Introduction[Record]

  • Michel Pagé and
  • Patricia Lamarre

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En guise de contribution à la réflexion critique sur les catégories qui servent à étudier les populations dans leurs aspects linguistiques et ethnoculturels, ce numéro de Diversité urbaine propose cinq articles thématiques, dont la contribution est mise en évidence sous deux volets dans ce texte de présentation. Chaque article fait l’objet, d’abord, d’un résumé qui en dégage l’argument central et, ensuite, de quelques réflexions d’ordre épistémologique qui soulignent des écueils possibles liés au processus de catégorisation en question dans l’article. Quatre des cinq articles thématiques résultent de la démarche d’un groupe de chercheurs et de chercheuses réunis par le Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) et soucieux d’examiner de façon concertée : Cette collection d’articles propose un regard critique sur ce que les banques de données fournissent et ne fournissent pas. En examinant surtout les contextes canadien et québécois, notre réflexion critique veut contribuer à un vaste questionnement en cours dans plusieurs pays sur la catégorisation linguistique et ethnique et sur les enjeux qu’elle soulève, notamment à propos de ce qui constitue un groupe linguistique et ethnoculturel. À ce propos, nous présentons l’article d’une chercheuse qui discute des méthodes de catégorisation des populations en Autriche. Pour compléter ce numéro, un dernier article aborde la catégorisation linguistique et ethnoculturelle sous l’angle ethnographique. La démarche critique que nous proposons est importante, car les données relatives aux catégories linguistiques et ethnoculturelles servent souvent à déterminer l’orientation des politiques publiques recherchant la distribution équitable des ressources et des services aux diverses populations concernées. Comme tout le reste, les outils de recherche sur des populations « linguistiques » et « ethnoculturelles » évoluent et doivent évoluer. Dans les articles thématiques de ce numéro, l’attention porte sur l’information tirée des recensements et des enquêtes populationnelles ou administratives qui servent à caractériser des populations à l’aide de catégories linguistiques ou ethnoculturelles. Les auteurs et autrices remettent en question la nature de l’information issue de la compilation des réponses aux questions de ces enquêtes et sa valeur en tant qu’information sur des ensembles de personnes. Les articles discutent, sous différents angles, de la valeur de vérité des portraits ainsi produits, en soulignent les failles et proposent des voies d’amélioration. La réflexion critique débute par l’examen des caractéristiques qui servent à constituer les catégories linguistiques. Que fait-on réellement lorsque l’on privilégie une caractéristique en particulier, par exemple, la langue maternelle, et quelle information obtient-on sur le volet linguistique de l’identité d’une personne lorsqu’on la détermine d’après cette information ? Cette question occupe une place centrale dans l’article de Corbeil, qui montre, à partir des données sur la langue tirées du recensement canadien, l’importance qu’ont joué, au fil du temps, de nombreux chercheurs et chercheuses et de nombreux acteurs et actrices des milieux scientifique, politique ainsi que des médias dans la construction des groupes linguistiques et de leurs frontières. Comme le relate l’auteur, cette préoccupation pour l’appartenance linguistique des personnes (ou l’attribution d’une identité) s’est manifestée, au Canada, dès la mise sur pied de l’État confédéral en 1867 qui inclut alors deux « peuples » fondateurs distingués par leur langue ancestrale, soit les Canadiens d’origine française, d’une part, et les Canadiens d’origine britannique, écossaise et irlandaise, d’autre part. Dès 1901, il est considéré comme nécessaire de recenser les personnes de l’une et l’autre ascendance. La langue maternelle s’impose d’emblée comme la caractéristique la plus sûre pour dénombrer les personnes qui sont de langue maternelle française et anglaise, et combien parmi celles-ci parlent encore leur langue maternelle, et combien connaissent l’autre langue. Corbeil montre que, dès les débuts, une équivalence s’est établie entre les catégories linguistiques ainsi construites et les …

Appendices