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Lorsque la question des émissions de gaz à effet de serre (ges) de l’aviation internationale est venue en débat devant l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (plus connu sous l’acronyme anglais sbsta)[2], au sein de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ccnucc), les États parties n’ont pu s’accorder sur les règles d’attribution de ces émissions (Romera et Van Asselt 2015 : 263). En 1997, la cop de Kyoto a décidé de confier à l’Organisation de l’aviation civile (oaci) (voir encadré) la responsabilité de mettre au point un mécanisme de réduction des ges dans ce secteur[3] – un choix qui n’a jamais été remis en question y compris dans l’accord de Paris de décembre 2015. La part de l’aérien dans les émissions globales de co2 reste modeste (entre 2 et 5 %)[4], mais ces émissions croissent de 5 % par an, de façon plus rapide que dans les autres secteurs. Entre 1990 et 2010, ces émissions ont crû d’environ 80 % au lieu de 40 % pour le reste de l’économie (Bows-Larkin 2014). Dans le pire des scénarios, le trafic aérien mondial (donc les émissions) pourrait croître de 515 % entre 2000 et 2050, bien que l’estimation la plus courante soit + 220 % (Gudmundsson et Anger 2012).

En 1998, l’Assemblée de l’oaci approuvait le principe d’une participation de l’aérien à un futur marché de carbone comme prévu par le protocole de Kyoto, mais renvoyait le sujet à des études techniques. Par ailleurs, afin de respecter ses engagements au titre du protocole de Kyoto, l’Union européenne (ue) adopta en 2003 une directive créant un marché européen des droits d’émission de co2emission trading system (ets) –, effectif en 2005. En l’absence de progrès tangibles à l’oaci sur l’élaboration d’un mécanisme de marché – market-based mechanism (mbm) – et pour donner l’exemple[5], l’ue prit l’initiative, lors d’une révision de la directive ets le 19 novembre 2008[6], d’y intégrer l’aviation internationale pour tous les vols touchant le territoire européen.

Cette législation a suscité aussitôt un tollé de protestations chez la grande majorité des États membres de l’oaci, encore accentué après l’entrée en vigueur de la directive en janvier 2010. Attaquée en décembre 2009 devant la Haute Cour de Londres par des compagnies aériennes américaines et suite au renvoi de l’affaire devant la Cour de justice de l’ue (cjue) pour une décision préjudicielle, la directive 2008/101/ce fut déclarée conforme au droit aérien international et à l’accord « ciel ouvert » entre les États-Unis et l’ue par la cjue, le 21 décembre 2011 (arrêt C-366/10), confortant ainsi l’ue dans son intransigeance. Entretemps s’est constituée une coalition de pays mécontents rassemblant les États-Unis, la Chine, la Russie et les pays en voie de développement (pvd), qui s’est réunie à Moscou en février, puis à Washington en juillet 2012. L’Inde et la Russie ont pris des mesures de représailles contre les compagnies européennes tandis que la Chine a annoncé au Groupe Airbus, dès juin 2011, la suspension de commandes d’avions long-courriers. Après la lettre de la secrétaire d’État américaine en décembre 2011, menaçant la Commission européenne de sanctions, le président Obama promulgua le 27 novembre 2012 une loi bipartisane impulsée par le Congrès des États-Unis qui dispensait les compagnies américaines de l’application de la directive européenne. Face à cette pression tous azimuts et notamment au risque de guerre commerciale avec la Chine, l’ue a suspendu l’application de sa directive pour un an et une négociation s’est engagée, fin 2012, pour rechercher un compromis en vue de l’Assemblée de 2013.

Cependant, la 38e Assemblée de l’oaci a condamné sans équivoque le dispositif européen en octobre 2013, et l’ue a été contrainte d’exclure de l’application de sa directive les vols extraeuropéens jusqu’au 1er janvier 2017, grâce à un amendement adopté le 3 avril 2014. Néanmoins, la résolution adoptée par la 38e Assemblée contenait plusieurs avancées, en particulier l’adoption d’un objectif de croissance neutre en carbone du secteur aérien à l’horizon 2020 (cng2020) et la mission confiée au Conseil de l’oaci de définir les modalités d’un mbm s’appliquant à tous les pays. Un processus de négociation fut engagé au Conseil en décembre 2013 afin de définir ce dispositif, à adopter formellement par la 39e Assemblée en 2016.

