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Introduction

L’expérience des jeunes pères est façonnée par plusieurs facteurs à la fois. Par conséquent, les politiques sociales les touchant de près ou de loin sont aussi diversifiées. Les programmes destinés aux jeunes parents chevauchent des politiques sociales concernant les jeunes et les parents, car ils font partie des deux groupes simultanément. Avant de devenir parents, ils sont plus nombreux que la population du même âge à avoir vécu dans la pauvreté et à avoir connu un milieu familial dans lequel ils ont été négligés ou ont subi des abus divers. Ils sont donc plus souvent à la fois des jeunes en difficulté qui deviennent parents.

Cela dit, il n’y a pas de politiques sociales spécifiquement destinées aux jeunes pères. Toutefois, différentes politiques s’adressant à plusieurs catégories de personnes les touchent : les politiques concernant les jeunes cumulant des facteurs de risque, les jeunes parents et l’engagement paternel. Nous débuterons avec une révision des politiques sociales destinées aux jeunes cumulant des facteurs de risque. Nous enchaînerons avec les politiques sociales conçues pour les jeunes parents. Également, nous décrirons les mesures sociales concernant l’engagement paternel.

À la lumière de l’étude de ces documents, nous verrons quelle place les politiques sociales réservent aux jeunes pères et dans quelles perspectives. Par la suite, nous verrons quelles actions sont préconisées et quelle place les programmes d'intervention font aux jeunes pères et dans quelles perspectives. Enfin, nous ferons état des enjeux liés aux politiques sociales concernant les jeunes pères.

Politiques sociales concernant le bien-être des jeunes cumulant des facteurs de risque

D’entrée de jeu, rappelons que la publication de la Politique de la santé et du bien-être (Ministère de la santé et des services sociaux, 1992) occupe une place centrale car elle indiquait l’orientation que l’État québécois entendait donner aux politiques sociales de l’avenir. Également, une des particularités de la Politique de la santé et du bien être du Québec était de mettre en avant-plan la pauvreté comme facteur de risque pour les jeunes: « La santé et le bien-être sont largement déterminés par le revenu, la scolarité, les conditions de logement et les chances d’accès au marché de l’emploi » (Gouvernement du Québec, p. 156). Ainsi, une perspective fondamentale de cette politique est l’explication de problèmes vécus par des familles et des enfants non seulement par des facteurs individuels, mais aussi sociaux, particulièrement la pauvreté, la précarité d’emploi et l’isolement social. Cet énoncé de principe sous-tendait alors les valeurs d’équité et de responsabilité sociale face aux conditions de vie des jeunes et inspire encore aujourd’hui les politiques sociales les concernant, en visant une amélioration des conditions de vie (Conseil de la famille et de l’enfance, 2002; Secrétariat à la jeunesse, 2001; Ministère de la famille et de l’enfance, 1999).

Concernant l’adaptation sociale des jeunes, la politique avait comme premier objectif de : « diminuer les cas d’abus sexuels, de violence et de négligence à l’endroit des enfants (…) » (Gouvernement du Québec, 1992, p. 32) et, comme deuxième objectif, de « réduire les troubles de comportement les plus graves chez les enfants, les adolescents et les adolescentes » (idem).

Selon le constat exposé dans le cadre de la Politique de la santé et du bien-être, la loi de la protection de la jeunesse avait porté fruit pour protéger les enfants, mais « les services de soutien offerts à la famille (mesures de répit, aide matérielle, conseils) se révèlent plus faibles » (p. 34). De plus, la prévention occupe peu de place concernant les enfants en difficulté. Surtout si l’on considère que dans « la moitié des familles où l’on intervient à la suite d’abus physiques ou de négligence grave, un enfant présentera plus tard des troubles de comportement ou des problèmes de délinquance» (p. 39).

Donc, afin d’éviter le placement des enfants et favoriser leur développement, on optait pour la prévention en ciblant les parents à risque, pour intervenir de façon précoce en tâchant de leur offrir plus de soutien, augmenter leur sentiment de compétence, d’estime de soi et de connaissances des besoins des enfants et favoriser le développement et le maintien du lien d’attachement parent-enfant. On voulait ainsi éviter le phénomène de reproduction intergénérationnelle de difficultés d’adaptation sociale causées par la maltraitance et la négligence envers les enfants. De fait :

Bien que la protection des enfants soit bien assurée, les services et soutien offerts à la famille (mesures de répit, aide matérielle, conseils) se révèlent plus faibles. Les interventions ont trop souvent pour effet de disqualifier la compétence des parents, de sorte qu’après un placement temporaire il devient difficile de réinsérer l’enfant dans sa famille.

Gouvernement du Québec, 1992; p. 34

Conséquemment, la Politique de la santé et du bien-être (1992) privilégiait la mise en place de trois types d’interventions. Premièrement, on annonçait des actions préventives telles que le soutien aux familles, plutôt que de recourir au placement, et un appui aux organisations issues des communautés. Dans cette catégorie d’interventions, on retrouvait aussi l’élaboration de stratégies sur la base de territoires plutôt que sur des familles ou des individus en particulier, pour éviter leur étiquetage et, enfin, d’augmenter les habiletés des parents.

