Abstracts
Résumé
En ce début de nouveau millénaire, dresser un bilan du processus d’adaptation des armées britanniques peut s’avérer opportun. Publiée en 1998, la sdr n’a que quatre ans et pourtant les résultats sont déjà largement visibles. La nouvelle philosophie de l’armée britannique donne un instrument efficace de soutien à la politique étrangère du gouvernement. Le choix d’une armée de plus en plus intégrée et modernisée, les réformes apportées par la sdr dans le sens d’une plus grande flexibilité devraient être, à cet égard, particulièrement utiles. Au-delà de l’aspect technique des affaires militaires, tel que l’équipement ou la structure des unités, le mod a compris qu’un élément essentiel de sa réussite était la qualité de son personnel. Le Royaume-Uni s’efforce de relever le défi par des moyens aussi divers que la « Policy for People » ou la réforme du rôle des réserves. Et même si l’axe privilégié de la politique étrangère du Royaume-Uni reste la Defence diplomacy, privilégiant la prévention des conflits, la Grande-Bretagne dispose d’un instrument militaire efficace pour l’aider à répondre aux différentes situations qui pourraient se présenter.
Abstract
At the beginning of a new millennium, evaluating the state of the process of adaptation of the British Army might be opportune. Published in 1998, the sdr is only four years old, but its effects are already very obvious. The new approach of the British Army is a reliable instrument supportive of the Government’s foreign policy. The option of a more integrated and modernised army, as well as reforms put forward by the sdr relating to greater flexibility should, in this sense, be useful. Beyond the technical aspects of military affairs like the material and the structure of the units, the mod has understood that one of the most important elements of its success is the quality of its staff. The United Kingdom is trying to take on this challenge by such various means as the « Policy for People » or by reforming the role of its reserve. Even if the privileged axis of uk’s foreign policy remains the « Defence diplomacy », which favours conflict prevention, Britain can count on an effective military instrument to help her confront different situations.
Article body
À l’heure où la France vient d’annoncer la fin anticipée de la conscription, ultime étape vers la professionnalisation totale de ses armées, les autres armées d’Europe occidentale ne sont pas exemptes du vent de mutation qui semble souffler sur l’univers de la Défense. La fin de la guerre froide s’est imposée comme une problématique commune aux États d’Europe de l’Ouest qui, s’ils ont réagi différemment en fonction de leurs propres politiques gouvernementales, ont tous entamé un processus d’adaptation.
À cet égard, l’exemple britannique est particulièrement probant. Puissance comparable en bien des points à la France, le Royaume-Uni se distingue toutefois des autres États européens : ayant abandonné la conscription en 1963, les formes armées britanniques n’ont pas eu à faire face au mouvement de professionnalisation qui a marqué l’ensemble des armées européennes en réponse aux défis de l’après-guerre froide. Ceci ne veut pas dire pour autant que l’armée britannique ne s’est pas engagée dans de profondes mutations ; elle a cependant indéniablement tardé à le faire. Les gouvernements de Mme Thatcher et de M. Major ont en effet longtemps préféré la logique financière à la logique militaire. Désireux de récupérer les dividendes de la paix, les dirigeants libéraux ont procédé à de vastes coupes dans le budget de la défense[1]. Symbolisée par le programme Options for Change amorcé au début des années 90, cette politique de réduction budgétaire au scalpel se fait sans concertation globale et préalable sur la politique de défense ; elle fait plutôt suite à des débats internes au Gouvernement, sous la contrainte du Trésor qui en aurait imposé les modalités. Cette philosophie du Value for Money ne laissera pas l’armée britannique indemne[2]. De plus en plus sollicitée sur des théâtres d’opération extérieurs[3], tout en assurant des missions de sécurité intérieure[4], l’armée britannique va peiner à maintenir son efficacité[5].