Certes, il convient de relativiser la notion de « crise » mobilisée par les acteurs[7], s’agissant d’un des concepts les plus imprécis en politique internationale. Le conflit qui s’est construit depuis 2007 au sujet de l’ets européen n’a pas empêché l’oaci de fonctionner, même au pire moment de tension entre pays membres entre novembre 2011 et octobre 2013. Dans des domaines plus classiques de son activité, telles la sûreté ou la sécurité aériennes, la coopération n’a nullement été entravée pendant la période considérée. Par ailleurs, au paroxysme de la tension sur l’ets européen, le Comité de la protection de l’environnement en aviation (caep) a continué à discuter de l’adoption d’un standard sur les émissions de co2 des avions, également destiné à lutter contre le réchauffement de l’atmosphère… Enfin, l’oaci est parvenue – provisoirement ? – à surmonter un conflit qui apparaissait insoluble à l’hiver 2013 et s’est engagée dans une dynamique plus positive, en vue de l’Assemblée de 2016, où les États membres doivent participer à la mise en place d’un dispositif global de mbm. La « crise », vécue comme un véritable traumatisme par le milieu de l’aviation civile internationale, aura été aussi un moteur de changement pour ce système organisationnel (Nay et Petiteville 2011).

Pour expliquer l’intensité de ce conflit politique autour de la directive européenne et suivant l’exemple de Graham T. Allison dans sa célèbre étude de la crise des missiles de Cuba (Allison 1971), nous examinerons successivement trois cadres explicatifs se rattachant à trois grands courants théoriques des Relations internationales, pour en éprouver la pertinence.

Le premier cadre est l’évolution des rapports de force entre les États et le poids de la puissance hégémonique des États-Unis à l’oaci. Celle-ci y est perçue comme une arène d’affrontement des États, conformément à la théorie classique des relations internationales ; le conflit sur l’ets aérien y est interprété comme un affrontement entre deux coalitions d’États dont l’ue serait sortie vaincue.

Deuxième cadre : la confrontation des visions du monde et systèmes normatifs, entre l’ue d’une part et le monde de l’aviation internationale d’autre part ; soit une interprétation inspirée de l’approche constructiviste (Barnett et Finnemore 1999).

Troisième cadre : l’influence déterminante de l’industrie du secteur aérien dans la formation d’une coalition contre l’ets européen, comme dans la promotion d’un mécanisme de marché alternatif ; soit une perspective d’économie politique critique (Fuchs 2007), qui s’inscrit également dans une littérature émergente sur la place des acteurs privés dans la gouvernance globale (Cutler et al. 1999 ; Pattberg 2007 ; Falkner 2008 ; Orsini 2010 ; Green 2014 ; Guilbaud 2015).

Bien que leurs fondements épistémologiques soient partiellement contradictoires, ces différentes lectures de la crise de l’ets aérien ne sont pas incompatibles en ce qu’elles fournissent chacune un éclairage partiel du réel ; elles ont cependant un degré de validité inégal sur lequel nous reviendrons en conclusion.

I – Jeux de puissance aux dépens de l’ue

Pour certains observateurs, cette crise est une manifestation de la perte de rang de l’ue sur la scène internationale, d’une érosion de sa puissance, y compris « soft » ou normative (Laïdi 2005, 2013), dans le jeu à somme nulle des négociations internationales – vision réaliste classique (Vihma et van Asselt 2014). Leader autoproclamé des négociations sur le changement climatique, de Kyoto à Copenhague (Schreurs et Tiberghien 2007 ; Vogler et Stephan 2007 ; Groen, Niemann et Oberthür 2012), l’ue aurait cherché à exporter sa politique dans le domaine aérien ; or la résolution oaci de 2013 a été perçue comme une défaite politique cinglante pour Bruxelles, une performance assez pathétique en termes de réalisation des objectifs fixés (Shahin, Oberthür et Jørgensen 2013).

A — Une lecture erronée des rapports de force

Beaucoup de membres du Conseil et de délégués de pays tiers à la 38e Assemblée ont perçu la position de l’ue comme arrogante[8] : comment une organisation économique régionale, elle-même non-partie à la Convention de Chicago, pouvait-elle prétendre imposer sa législation aux autres pays ? Seuls les États membres de l’ue sont membres de l’oaci. Beaucoup de pays tiers jugent donc illégitime l’intervention de la Commission de Bruxelles dans leurs affaires[9]. Avant même sa publication fin 2006, le projet de directive avait soulevé de vives oppositions à la réunion du Conseil oaci des 24-27 novembre 2006 : comme le rapporta alors un diplomate français[10], en cas de vote, les membres de l’ue auraient été totalement isolés. Cette hostilité fut confirmée par la résolution 22-L de la 36e Assemblée, en octobre 2007, qui autorisait les membres d’une organisation économique régionale – façon indirecte de désigner l’ue – à mettre en oeuvre un mbm, mais seulement pour leurs opérateurs et « enjoignait les États parties à ne pas appliquer un tel mécanisme aux opérateurs d’autres États parties sauf sur la base d’un accord mutuel ». Si en 2010 la résolution 19 de la 37e Assemblée adoptait une position apparemment plus conciliante[11] – soumettant l’application de la directive à des négociations bilatérales entre l’ue et les pays tiers –, l’entrée en vigueur de la directive conduisit le Conseil à voter, le 2 novembre 2011, une résolution exigeant que l’ue exclue de son dispositif les compagnies des pays tiers et réaffirmant la compétence première de l’oaci sur cette question. On le voit, la position majoritaire à l’oaci et le rapport des forces ne font guère de doute depuis que la législation européenne y fait débat.