Deuxièmement, on visait à revaloriser et mieux soutenir le rôle de parent. Pour y parvenir, on voulait:

Soutenir le développement et le maintien du lien d’attachement parent-enfant et des compétences parentales de façon intensive et précoce, durant la première année de vie, notamment par l’accompagnement prénatal et le répit post-natal et les programmes de stimulation infantile. [et faciliter] l’accès aux garderies, particulièrement en milieu défavorisé (…) plus largement, diminuer l’isolement, réduire le chômage et la dépendance sociale.

p. 36

Enfin, l’amélioration de l’efficacité des opérations de protection et de prise en charge était visée. Pour ce faire, on souhaitait une meilleure concertation entre les partenaires, la réorganisation des opérations quotidiennes, particulièrement le développement de supervision clinique. De plus, on était déterminé à intervenir de façon plus intensive au début du processus et ainsi éviter le recours au tribunal (Gouvernement du Québec, 1992).

On émet des orientations ministérielles concernant les jeunes et leur famille, Maintenant et pour l’avenir… La jeunesse (1992), qui reprend de façon plus détaillée et concrète les objectifs de la Politique de la santé et du bien-être et les conclusions de trois rapports (Groupe de travail pour les jeunes, 1991; Groupe de travail sur l’évaluation de la loi sur la protection de la jeunesse et de l’application de la loi sur les jeunes contrevenants, 1992; Groupe de travail sur l’application des mesures de protection de la jeunesse, 1991). Un guide de soutien à l’implantation de ces orientations est publié par la suite, illustrant des moyens à mettre en place et des balises d’évaluation (MSSS, 1995).

Près de dix ans après la publication de la Politique de la santé et du bien-être (1992), le Groupe d’experts en organisation clinique en matière de jeunesse (2001) fait le point. On constate qu’il existe peu d’expériences d’équipes de services intégrés issus d’acteurs à l’intérieur de mêmes secteurs géographiques. Les services demeurent cloisonnés. Également, on conclut que les services de première ligne destinés aux familles n’ont pas été suffisamment développés. Cet état de fait entraîne une plus grande utilisation des services de deuxième ligne : notamment, plus de jeunes sont placés en centre de réadaptation des centres jeunesse. De plus, l’accessibilité aux services de deuxième ligne est variable. Donc, le virage vers la prévention est à consolider pour en arriver à atteindre les objectifs de la Politique nationale.

La Stratégie d’action pour les jeunes en difficulté et leur famille (Ministère de la santé et des services sociaux, 2002) et le Plan d’action jeunesse (Secrétariat à la jeunesse, 2002) reprennent à nouveau ces enjeux en des termes différents. La nécessité de développer une cohésion, une meilleure intégration des différents acteurs devient la mise en place d’une «continuité des services». La prévention des difficultés d’adaptation chez les jeunes demeure un objectif. On y ajoute différents moyens pour améliorer les conditions de vie des jeunes, tels que la réinsertion socio-professionnelle et l’accès au logement.

En somme, les orientations font preuve d’une grande préoccupation pour la prévention des problèmes sociaux chez les jeunes, de même que le développement de services spécialisés, leur accessibilité, la cohésion entre les acteurs du milieu et la création d’initiatives locales. Toutefois, l’investissement financier et le mariage de ces approches représentent d’importants défis. Ces milieux d’intervention s’inscrivent dans des philosophies et des objectifs très différents. L’évolution des services auprès des jeunes le démontre bien avec les objectifs similaires qui reviennent dans les politiques sociales.

Politiques sociales concernant les jeunes parents

Dans cette partie, le terme « jeunes parents » est défini en fonction du Programme de soutien aux jeunes parents, dont l’accessibilité est définie en fonction de l’âge de la mère, fixé à 20 ans. Dans 54% des cas, les jeunes pères sont plus âgés que les jeunes mères. En outre, l’âge de 68% des pères d’enfants dont la mère a moins de 20 ans se situe entre 20 et 24 ans (Charbonneau et al., 1989). Donc, dans le présent article, on désigne, par jeunes pères, les adolescents et les jeunes hommes âgés de 25 ans ou moins et dont la compagne avec qui l’enfant est conçu a 20 ans ou moins.

Au début des années 1990, le Conseil permanent de la jeunesse soulignait les conditions difficiles dans lesquelles les jeunes parents vivent, particulièrement les jeunes mères (DeRome et al, 1990). Le Groupe de travail pour les jeunes allait également dans ce sens et recommandait «d’offrir des environnements et des services appropriés aux jeunes parents adolescents, plus spécifiquement en ce qui a trait à la poursuite de leurs études » (Groupe de travail pour les jeunes, 1991; p. 175).

