nature à bouleverser l’ordre établi et à susciter de nouvelles attentes chez les lecteurs. Voilà pourquoi les auteurs nous rappellent qu’il importe de bien identifier les facteurs de succès avant de se lancer dans un projet de création d’une bibliothèque numérique. La gestion des métadonnées et les modalités d’accès à l’édition savante, qui sont régies par des licences accompagnées de fortes restrictions au niveau de l’accès en dehors des bibliothèques ou des centres de recherche, est largement traitée. Nous pourrions même évoquer ici des clauses dirimantes qui vont carrément à l’encontre de la libre circulation du savoir sur le Web. La diffusion des métadonnées, des données elles-mêmes ou encore des biens culturels sur le Web, le respect du droit d’auteur, qui a trop souvent pour effet de bloquer les projets de numérisation, sans oublier la conservation des documents en format numérique afin d’en assurer la pérennité font également l’objet des préoccupations des auteurs de ce collectif. La réalisation de tels projets ne peut évidemment être pensée en faisant abstraction des coûts et des budgets nécessaires à leur soutien. Les dispositifs spécifiques de financement à l’échelle française sont présentés en introduction par les coordonnateurs de l’ouvrage.
Bruno Ory-Lavollée évoque dans sa préface une réalité qui nous échappe trop souvent, à savoir qu’il ne saurait y avoir une seule bibliothèque numérique à l’échelle planétaire, « mais de multiples bibliothèques numériques qui se superposent et s’emboîtent ». D’où la nécessité de partager compétences et ressources pour créer des bibliothèques numériques, aussi petites soient-elles, afin que leur contenu soit mis en relation avec d’autres bibliothèques dans une perspective de complémentarité et d’enrichissement collectif.
Cet ouvrage comprend huit chapitres traitant rigoureusement des aspects suivants :
Concevoir la bibliothèque numérique en prenant en compte les usages numériques et les évolutions technologiques. Thierry Claerr et Isabelle Westeel traitent du principe de base de toute bibliothèque numérique : la confluence médiatique, qui concerne l’imbrication progressive des médias de manière à en assurer leur coexistence dans le même environnement. Cette confluence est elle-même déterminée par la pluralité des usages et des pratiques des internautes. Une attention particulière est portée à l’utilisation des statistiques de consultation intégrées à une bibliothèque numérique. Gallica est cité en exemple. À l’aide de diagrammes et de schémas, les auteurs illustrent fort bien le cycle de constitution d’une bibliothèque numérique ainsi que l’architecture d’une plateforme dédiée à cet usage. On y retrouve également plusieurs conseils de bonnes pratiques et des exemples à suivre afin de faciliter la mise en oeuvre de bibliothèques numériques.
Maîtriser les aspects juridiques de la diffusion et de l’exploitation des documents numérisés. Les informations contenues dans ce chapitre nous permettent d’établir les prérequis de tout projet de numérisation de documents en vue de les rendre accessibles sur Internet. Les principes à respecter à partir des cadres légaux, les obligations du responsable de la publication, la numérisation de données nominatives, la numérisation d’oeuvres orphelines ou de livres indisponibles, les mises en garde à adresser aux usagers sont ici évoqués. Un tableau synthèse à la fin du chapitre permet de bien identifier tous ces aspects juridiques.
Signaler les ressources numérisées : enrichissement, visibilité, dissémination. L’intérêt de ce chapitre réside dans la clarification des concepts utilisés dans ce nouveau paysage documentaire en vue de les rendre accessibles à l’aide d’un signalement. Il est question ici des métadonnées, de leurs rôles, de leurs fonctions, mais aussi de leur structure. Sans les données sur les données, il ne serait pas permis à l’internaute de pénétrer dans l’univers numérique, encore moins de s’y retrouver. Il existe des centaines de formats de métadonnées permettant de les encoder, de les échanger à partir de protocoles établis ou bien encore de décrire des données en fonction de leurs usages. « No matter what the question is, the answer is metadata », nous indique Kara Van Malssen.
Faciliter la localisation de l’accès à des ressources réparties grâce au protocole OAI. Sous un angle davantage pédagogique, Michel Fingerhut nous explique en quoi consiste un OAI, c’est-à-dire une solution logicielle facilitant la fédération d’informations structurées, un entrepôt virtuel, en quelque sorte, servant à extraire des métadonnées afin de les rendre accessibles aux requêtes d’un moissonneur.
Préparer la mise en ligne. Catherine Angevelle-Mocellin précise les facteurs à considérer dans la planification du processus de mise en ligne d’une bibliothèque numérique. Elle tient compte de nombreux paramètres qui relèvent du contexte organisationnel de l’institution, de l’offre de services, des publics visés, de l’environnement informatique existant, de la gestion des métadonnées, des modalités de repérage et d’affichage en fonction des logiciels permettant de gérer les ressources numériques. Un tableau synthèse illustre fort bien la diversité de l’offre de services à cet égard.
Réaliser la mise en ligne. Une étape cruciale dans tout processus de mise en oeuvre d’une bibliothèque numérique, très certainement. On entre ici dans les procédures administratives propres au marché français en lien avec le processus d’appel d’offres entre autres. De nombreux exemples sont fournis sous forme de tableaux regroupant les exigences à respecter pour réaliser l’étape de mise en ligne.
Concevoir une interface accueillante accessible pour les collections numériques. Ce chapitre s’adresse à l’équipe de création du site Web destiné à mettre en valeur les collections numériques. On y retrouve de nombreuses recommandations touchant l’ergonomie et l’accessibilité. Les principes et les règles à suivre sont clairement identifiés à l’aide de fiches synthèses. Une section contient des recommandations pour la création de sites Web sur mobile.
Préserver ses collections numériques. La problématique de préservation des ressources numériques est traitée en tenant compte de considérations pragmatiques, dont celle de l’obsolescence technologique qui engendre de nombreux obstacles à l’accessibilité universelle des données. Un modèle de conservation, celui de l’OAIS, issu du monde de l’aérospatiale, est présenté à titre d’entité fonctionnelle susceptible d’assurer la pérennité des bibliothèques numériques. De nombreuses solutions sous forme de systèmes dédiés à la pérennisation des données sont fournies par Claerr et Westeel en tenant compte des enjeux soulevés par la pluralité des formats et la fragilité des supports.
Ce manuel est un véritable guide destiné à accompagner les acteurs impliqués dans des projets de développement de bibliothèques numériques. Les auteurs ont fait de ce livre un lieu de convergence des efforts et des pratiques déployés en France en vue de permettre aux acteurs des milieux documentaires de jouer un rôle actif dans l’univers complexe des bibliothèques numériques. Ils nous donnent des repères, voire même des recettes, et mettent à notre disposition des outils de travail afin de rendre accessibles des corpus numérisés à valeur patrimoniale dans l’intérêt des internautes.