Pour certains observateurs, la défaite de l’ue renvoie à une attitude plus générale des pvd à l’égard des Occidentaux, un désir de « véritable revanche »[12] se manifestant également dans d’autres arènes internationales. De fait, le recours à un triple vote sur l’amendement déposé par la Russie et soutenu par les brics en Comité exécutif[13], procédure régulière, mais très inhabituelle à l’Assemblée de l’oaci, laquelle entérine habituellement les textes finalisés par le Conseil, attestait d’une volonté de traiter l’ue sans ménagement. Les applaudissements de la salle quand l’ue a été mise en minorité soulignaient de façon spectaculaire son isolement diplomatique. L’amendement adopté restreignait tout dispositif régional de mbm aux vols entre pays consentants et en faisant de l’accord mutuel[14] avec les pays tiers une règle absolue (en retrait donc par rapport à la résolution adoptée en 2010).

D’ailleurs les signes sont nombreux d’une plus grande affirmation des pays émergents dans les débats à l’oaci, telles leurs tentatives répétées de renvoyer la question du changement climatique à l’enceinte de la ccnucc, où, pensent-ils, le principe de responsabilité commune mais différenciée (rcmd), leur donnerait un avantage décisif. De même, la Russie, l’Inde et la Chine étaient les adversaires les plus acharnés de la directive européenne de 2008. Dans cette interprétation, accepter le compromis inspiré par les États-Unis lors de la réunion du Groupe de haut niveau à l’hiver 2013[15], soit une restriction de l’ets à l’espace aérien régional, n’aurait pas dissuadé les brics d’infliger un camouflet à l’ue[16]. D’autant plus que la Chine et l’Inde ne pouvaient entériner un dispositif où leurs compagnies subiraient les mêmes contraintes que celles de l’ocde, ce qui aurait constitué de leur point de vue un précédent fâcheux pour les négociations à venir de la Cop21.

B — Le jeu ambigu de Washington

Pour d’autres témoins[17], les brics ont été poussés en avant par des États-Unis soucieux de soustraire leurs compagnies[18] aux charges financières induites par l’ets européen et désireux de ne pas légitimer un dispositif inspiré par le « cap and trade » de Kyoto, désormais un repoussoir pour le Congrès des États-Unis. Le gouvernement américain aurait organisé la « coalition of the unwilling », selon l’expression en vogue à Bruxelles, tout en négociant parallèlement avec la dg Climat de l’ue pour donner le change, promouvant l’option de l’espace aérien régional dont les Américains savaient pertinemment qu’elle était inacceptable pour les Brics. Dès l’été 2013 cependant, les négociateurs américains avaient indiqué à leurs homologues européens que l’adoption d’un cadre pour les mbm régionaux était un problème européen et non le leur. Quand des représentants européens au Conseil firent au groupe africain une promesse d’exemption de leurs compagnies du futur mécanisme global – le de minimis de 1 %[19] – en échange d’un soutien à l’ets européen, le représentant américain refusa tout net. Pour Washington, il s’agirait d’une distorsion de concurrence expressément interdite par la Convention de Chicago et une concession au principe de rcmd consacré par la ccnucc de 1992. La recherche d’un compromis entre les deux positions – avec un de minimis réduit de moitié et rapidement dégressif – aliéna aux Européens à la fois le soutien africain et celui de Washington, qui s’abstint dans les fameux votes du Comité exécutif. Beaucoup de représentants européens l’ont vécu comme une trahison.

En réalité, la position des États-Unis n’a pas évolué depuis un « non-paper » diffusé par sa représentation à l’oaci et daté du 22 novembre 2006, dans lequel le gouvernement américain rejetait la prétention de l’ue à imposer unilatéralement l’ets à des opérateurs non européens et menaçait Bruxelles d’un recours à l’article 84 de la Convention de Chicago, invoquant le précédent des hush kits. Ce dispositif de réduction du bruit équipant les avions Boeing des compagnies américaines n’était pas conforme au Règlement ce/925/1999 sur la réduction du bruit adopté par l’ue. Le 14 mars 2000, le gouvernement américain demanda au Conseil oaci de condamner ledit règlement. Les états européens soulevèrent en vain une exception d’irrecevabilité et le 16 novembre 2000, le Conseil se déclara compétent et invita fermement les parties à reprendre la négociation. Sous la menace d’une probable condamnation par le Conseil siégeant en formation d’arbitrage (les membres impliqués dans le contentieux ne votant pas en la circonstance), l’ue avait abrogé le règlement contesté, puis adopté la directive 2002/30 donnant satisfaction aux États-Unis. Le gouvernement américain exigeait ainsi dès 2006 que l’ue s’en tienne aux vols intracommunautaires – soit la position finalement adoptée dans la directive amendée d’avril 2014.