Ces préoccupations se sont notamment concrétisées par l’implantation du programme Naître égaux-Grandir en santé dans dix territoires de CLSC, durant les années 1990. Ce programme vise d’abord les familles qui ont les plus grands besoins : faibles revenus et scolarité et une histoire familiale de grande pauvreté. Il s’articule en trois volets : la mise en place d’un groupe d’action intersectorielle pour faciliter le travail entre différents secteurs d’activités concernant les jeunes parents, l’accompagnement des familles vers les services et organismes appropriés et le suivi global par une intervenante privilégiée de CLSC (souvent une infirmière) avant et après la naissance du bébé. Suite à son évaluation, on a conclu à des résultats généralement positifs (Ouellet et al. 2000).

Les politiques sociales concernant spécifiquement les jeunes parents se sont développées à la suite d’un autre constat : les enfants de jeunes parents sont parmi les plus susceptibles de vivre des problèmes de santé et psychosociaux (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2002). En effet, « les auteurs de plusieurs recensions récentes s’entendent pour dire que, de toutes les clientèles à risque sur le plan psychosocial, les enfants de mères adolescentes sont parmi ceux ayant le pronostic développemental le moins favorable » (Tarabulsy, 1998, p. 8). De plus, les jeunes pères sont moins bien préparés que les jeunes mères pour assurer l’éducation de leurs enfants et commettent plus souvent des abus physiques (Bonneau et al., 2001 dans Ministère de la Santé et des services sociaux, 2002a).

Pour leur part, les services des CLSC priorisent notamment depuis plusieurs années l’aide aux familles et aux jeunes qui cumulent plusieurs facteurs de risque. Une perspective globale des problèmes est conservée, en considérant le milieu et les conditions de vie dans la compréhension de problèmes familiaux et individuels, et selon laquelle la prévention demeure un principe important (Association des CLSC et des CHSLD du Québec, 2001).

D’ailleurs, en juin 2000, le Ministère de la santé et des services sociaux annonçait que Naître égaux-Grandir en santé serait bonifié avec la création d’un nouveau programme destiné aux jeunes parents, qui vise à intensifier l’offre de services et augmenter son accessibilité, notamment en augmentant la fréquence des rencontres et de rendre ces services au domicile des jeunes parents (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2002a). Cette fois, l’orientation est plus systématique : on veut rejoindre toutes les mères de moins de 20 ans et offrir un suivi pour les enfants jusqu’à l’âge scolaire.

Ainsi, en 2002, est lancé le Programme de soutien aux jeunes parents (PSJP) (Ministère de la Santé et des Services sociaux, a). On vise donc, de la périnatalité jusqu’à l’âge de 5 ans, à donner le soutien nécessaire aux jeunes parents afin de :

Favoriser le développement global des enfants et prévenir et réduire les difficultés d’adaptation sociale et des retards dans le développement des enfants (p. 25) [et] (…) diminuer les situations de négligence et d’abus chez les enfants.

idem

Élaboré à partir du modèle écologique, le PSJP présente des objectifs généraux qui touchent plusieurs aspects de la vie et des besoins des jeunes parents (p. 25) :

  • Améliorer les conditions de vie des jeunes familles;

  • Améliorer l’accessibilité, la continuité et la coordination des services;

  • Améliorer l’intégration socioprofessionnelle (travail, école, réseau social) des parents;

  • Renforcer les compétences parentales;

  • Améliorer le développement global de l’enfant;

  • Améliorer les habitudes de vie des jeunes parents.

L’atteinte d’objectifs aussi larges nécessite la collaboration de milieux qui, habituellement, fonctionnent en parallèle sans avoir à se rencontrer. Par exemple, des protocoles de travail sont ou vont être établis entre les Centres locaux d’emploi, CLSC, Centres jeunesse, organismes communautaires, Carrefour-jeunesse-emploi. Une collaboration entre ces organisations est précieuse pour faciliter l’utilisation des différents services par les jeunes parents. En effet, en plus de présenter beaucoup de facteurs de vulnérabilité, « plusieurs jeunes, angoissés, mal informés ou intimidés ne connaissent pas ou n’utilisent pas les ressources capables de les aider dès le moment où ils apprennent la nouvelle de la grossesse » (Groupe de travail pour les jeunes, 1991; p. 175). Pour cette raison, l’arrimage des services de garde, de consultation, de dépannage, des programmes d’aide sociale et de formation à l’emploi « fait souvent la différence entre le bien-être et le malheur du parent et de l’enfant » (idem).

Comme plusieurs jeunes parents sont méfiants face aux intervenants, notamment parce qu’ils ont plus souvent eu affaire avec les services sociaux dans un contexte de protection, l’intervention nécessite l’établissement d’un lien de confiance entre la famille et l’intervenant (Goulet et al., 2001, dans Ministère de la santé et des services sociaux, 2002a). On met donc en priorité l’établissement de ce lien dans l’implantation du PSJP, dans la lignée du programme Naître égaux-Grandir en santé (Ouellet, René, Durand, Dufour et Garon, 2000).

Politiques sociales concernant l’engagement paternel

La notion d’engagement paternel apparaît dans les orientations gouvernementales avec le rapport du Groupe de travail pour les jeunes (1991). Le groupe concluait que :

On s’attriste, sans y réagir vigoureusement, de ce qu’un grand nombre de pères soient absents, qu’ils assument encore maladroitement leur rôle de parent, qu’ils remplissent peu ou mal leurs obligations dans les cas de séparation ou de divorce, qu’ils ne s’impliquent pas suffisamment dans la vie familiale, qu’ils puissent se montrer violents ou méprisants envers la mère de leur enfant ou qu’ils puissent un jour abuser de leur pouvoir envers leur fils ou leur fille. La création d’un lien d’attachement fort entre les hommes et leurs enfants dès la naissance est une condition indispensable à l’amélioration des relations entre pères et enfants.

p. 89

On recommandait au Ministère de la santé et des services sociaux de :

Mettre sur pied un important programme national de promotion du rôle paternel en s’adressant directement aux pères, mais aussi aux institutions, et en s’associant des partenaires du monde du travail et des groupes communautaires.

p. 90

Selon le groupe, les objectifs à atteindre (p. 90) étaient :

  • Explorer de nouveaux modes d’intervention favorisant le rapprochement père-nourrisson et père-enfant

  • Sensibiliser les hommes, les pères en particulier, à l’importance de leurs relations avec leurs enfants

  • Aider les hommes à s’impliquer davantage dans la vie de leur famille

  • Faciliter les liens d’attachement père-fils, père-fille

  • Créer un contexte où les hommes se sentiront à l’aise dans le rôle de parent affectueux, protecteur, conciliateur

Parmi les mesures proposées, qui couvrent un spectre très large, on retrouvait des idées concernant les valeurs à inculquer aux adolescents et aux hommes à l’école, dans les milieux de travail, dans les médias. Concernant les services, on identifiait la périnatalité comme étant une période favorable pour « convaincre » les hommes et enfin, l’importance de :

Revoir les us et coutumes en matière de contacts entre les services et la famille. À titre d’exemple, les services de garde, les services préscolaires et scolaires pourraient examiner leurs modes d’opération de façon à favoriser le contact avec les pères plutôt que de s’en remettre quasiment automatiquement et exclusivement aux mères.

p. 91

Également, le groupe de travail recommandait de « mettre en place des services d’accompagnement et de soutien parental durant la période s’étendant de la grossesse au vingt-quatrième mois suivant la naissance » (1991, p. 79). Cette recommandation visait, entre autres, à «encourager la formation de liens d’attachement entre la mère et son enfant et, explicitement, entre le père et son enfant » (idem).

Dans ce sillage, était élaborée la Politique Québécoise en périnatalité (1993) qui commençait à accorder une importance à la participation du père au bien-être de sa famille. Par le fait même, on croyait qu’il était pertinent de s’adresser aux pères. Notamment :

Les principales approches novatrices retenues sont celles qui, en 1993, s’inscrivent dans la poursuite des objectifs de diminution de problèmes prioritaires et d’amélioration du soutien bio-psychosocial des femmes enceintes, des mères, des pères et des bébés.

Ministère de la santé et des services sociaux, p. 58

Par la suite, parmi Les priorité nationales de santé publique 1997 à 2002, figurait l’objectif suivant: « Que les programmes dans les domaines de la périnatalité et de la petite enfance incluent systématiquement un volet sur la valorisation du rôle des pères et sur l’engagement de ceux-ci » (Ministère de la santé et des services sociaux, 1997 p. 39). Pour atteindre cet objectif, on prévoyait « concevoir, aux niveaux national, régional et local, des interventions pour favoriser la valorisation du rôle des pères et l’engagement de ceux-ci » (p. 41).

Entre-temps, le PSJP est élaboré et, concernant les jeunes pères, on débouche sur un constat semblable à celui que le Groupe de travail pour les jeunes (1991) avait énoncé dix ans auparavant :

Les différentes mesures mises en place au cours des années visent presque exclusivement les mères. Les services et les organismes qui se consacrent à la famille sont encore peu adaptés aux besoins des pères, malgré le fait que plusieurs recherches montrent que l’engagement paternel a de nombreux effets positifs sur le développement de l’enfant.

Ministère de la santé et des services sociaux, 2002a; p. 19

Toutefois, en 2002, on apprend que le Ministère de la santé et des services sociaux a décidé de ne pas recueillir de données concernant la valorisation du père, à la suite des mesures précédentes. Par contre, des travaux sont en cours pour « définir avec plus de précision la problématique de la valorisation du père et pour mieux connaître les caractéristiques de la population à cibler par l’intervention » (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2002b; p. 23). Pourtant, le Programme national de santé publique 2003-2012 (2003) ne fait pas état du support de l’engagement paternel, ni même d’enjeux ou de services concernant les pères. On fait davantage état des mères présentant des facteurs de risque.