De fait, les États-Unis, qui furent à l’origine de la Convention de Chicago et de la création de l’oaci, y ont longtemps pesé de leur statut de première puissance aérienne (15,14 % du revenu/tonne/kilomètre [rtk] global en 2009 pour les compagnies enregistrées aux É.-U.), y ont imposé leurs méthodes de travail et s’efforcent d’y perpétuer leur hégémonie, au sens de paradigme réaliste (Gilpin 1987). Ils sont toutefois de plus en plus menacés dans cette position par les Brics, notamment la Chine[20]. Pour atteindre leurs objectifs propres dans la négociation, les États-Unis se seraient donc appuyés alternativement sur l’ue et sur ses adversaires.

II – La confrontation de deux visions du monde

Dans la séquence 2006-2013, l’ue a paru autocentrée sur son processus législatif, puis sur la mise en oeuvre de la directive, et peu réceptive aux critiques extérieures. Alors que le projet initial prévoyait une mise en oeuvre en deux temps (vols intracommunautaires au 1er janvier 2011 et vols internationaux au 1er janvier 2012) et uniquement pour les vols au départ d’aéroports européens, le texte a été durci à l’initiative du Parlement de l’ue avec la complicité des principaux pays membres (ajout des vols entrants et application immédiate du dispositif aux vols intercontinentaux), dans le contexte de préparation de la Cop15 de Copenhague et de l’adoption du premier paquet climat-énergie de l’ue. C’est toutefois le Conseil européen qui aurait introduit un mécanisme de sanctions dures, comme l’interdiction de redécoller, pour les compagnies contrevenantes[21].

Une fois adoptée, la loi européenne, étant sacrée, doit s’appliquer absolument sauf à affaiblir l’autorité internationale de l’Union – une position partagée par la Commission et une majorité d’États membres au moins jusqu’à la mi-2012. Cette directive est pleinement « légitime », puisqu’elle fut adoptée à l’unanimité du Conseil et une large majorité au Parlement. En outre, la cjue a jugé cette loi conforme au droit international ! C’est oublier cependant que la cjue , vue des pays tiers, n’est qu’une cour régionale et non une cour internationale[22]. D’ailleurs, il aurait été possible de s’en remettre à l’arbitrage ultime de la cij de La Haye – compétente en appel d’un arbitrage rendu au titre de l’article 84 de la Convention de Chicago. L’ue refuse de reconnaitre la validité supérieure de la Convention de Chicago s’agissant du droit aérien international et elle ne reconnait pas de caractère obligatoire aux résolutions de l’oaci. De leur côté, les États tiers et le Secrétariat oaci estiment que la directive viole deux principes juridiques fondateurs du droit aérien : la souveraineté[23] et la non-discrimination entre les opérateurs. Cette querelle juridique masque cependant une dissonance plus profonde.

A — Les cultures organisationnelles

Plusieurs observateurs relèvent l’incompréhension bruxelloise[24] du mode de fonctionnement d’une organisation internationale technique – la réciproque est largement vraie aussi –, privilégiant le consensus comme l’Onu, mais où le Conseil ou l’Assemblée peuvent décider à la majorité simple. Formellement égaux, les États y pèsent de facto en fonction de leur part dans le trafic aérien international mesuré en revenu/tonne/kilomètre (rtk) – les 11 plus importants sont automatiquement membres du Conseil. La négociation s’y fait en continu, lors des sessions du Conseil, mais aussi entre elles, au moyen d’une longue préparation par les experts – au caep pour l’environnement ou dans des groupes de travail ad hoc –, et non lors de l’Assemblée triennale où les résolutions sont formellement adoptées. Les sujets en discussion ne font pas l’objet d’une forte politisation (hormis peut-être le renouvèlement du président du Conseil ou du secrétaire général). Cette situation contraste avec le processus de la ccnucc où les compromis sont toujours adoptés en dernière minute lors des conférences de parties, grâce à d’ultimes concessions après d’homériques nuits blanches. Pour plusieurs acteurs de l’oaci[25], la dg climat est marquée par cette culture de négociation et a voulu la reproduire au sein du ghn et à la 38e Assemblée.