Le PSJP est maintenant fondu dans le nouveau programme, les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité (SIPPE). Comme nous allons voir dans la prochaine partie, le résumé du cadre de ce programme inclut les jeunes pères de façon claire dans les populations à rejoindre (2004).

Quelle place les politiques sociales concernant la famille font-elles aux jeunes pères et dans quelles perspectives?

Les politiques sociales font tranquillement une place à la question de la paternité, dont la paternité chez les jeunes hommes, tel qu’en témoigne le PSJP (Ministère de la santé et de services sociaux, 2002a). Également, le résumé du cadre de référence des SIPPE (Ministère de la santé et de services sociaux, 2004) va plus loin en incluant certains énoncés concernant l’intégration des jeunes pères aux services.

L’intervenante privilégiée doit demeurer attentive à la place du père au sein de la famille et encourager celui-ci à y prendre une part active. Elle doit aussi veiller à établir une relation tout aussi significative avec le père qu’avec la mère. Il est également important qu’elle s’intéresse à la façon dont les parents coopèrent pour s’occuper de l’enfant et qu’elle encourage chacun à lui prodiguer les soins. (…) Elle peut s’adresser directement à celui-ci, l’encourager à être présent à l’accouchement, l’amener à s’occuper de l’aménagement de la maison en vue d’accueillir l’enfant, mettre l’accent sur l’établissement de lien père-enfant ou encourager le père à faire des activités avec l’enfant.

p.18

Toutefois, le phénomène de la paternité chez les jeunes hommes demeure méconnu et souvent abordé superficiellement. À la lecture des documents précédemment cités, nous constatons que les mesures auprès des pères sont encore généralement peu abordées dans les politiques sociales. Dans la plupart des documents, les politiques sociales se présentent comme étant destinées aux jeunes parents, mais lorsqu’on précise l’offre de service, on nomme souvent presque exclusivement le soutien à la jeune mère. En effet, les préoccupations et les actions suggérées concernent beaucoup plus souvent les jeunes mères.

Également, la place réservée aux pères dans les politiques sociales vise d’abord à favoriser le bien-être des enfants et des mères, mais encore là, on semble considérer sa présence comme un surplus que l’on souhaite bien réaliser, mais qui n’est pas prioritaire. Ainsi, la place des pères semble fragile dans les politiques sociales. L’absence de cet enjeu dans le Programme national de santé publique 2003-2012 (2004) illustre cette tendance.

Enfin, les attentes entretenues face aux jeunes pères dans les politiques sociales sont à préciser. Or, la plupart des jeunes pères auxquels s’adressent les politiques sociales ne sont pas en mesure de remplir adéquatement un rôle de pourvoyeur, étant eux-mêmes sans emploi, ou occupant un emploi précaire et peu rémunérateur. Devant eux-mêmes dépendre plus souvent de l’assistance sociale, ils ne sont pas toujours d’un grand secours pour la jeune mère pour assurer les frais de subsistance. Cependant, ils ne sont pas plus préparés pour s’acquitter du rôle affectif qu’on semble aussi vouloir leur confier. Le jeune père risque donc d’échouer sur les deux tableaux, tant dans le rôle traditionnel de père que dans le nouveau. Il s’agit donc de deux perspectives difficiles à réconcilier à l’intérieur de politiques sociales.

Quelle place les programmes d'intervention font-ils aux jeunes pères?

Bien qu’ils apparaissent dans des orientations générales, les jeunes pères demeurent difficiles à inclure dans les programmes. À titre d’exemple, lors d’un sondage destiné aux divers intervenants dans le cadre de l’implantation du PSJP, on s’est informé au sujet des besoins de formation des intervenants concernant l’intervention auprès des jeunes parents (Ministère de la santé et des services sociaux, 2002c). Toutefois, les questions portaient presque exclusivement sur les jeunes mères concernant : la santé mentale et l’engagement maternel, l’estime de soi chez la mère, les principaux problèmes des mères en difficultés, l’intervention auprès de mères en difficultés, la violence conjugale et la mère, l’attachement de la jeune mère à son enfant, approche avec la famille de la mère, fonction symbolique du bébé chez une délinquante, recrutement des jeunes mères et maintien de leur participation dans le programme, conflit et rivalités de jeunes mères avec leurs parents, départage des rôles entre la grand-mère et la mère dans le réseau social.

Bref, tous ces aspects de l’engagement paternel, bien que cruciaux, sont manquants. Bien sûr, l’aspect de la santé est important pour la mère et l’enfant et il est essentiel qu’on s’y attarde. Toutefois, le jeune père ne figure pas parmi les thèmes qui touchent l’intervention sociale auprès de lui pour favoriser son engagement. Il en va de même pour certains des cahiers d’accompagnement fournis par le Ministère de la santé et des services sociaux (2002d). Malgré des bonnes intentions en ajoutant un jeune père sur les pages couvertures et l’intégrant à certains thèmes, plusieurs parties ne concernent que la jeune mère. Cette orientation politique semble reproduire une tendance qui fait que « les pères ont rarement une part active dans la prise de décision de garder l’enfant et on leur demande rarement de prendre leurs responsabilités » (Ministère de la santé et des services sociaux, 2002a; p. 13).