Ces dissonances cognitives peuvent s’analyser comme des conflits entre cultures organisationnelles propres à chaque organisation internationale (Barnett et Finnemore 1999 : 719). Cultures intériorisées par leurs agents qui s’en font les défenseurs les plus zélés. Ce n’est donc pas seulement la personnalité de tel ou tel qu’il faut ici incriminer[26] ; le commissaire Transport, la dg Move et le président de la Commission ont longtemps été sur la même position que la commissaire Climat et sa dg. La logique interne du système politique de l’ue, la pression de la commission Environnement du Parlement[27] et des organisations de la société civile et le devoir de collégialité des commissaires interdisaient de toute façon à la dg Move de se désolidariser de la dg Climat sur une question de compétence. Le fonctionnement de la Commission Barroso « en silo » avec peu de transversalité fut également mis en cause[28]. Il a fallu la pression conjuguée de trois grands États membres pour faire bouger la Commission en novembre 2012. De la même façon, la relative indifférence de la commissaire Climat face à l’alarmisme d’Airbus au printemps 2011 s’explique mieux dans un contexte bruxellois où les lobbies industriels sont très présents et intégrés au processus de décision : on ne prête plus guère attention à leurs cris d’orfraie censés s’inscrire dans un jeu de relations codées[29]. Madame Hedegaard voit même, dans la multiplication des interventions à l’approche de la date du 1er janvier 2012, le signe que l’on a raison de tenir ferme[30]. L’isolement (insulation) et la normalisation d’une posture déviante sont d’ailleurs deux pathologies courantes des bureaucraties internationales parmi celles identifiées par Barnett et Finnemore (op. cit. : 721-723).

B — Un messianisme environnemental contrarié

Au-delà de ces cultures organisationnelles contrastées, ce sont plus largement deux visions du monde qui s’opposent. Dans le discours de la Commission, les questions d’environnement et de développement durable sont au coeur de la politique extérieure de l’ue. Mettant en avant son respect du protocole de Kyoto et le paquet climat-énergie adopté par le Conseil en décembre 2008, puis amendé en 2014, l’ue se présente en championne de la lutte contre le changement climatique. à la dg Climat, la lutte contre le réchauffement se confond avec la défense de l’ets depuis que la Commission s’est ralliée aux instruments de marché[31]. Depuis 2003, la Commission n’a eu de cesse de renforcer le dispositif en resserrant les contraintes, en luttant contre les abus et en étendant son champ d’application. L’intégration du transport aérien international à ce marché, qui a fait l’objet de travaux préparatoires depuis 2005[32], quand l’ets commençait tout juste à fonctionner, apparaissait depuis Bruxelles comme une suite logique, cohérente avec l’adoption, également en 2008, du paquet climat-énergie à l’ambition accrue.

Cette représentation du problème éclaire la priorité accordée par la dg Climat à l’intégrité environnementale de l’ets aérien en se focalisant sur la proportion d’émissions de co2 effectivement couvertes. C’est pourquoi elle défend jusqu’à l’été 2013 l’approche dite « par les vols au départ » dans la discussion au ghn. Cela aurait permis, selon ses évaluations, de couvrir 64 % des émissions de l’aviation civile internationale, soit la formule la plus proche du projet initial de 2006. Or dès le début des travaux du ghn, il apparaissait clairement que seul l’espace aérien au sens strict était un compromis acceptable par la majorité du Conseil oaci[33]. La dg Climat se rallia en septembre 2013 – juste avant l’Assemblée – à l’espace aérien élargi au fir (zones de contrôle aérien avancé gérées par certains États), ne représentant plus que 48 % des émissions totales. Finalement, la directive amendée d’avril 2014 n’en couvrira plus que 33 %… Son zèle de leader autoproclamé sur le réchauffement climatique a éloigné la dg Climat d’une stratégie de négociation plus réaliste.

De même, son hostilité quant au de minimis au seuil de 1 % tenait à ce que les opérateurs de la grande majorité des pays se trouvent exclus et seulement 17 pays hors ue impliqués dans le dispositif, pour un total de 85 % du trafic – contre environ 99 % des émissions de l’aviation avec les exemptions permises par la directive de 2008[34]. Lorsque les Américains ont rejeté cette concession faite par les représentants des États européens siégeant au Conseil, la dg Climat s’en est accommodée, sans réaliser l’importance de la perte du soutien politique des pays africains.

Dans le même esprit, bien que l’ue soutienne le principe rcmd dans le cadre de la ccnucc et du protocole de Kyoto, où celui-ci constitue un moyen de faire pression sur les autres pays de l’ocde, en particulier les États-Unis, pour qu’ils accroissent leur effort d’atténuation, elle ne tient pas à ce qu’il soit introduit à l’oaci[35]. Il permettrait en effet à la Chine, l’Inde, le Brésil et à certains pays arabes de se prévaloir de leur statut de pays ne figurant pas sur l’Annexe 1 de la ccnucc, bien que le trafic aérien y augmente beaucoup plus vite qu’en Europe ou aux États-Unis où le marché est presque saturé. La Commission a préféré en l’occurrence se prévaloir du principe de non-discrimination de la Convention de Chicago. D’ailleurs, la directive ets de 2008 ne faisait aucune concession au rcmd, ne prévoyant d’exemption que pour les petits opérateurs (Romera et van Asselt 2015).

Au Secrétariat comme au Conseil de l’oaci, toutefois, cet activisme climatique de l’ue en indisposait beaucoup. D’une part, c’est bien à l’oaci que la ccnucc a confié la mission de réduire les émissions de l’aviation internationale ; d’autre part, pour les acteurs du secteur, le cadre de référence, c’est la Convention de Chicago et les règles et procédures de l’oaci[36]. Imposer à des opérateurs de pays tiers des obligations et des coûts supplémentaires, sans le consentement des États concernés, est perçu comme une violation de ces règles. Qu’il ait pu être envisagé que les revenus engendrés par l’ets aérien viennent abonder le budget général des États européens, au lieu de rester dans le secteur aérien, apparaissait choquant et conduisit les détracteurs les plus acharnés de l’ue à assimiler le mécanisme à une taxe déguisée. Cette réaction était partagée, hors ue, par les autorités de régulation comme les compagnies aériennes. C’est moins le surcoût d’exploitation engendré par l’ets qui a pesé que la question de principe : c’est bien parce qu’elle a ignoré l’avertissement très clair du Conseil oaci du 2 novembre 2011 que l’ue se retrouva humiliée par l’Assemblée en octobre 2013.

Plus largement, la Commission est restée hermétique au « référentiel sectoriel » de l’aérien dans le sens que Pierre Muller donne à ce terme « d’une certaine vision de la place et du rôle du secteur concerné dans la société » (Muller 2013 : 57). Là où la dg Climat, la commission Environnement du Parlement de l’ue et leurs alliées ong n’ont vu dans l’absence de décision sur les mbm entre 1998 et 2007 que de la procrastination de la part d’une oaci peu encline à faire du changement climatique une priorité, les acteurs du secteur aérien ont jugé la séquence conforme au rythme normal de progression de la question dans le programme de l’organisation. Selon eux, le blocage intervenu depuis 2007 sur les mbm serait imputable précisément à la « provocation » que constituait l’ets européen pour la plupart des pays membres[37]. L’Assemblée oaci a approuvé le principe d’un marché de droits d’émissions dès 2004, au sein d’un panier de mesures, et au cours de 2007, le caep a publié des lignes directrices pour la mise en place d’ets sur une base volontaire par des États et groupes d’États. Les défenseurs du modèle oaci citent le travail mené parallèlement par le caep sur l’élaboration d’un standard d’émission de co2 pour les nouveaux avions, qui a été adopté par le Conseil en 2016, avant son inclusion dans les résolutions de la 39e Assemblée. Un processus du même genre a conduit dans le passé à l’élaboration et au durcissement progressif d’un standard oaci sur le bruit des avions.

III – L’ombre portée par l’industrie

Lorsque, à la fin des années 1990, l’ue envisageait encore une taxe carbone sur l’aviation, l’Association internationale du transport aérien (iata) relayant la plainte d’une industrie s’estimant trop taxée (bien qu’elle ne subisse ni de tva sur les billets ni de taxes sur les carburants) se fit l’avocat d’un marché ouvert[38] de droits d’émissions, comme étant plus efficace et économe (cost effective). Toutefois, après l’adoption de la directive ets de 2008, l’organisation a épousé l’hostilité frontale des compagnies américaines, historiquement très influentes en son sein. Les compagnies européennes étaient plus divisées[39] et l’Association des compagnies européennes soutenait, en 2009, une « approche globale », avec des blocs régionaux aux engagements inégaux, les pays de l’ocde appliquant l’ets européen[40]. L’opposition de l’iata reposait sur deux arguments majeurs : le coût d’administration du dispositif pour la compagnie (enregistrement, mesures des émissions, gestion des quotas, reporting) et le risque d’une multiplication de dispositifs nationaux et régionaux en lieu et place d’un système global, situation génératrice de confusion et de coûts accrus[41]. De plus, l’ets engendrait des distorsions de concurrence sur les liaisons transcontinentales entre les compagnies devant transiter par l’Europe et celles qui pouvaient utiliser, par exemple, le hub de Dubaï.

A — Vision stratégique

Pour les acteurs du secteur, ce n’est pas l’aérien qui doit fournir le plus d’efforts dans l’immédiat, car il n’y a pas de substitut à l’avion pour les voyages intercontinentaux ni de techniques alternatives permettant de réduire rapidement les émissions lorsque le carburant représente 40 % des coûts d’exploitation (à court terme, les compagnies n’ont pas d’autre choix que d’acheter des crédits et l’ets perdrait de ce fait tout effet incitatif quel que soit le prix atteint par la tonne équivalent carbone). Depuis les premiers réacteurs d’avion, le progrès technique aurait permis de faire 70 % d’économie de carburant et permettrait d’absorber 2 points sur les 5 % de croissance annuelle, les 3 restants devant être absorbés par un panier de mesures, y compris les fameux mbm. Un mécanisme de marché est donc indispensable, au moins pour quelques décennies, afin de respecter l’engagement d’une stabilisation des émissions au niveau atteint en 2020. Ensuite, le développement des carburants alternatifs et une nouvelle vague d’innovations technologiques sont censés permettre une déconnexion entre croissance du trafic – qu’on ne saurait remettre en cause [42]– et niveau des émissions. Celles-ci sont appelées à diminuer de 50 % par rapport au niveau de 2005 à l’horizon 2050. Ce scénario idéal, qui soulève pourtant de nombreuses questions de faisabilité[43], notamment quant à la disponibilité future des carburants sans carbone[44], a d’abord été promu par l’iata, avant de devenir populaire à l’oaci. L’ets européen sous sa forme de 2008 n’y avait aucune place.