Les principes et objectifs indiqués dans le document gouvernemental risquent de ne pas se retrouver dans la pratique car il semble que plus on s’approche du terrain, moins les objectifs généraux des politiques sociales sont perceptibles. Il s’agit peut-être d’un manque d’intérêt ou d’omission qui, d’ailleurs, caractérise les politiques sociales, les services et les pratiques qui en découlent. Parfois, on ne s’intéresse pas aux jeunes pères, parfois on les mentionne, mais on les oublie souvent dans la pratique. Il faut aussi dire que les intervenantes débordées en ont beaucoup sur les bras et il peut-être difficile, mais si nécessaire, de faire un effort supplémentaire pour inclure le père, qui en plus d’être difficile à rejoindre, est moins enclin à établir un lien avec le personnel d’un établissement public qui dispense des services sociaux et de santé (Deslauriers et Rondeau, 2004). Tant dans les programmes d’intervention que dans la pratique professionnelle, il y a souvent un écart entre des objectifs incluant les jeunes pères et des pratiques orientées presque exclusivement vers les jeunes mères comme on l’a déjà constaté (McKinnon, Davies et Rains, 2001). Dans le cas du PSJP, maintenant inclus dans les SIPPE, l’encadrement des services à rendre ne s’adresse qu’aux mères. La consigne est claire et formelle : les mères doivent être vues par une intervenante pendant 60 à 90 minutes la rencontre, à toutes les 2 semaines à partir de la 12ème semaine de grossesse. Après l’arrivée de l’enfant, de 0 à 6 semaines de vie, la mère sera rencontrée à toutes les semaines. Alors que l’enfant est âgé de 7 semaines à 12 mois, les visites auront lieu aux 2 semaines, puis à chaque mois jusqu’à ce que l’enfant soit âgé de 5 ans.

Aucune indication précise n’est donnée concernant les jeunes pères, les services à leur endroit demeurent plutôt un principe relativement lointain. Alors, la tendance naturelle des choses fait en sorte que les pères sont peu rencontrés et qu’on ne les voit plus à la suite d’une séparation, car le lien avec les services sociaux et de santé a été peu développé.

Pour l’instant, les rares interventions tentées auprès des jeunes pères prennent surtout la forme de programmes d’employabilité. Cette approche est intéressante puisque les jeunes pères, adhérant plus souvent aux stéréotypes traditionnels masculins (Deslauriers et Rondeau, 2004), sont plus attirés par des types de services axés sur l’action plutôt que sur la discussion ou la réflexion. Également, le sentiment de réussite sur le plan du travail et l’augmentation du revenu peuvent favoriser le sentiment de compétence chez le jeune père (Turcotte et al., 2001).

Cependant, on doute de l’aide réelle qu’offrent des programmes d’employabilité, à cause des salaires très bas qu’ils prévoient pour les jeunes hommes, supports de famille.

Une telle intervention démontre bien le peu de lien que l’on fait entre les actions et les incidences sociales, puisque le père se retrouve comme soutien de famille avec une maigre pitance de 7$-8$/heure excluant le recours aux prestations de la sécurité du revenu. S’est-on demandé si la famille était véritablement aidée? En tant que société, ne mettons-nous pas une pression énorme sur le jeune père qui risque encore une fois de démissionner faute de moyens? N’y aurait-il pas lieu ici de faire pression sur les politiques plutôt que de jouer la carte de l’intervention individuelle?

Laurin et Stuart, 2003; p. 219

Il sera donc important d’évaluer ce type de mesure (Devault et al., 2003). D’ailleurs, l’ensemble des mesures de soutien aux jeunes hommes dans l’exercice de leur paternité reste donc à être mis en place. Et dans le cas où des essais sont réalisés, la réussite des interventions destinées aux jeunes pères relève davantage de l’initiative locale que d’une préoccupation issue de politiques sociales. En effet, l’atteinte de cet objectif requiert un engagement important au niveau régional et au niveau de l’administration des organisations (Allard, 2000), puisque ces initiatives sont encore fragiles.

Néanmoins, le Programme de soutien aux jeunes parents et les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité constituent une nouveauté par l’énoncé de principes sur l’importance d’intégrer les jeunes pères à l’analyse des besoins des jeunes parents et à la conception des services à leur endroit.

Somme toute, il revient à l’intervenante d’insister sur la nécessaire participation des pères aux tâches découlant de la présence du bébé, de souligner les actions qu’ils font pour la famille et de consolider leur rôle au sein de la famille.

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Maintenant qu’on en fait mention dans un programme d’une telle ampleur et d’une telle importance, la préoccupation devrait se maintenir dans les mesures sociales futures.