À sa réunion annuelle de Vancouver en 2007, l’iata a adopté la stratégie des 4 piliers : innovation technologique, moyens opérationnels (optimisation du contrôle aérien et de l’approche), action sur les infrastructures et mesures de marché au plan global. Se fondant sur une étude de McKinsey de 2008 sur la croissance à long terme de l’industrie, l’iata a publié sa stratégie sur le changement climatique en 2009, qu’elle a fait progressivement adopter par l’oaci. À sa 69e réunion annuelle, en juin 2013 à Cape Town, l’iata a pris clairement position en faveur d’un mécanisme global qui prendrait la forme d’une compensation des émissions (off-setting) et a demandé aux États de faire leur part du travail[45]. Pour l’industrie, la compensation est plus souple que l’ets, une trentaine de compagnies aériennes la pratiquant déjà sur une base volontaire. Elle ne requiert pas un système bureaucratique complexe pour sa mise en oeuvre ni même d’instrument juridique nouveau (une simple résolution de l’Assemblée suffit), un tel mécanisme pouvant être mis en place sans trop de peine dans les six mois, selon certains experts[46]. Cette position est devenue celle de l’ensemble de l’industrie regroupée dans l’Air Transport Action Group (atag)[47], qui a présenté un papier de position à la 38e Assemblée.

B — Des régulateurs sous influence ?

La prise de position de l’iata à Cape Town est souvent citée comme décisive dans le ralliement des États-Unis au projet de mécanisme global de mbm inclus dans la résolution oaci de 2013. Quelques mois auparavant, le représentant américain au ghn s’affirmait pourtant sceptique sur la faisabilité d’un tel dispositif. Certains observateurs ont pointé l’activisme des lobbyistes de l’association des compagnies américaines a4a et de l’iata dans les couloirs de la 38e Assemblée pour convaincre les délégués des pays du Sud de voter contre l’ets européen[48]. Ils soupçonnent également l’a4a d’être derrière le lâchage des Européens par la délégation américaine et l’intransigeance de celle-ci sur le de minimis, ce que les intéressés démentent. De la même façon, le lobbying de l’a4a auprès du Congrès expliquerait l’adoption de la loi anti-ets en 2012. Que la numéro deux de la délégation américaine à la 38e Assemblée et haute responsable de la Federal Aviation Authority (faa) soit venue de l’industrie, et y soit retournée peu après, est invoqué dans le milieu ong en appui à la thèse d’une capture de l’action publique par le privé (corporate capture)[49]. Si les dirigeants de l’industrie interrogés reconnaissent avoir joué un rôle dans l’opposition à l’ets, ils estiment qu’on leur prête une influence qu’ils n’ont pas[50]. Ils font remarquer que la faa n’est pas la seule impliquée dans le processus de décision aux États-Unis, que la présidence, l’agence de protection de l’environnement et le département d’État pèsent au moins aussi lourd en contexte de crise. Pour l’iata et l’a4a, c’est la convergence naturelle d’intérêts entre l’industrie et les gouvernements non européens qui leur a permis de coopérer.

Il convient de noter également que les pressions exercées par le Groupe Airbus en 2011 et 2012 sont à l’origine du revirement des gouvernements français, britannique et allemand, puis du changement de pied de la Commission sur l’application de la directive, là où les administrations techniques avaient échoué à infléchir la politique[51]. Le chantage aux commandes exercé par la Chine s’est transformé en chantage à l’emploi aéronautique par les dirigeants du groupe auprès des gouvernements des trois pays du consortium. Toutefois, la séquence illustre moins l’hégémonie – au sens gramscien – du constructeur aéronautique que son instrumentalisation par les Chinois, comme l’ont illustré deux lettres adressées par le patron d’Airbus aux autorités chinoises et qui ont fuité dans la presse[52].

L’ombre portée par l’industrie s’étend aussi au Secrétariat de l’oaci[53]. Ainsi, le document de travail sur l’élaboration d’un mbm global (strawman), discuté par l’Environmental Advisory Group (eag), constitué fin 2013, devait beaucoup aux propositions de l’industrie sur la mise en place d’un système de compensation. Il est frappant de constater que iata participe aux activités de l’oaci à tous les niveaux : elle est notamment membre des groupes de travail du caep, observateur permanent au Conseil, associée aux groupes restreints constitués par le président du Conseil au fil des ans, dont le ghn. Dans l’eag, elle siège en tant que membre, au même titre qu’un État et non plus comme observateur. Associée de longue date à l’élaboration des règlementations de sécurité et de sûreté, iata se rend utile aux délégations par son expertise et sa disponibilité. C’est largement un héritage d’une époque où les grandes compagnies aériennes étaient publiques et très proches des autorités nationales de régulation, y compris aux États-Unis où jusqu’en 1978 la concurrence était très orchestrée par l’État. Cette institutionnalisation place iata au coeur du dispositif décisionnel de l’oaci.

Outre ces ressources relationnelles et structurelles (Fuchs 2007), iata/atag a développé un discours efficace qui doit beaucoup au vice-président et ancien directeur à l’environnement de l’organisation genevoise[54]. Industrie « citoyenne », elle adhère aux objectifs de développement durable et reconnait l’urgence climatique. Se montrer proactif sur la question, c’est acquérir « le droit de continuer à croître » (license to grow)[55], autrement dit, relégitimer aux yeux du public une activité critiquée pour son impact environnemental. Ce n’est pas combattre toute forme de régulation, mais obtenir celle qui est la plus favorable à l’épanouissement de l’industrie (standard co2 négocié, compensation des émissions), quitte à reporter dans le temps (après 2020) ou vers d’autres secteurs (ceux qui génèrent les crédits d’émission) le poids de l’ajustement. En effet, le non-dit de l’opposition de l’industrie à l’ets, c’est que la directive imposait de réduire dès 2012 les émissions par rapport au niveau enregistré en 2010, puis d’accroître l’effort[56]. Avec un niveau très bas du prix de la tonne carbone sur le marché, l’impact financier était mesuré au début[57], mais le système était par essence plus contraignant à terme que celui adopté finalement par l’oaci, surtout si les crédits admissibles à la future compensation sont définis de façon extensive[58].

De facto, l’oaci comme plusieurs États se sont alignés sur le discours produit par iata/atag, bien que celui-ci s’inscrive dans une perspective de « modernisation écologique » socialement contestée (Walker et Cook 2009). On retrouve ici l’hypothèse néo-gramscienne d’une hégémonie de l’industrie de l’aérien cimentée par le discours et une certaine représentation des intérêts, structurée par une identité partagée, au sens des constructivistes, centrée sur la vision héroïque de l’avion comme vecteur de modernité et de croissance économique.

Conclusion

De 2007 à 2013, la négociation à l’oaci sur la réduction des émissions de ges de l’aviation commerciale est apparue bloquée, en raison du conflit sur la directive de l’ue de 2008 intégrant le transport aérien international à l’ets européen. La crise a atteint son paroxysme et son dénouement provisoire avec le désaveu infligé à l’ue, à la 38e Assemblée de l’oaci, début octobre 2013. Depuis lors, la négociation a repris de façon plus constructive sur l’adoption d’un mécanisme global fondé sur le marché afin de réduire les émissions, lequel fut acté par la 39e Assemblée en 2016 et entrera en vigueur progressivement à partir de 2020.

Pour comprendre cette hostilité engendrée par la politique européenne dans l’arène plutôt technique et policée de l’oaci, nous avons proposé trois grilles de lecture successives : les rapports de force internationaux, l’affrontement de deux visions de monde et le poids du secteur privé. Ce qui apparaissait d’abord comme un conflit entre les États européens et les États tiers sur un aspect des politiques de lutte contre le réchauffement climatique s’est construit également comme l’opposition entre deux cultures organisationnelles et deux visions du monde différentes : l’ue exportant sa politique climatique vertueuse ; l’oaci défendant jalousement la spécificité de l’aérien. Le poids spécifique de l’industrie dans cette dernière lui permet de cristalliser un référentiel commun du secteur de l’aviation internationale. Ce construit social complexe, mais largement informé par le discours très structuré de iata, a permis la formation d’une vaste coalition d’acteurs publics et privés contre l’ets européen et, peut-on espérer, au profit du mbm global comme solution alternative. Cette étude de cas illustre la fécondité des modèles explicatifs plurifactoriels et s’inscrit dans les approches sociologiques contribuant au renouvèlement actuel des analyses des organisations internationales (Biermann et Siebenhüner 2009 ; Devin 2016).

Toutefois, si cette crise a mis en relief les spécificités du secteur aérien, défendues par l’oaci et iata, notamment pour préserver leur influence organisationnelle respective, il sera de plus en plus difficile pour celles-ci de résister aux formes de désectorialisation qu’induit la problématique du réchauffement climatique, face à des ong qui demandent par exemple que la ccnucc fixe des objectifs de réduction des émissions plus ambitieux et contraignants aux secteurs du transport aérien et maritime. Les tentatives du Secrétariat oaci et des États occidentaux de tenir les principes normatifs de la ccnucc à l’écart, n’ont qu’imparfaitement réussi. Surtout, beaucoup d’interviewés soulignent que le succès en 2016 de la négociation sur les mbm au plan global résulte en partie de la dynamique créée à la cop21 à Paris.