Enjeux liés aux politiques sociales concernant les jeunes pères

La pauvreté des jeunes mères seules et de leurs enfants constitue un enjeu important. D’ailleurs, l’ensemble des politiques sociales que nous avons étudiées concernant la famille traite d’une façon ou d’une autre de la pauvreté des enfants, résultant de celle du ou des parents. De plus, « les cas retenus par les Directions de la protection de la jeunesse sont de six à sept fois plus nombreux dans les milieux défavorisés (…)» (Gouvernement du Québec, 1992; p. 33). Or, les jeunes parents vivent plus souvent dans la pauvreté (Groupe de travail pour les jeunes, 1991) et leurs enfants sont surreprésentés parmi les signalements aux Centres jeunesse (Ministère de la santé et des services sociaux, 2002a).

On cherche à compenser pour les difficultés que les jeunes mères vivent pour que leurs enfants puissent grandir dans de bonnes conditions. Or, on réalise que la présence ou l’absence des pères peut avoir un effet favorable sur les conditions économiques, mais aussi psychosociales des mères et de leurs enfants (Turcotte et al., 2001).

Toutefois, on a constaté que les jeunes pères sont désavantagés sur le plan financier (Marsiglio, 1995), alors que les moyens économiques constituent un facteur de l’engagement paternel (Turcotte et al., 2001). Ce fait soulève un dilemme dans l’élaboration de politiques sociales pour supporter les jeunes pères. On se demande si, durant les premières années de vie de l’enfant, on devrait offrir aux pères des possibilités de travail ou un support financier direct (Marsiglio, 1995) et ce, en évitant d’instaurer un contrôle social sur des jeunes pères qu’on estime « à risque ».

D’une façon ou d’une autre, ce soutien est nécessaire, non seulement pour le père, mais pour le bien-être de la mère et de l’enfant. D’ailleurs, le fait que le jeune père soit souvent écarté envoie le message au père qu’il n’a pas à assumer son rôle et à la mère qu’elle est la principale responsable du bien-être de l’enfant, avec toutes les obligations qui en découlent. Il s’agit là d’un effet pervers possible de l’aide apportée aux jeunes mères, qui a pourtant comme objectif de leur donner plus de liberté de choix et davantage de prise sur leur vie mais qui, en négligeant les pères, réduit leur marge de manoeuvre, voire leur bien-être. Également, malgré une recommandation à cet effet (Groupe de travail pour les jeunes, 1991), la cohabitation avec le jeune père amène une diminution importante, voire l’annulation de la prestation d’aide sociale de la jeune mère. De jeunes parents font alors le calcul qu’il est préférable de ne pas cohabiter, de le faire de façon clandestine ou carrément de ne pas inscrire le nom du père à la naissance de l’enfant, ce qui n’aide en rien l’engagement des jeunes pères dans la vie de la famille.

Cet état de fait se retrouve dans l’orientation du Programme de soutien aux jeunes parents et les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité. L’intervention sur les conditions de vie en plus de services déjà existant en périnatalité et durant la petite enfance soulève un enjeu de taille : celui de l’arrimage interministériel de politiques et de la mise en place de programme en inter-établissement pour établir des politiques sociales afin de mettre en oeuvre de véritables mesures de support et d’intégration socio-économique susceptibles de toucher les jeunes parents, dont les pères. Comme la majorité des jeunes parents vivent dans la pauvreté, ils sont nombreux à recourir aux mesures qui constituent le filet social. Donc, on parle de mesures d’employabilité, de support aux études, de structures scolaires adaptées, de soutien financier à la famille, de services de garde, de transport, de logement, d’accompagnement.

Un autre enjeu se dégage des politiques sociales et des documents d’orientation des services : on appuie les jeunes mères et on responsabilise les jeunes pères. Effectivement, quand on parle des pères, c’est souvent dans une perspective de responsabilité face à des problèmes plutôt que de support à leur endroit. Les mots-clé utilisés concernant les jeunes mères et pères sont différents : pour la jeune mère, on parle plus de soutien dans son rôle auprès de son enfant. Quand on mentionne le père, c’est plus souvent dans une optique de prévention d’abus, de devoir face à son rôle.

Pourtant, l’analyse de l’expérience des jeunes mères tient compte du facteur de la pauvreté dans leurs difficultés à remplir correctement leur rôle, ce qui sous-tend une responsabilité collective du problème, puisqu’elles ont peu de prise sur leurs conditions de vie. Les politiques sociales concernant les pères, dont les jeunes pères, font une place à l’engagement paternel en le présentant comme un choix individuel. Cette façon de promouvoir la paternité, bien que fort louable, sous-tend que, contrairement à la mère, il s’agit d’une responsabilité exclusivement individuelle. En effet, les difficultés vécues par les jeunes pères sont plus souvent expliquées par des causes individuelles, leur remettant l’entière responsabilité du problème. Donc, dans cette logique, si un jeune père se désengage, on peut vite conclure qu’il n’est tout simplement pas intéressé au sort de son enfant.

Pourtant, l’engagement paternel n’est pas seulement tributaire de caractéristiques personnelles (Turcotte et al., 2001). De plus, le bien-être et les caractéristiques personnelles des pères et des gens en général, notamment les habiletés sociales, le sentiment de compétence et l’estime de soi ne sont pas seulement une affaire de choix individuel. Le bien-être psychologique est également le résultat d’une interrelation entre l’individu, son milieu et la société. Or, les résultats de différentes recherches tendent à démontrer l’association entre le haut niveau de symptômes rattachés à la détresse psychologique des individus et les difficultés économiques (Robichaud, et al., 1994). Des liens troublants sont établis entre ces difficultés et des problématiques plus souvent perçues comme un problème individuel.

L’enjeu ici est de doser l’analyse entre le pouvoir qu’un individu a sur sa vie, mais aussi sur les limites de ce pouvoir, pour comprendre la réalité des jeunes mères et des jeunes pères. On explique les difficultés de jeunes mères à bien jouer leur rôle par des facteurs socio-économiques, sans les déresponsabiliser pour autant. Serait-il possible d’en faire autant pour les jeunes pères, en essayant de comprendre sans les déresponsabiliser ?

Il nous faut désormais dépasser le constat fataliste du manque d’implication des jeunes pères. On fait très peu pour eux, comme si leur abandon n’était pas aussi le signe d’un profond malaise et, pour certains, d’une grande culpabilité. Le Ministère pourrait encourager à cet égard la mise sur pied de projets visant à impliquer les jeunes pères et à leur faire découvrir des rôles valorisants à travers cette expérience.

Groupe de travail pour les jeunes, 1991; p. 175

La réflexion sur l’engagement paternel de jeunes pères exige un repositionnement important. On doit comprendre que cet engagement des jeunes hommes face à leur enfant est une responsabilité collective et non seulement individuelle, comme on le fait pour les jeunes mères dont on comprend le besoin de soutien.

Conclusion

La prévention de la reproduction intergénérationnelle des difficultés d’adaptation sociale constitue la toile de fond des orientations des politiques destinées aux familles en difficulté et aux jeunes, dont les jeunes parents, qui figurent parmi les populations vulnérables. Effectivement, la prévention du placement et le développement adéquat des enfants font partie des prémisses de base des politiques destinées aux parents en situation de grande vulnérabilité (Ministère de la Santé et des Services sociaux, Ministère de la Justice, Ministère de la Sécurité publique, Ministère de l’éducation, Ministère de la famille et de l’enfance, 2001; Gouvernement du Québec, 1992).

Il est étonnant que des documents qui présentent une analyse aussi détaillée de la problématique et une vision des services aussi large n’abordent presque pas les enjeux concernant les jeunes pères. Si on ne s’intéresse pas beaucoup aux jeunes pères, on pourrait à tout le moins s’intéresser à l’effet de leur présence ou de leur absence sur l’enfant et la mère. Il semble qu’on ne fasse pas encore le lien entre l’engagement paternel et un plus grand bien-être de la mère et de l’enfant.

Comme pour les politiques sociales concernant la violence conjugale, qui se sont développées d’abord par l’aide aux femmes, les services aux jeunes parents s’adressent d’abord aux jeunes mères. On a répondu de façon prioritaire à l’urgence en répondant aux besoins des femmes, mais sans offrir de services aux hommes, plutôt considérés comme porteurs du problème. Cette tendance est perceptible dans les services aux parents vulnérables : pour la mère, on parle généralement de soutien dans son rôle auprès de son enfant; pour le père, on veut prévenir l’abus et l’amener à remplir son devoir face à son rôle. Dans le même esprit, l’aide aux mères est clairement présentée comme une responsabilité collective, alors que l’exercice de la paternité par le jeune père semble ne relever que de lui.

Néanmoins, nous observons une progression de la place faite aux pères, d’abord timidement au début des années 1990, puis plus affirmée au début des années 2000. À cet effet, le Programme de soutien aux jeunes parents et les Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité marquent un changement de rationnel par rapport aux jeunes pères. Le document officiel en fait mention et on inscrit une volonté de les aider à jouer leur rôle parental. Il reste toutefois à encadrer les services aux jeunes pères de façon aussi claire qu’on le fait pour les jeunes mères, afin de passer d’un énoncé de principe à une aide réelle.

Enfin, nous constatons que les services aux jeunes parents, dont les jeunes pères, ne peuvent être mis en place que dans un État qui prévoit un filet de sécurité sociale qui couvre plusieurs de leurs besoins. En effet, pour être efficace, un programme pour les parents vulnérables doit agir sur les conditions de vie comme sur les besoins spécifiques des membres d’une famille.

Cette approche présuppose la mise en place de mesures pour échapper à la pauvreté, de dépannage, de support aux études, de soutien financier, de services psychosociaux et de santé, ce qui n’est possible que dans une société dans laquelle on fait du bien-être des enfants et des parents une responsabilité non seulement individuelle, mais aussi collective. À cet, effet, il serait intéressant d’étudier les effets combinés des politiques sociales fédérales et québécoise pour en arriver à un portrait complet.