Le nouveau secrétaire d’État à la Défense britannique faisait ainsi remarquer en 1998 qu’au cours des dernières années, « les trois corps d’armées avaient été sur-sollicités par l’ensemble des exigences des opérations[6] », ce qui revenait à soulever implicitement la question de leurs capacités et de leur fiabilité à l’avenir. Une réflexion stratégique s’imposait donc[7]. Elle sera menée par le nouveau gouvernement travailliste de Tony Blair. Conscient de la réalité et du poids des contraintes budgétaires, ne pouvant à cet égard remettre en cause la totalité de la politique de son prédécesseur et de l’Héritage, le nouveau gouvernement va mener un processus d’adaptation des armées britanniques sur la base d’un document de programme : la Strategic Defence Review du 8 juillet 1998. Réactualisé avec le White Paper 1999 et le New Chapter[8] 2002, ce programme témoigne de la volonté d’adapter l’armée au nouveau contexte stratégique international. Ce faisant, il amène un renouvellement de la stratégie britannique et avec elle, une véritable « Révolution dans les affaires militaires ». Pour autant, le processus impose de repenser l’élément humain dans la politique de défense, ce que tente de faire la sdr. Évolution ou Révolution ? Les forces armées britanniques sont à un tournant de leur histoire : face à l’émergence de nouveaux concepts stratégiques, elles doivent plus que jamais réaffirmer l’importance de l’élément humain pour mener à bien leur mutation.
I – La nécessaire adaptation de l’armée britannique au nouveau contexte stratégique
La fin de la guerre froide a bouleversé la donne et redistribué les cartes. La pensée stratégique a dû évoluer[9] et à sa suite les gouvernements ont eu à repenser leur politique de défense. L’armée britannique devait donc prendre en compte le nouveau contexte stratégique. Ce qu’elle fait en deux temps. Elle va dans un premier temps redéfinir sa politique stratégique pour, dans un second temps formuler une restructuration des armées.
A — Vers une nouvelle stratégie de défense
À l’issue de la guerre froide, le constat s’impose : le territoire de la Grande-Bretagne n’est plus l’objet d’une menace directe[10]. La progression d’un État de droit international, l’approfondissement de la construction européenne font qu’aujourd’hui il n’y a plus à proprement parler de menaces militaires en Europe. La sécurité du territoire, exception faite de l’Irlande, revient aux forces de police plus qu’aux armées qui perdent ainsi leur fonction essentielle : défendre le territoire contre une agression ennemie. Les questions liées aux armes de destruction massive, aux menaces asymétriques, bien qu’évoquées alors par le secrétaire d’État à la défense[11], sont plus envisagées en termes d’éventualité peu probable que de risque effectif. C’est là une des faiblesses de la sdr[12], que tente[13] de corriger le « Nouveau Chapitre » (New Chapter) qui va lui être ajouté en 2002, faisant suite aux attentats du 11 septembre 2001[14].
L’armée britannique, loin de devenir accessoire, demeure un instrument essentiel de la puissance britannique ainsi qu’en témoigne le White Paper 1999 : « la place du Royaume-Uni dans le monde est guidée par [ses] intérêts en tant que nation et en tant que membre prépondérant de la communauté internationale. En effet, les deux sont inextricablement liés du fait de la dimension internationale vitale de [ses] intérêts nationaux[15] ». Les forces armées deviennent alors l’instrument complémentaire de toutes les actions que le Royaume-Uni mène pour assurer une plus grande stabilité internationale et qui constitue sa Defence Diplomacy[16]. Ce concept va d’ailleurs devenir le fer de lance du « Nouveau chapitre » de 2002.
Outre le fait qu’il est membre permanent du Conseil de sécurité – ce qui en fait indéniablement un acteur majeur de la sécurité internationale et collective –, le Royaume-Uni a un passé colonial et une grande expérience des interventions extérieures, qui expliquent d’ailleurs que la population britannique accepte plutôt bien les éventuelles pertes humaines liées à des missions sans rapport direct et immédiat avec la défense du territoire. Il est cependant évident qu’aujourd’hui le Royaume-Uni n’entend plus agir seul : c’est d’ailleurs dans le cadre d’une coopération interalliée qu’il définit sa politique de maintien de la paix.
L’évolution du contexte stratégique après la guerre froide s’est imposée à l’ensemble des armées européennes. Ce qui offre une base solide pour d’éventuelles coopérations. Le Royaume-Uni a cependant privilégié la coopération bilatérale. Plusieurs programmes lient ainsi la Grande-Bretagne à ses alliés. Sans aller aussi loin que certains pays d’Europe du Nord[17], les forces armées britanniques travaillent à une meilleure interopérabilité avec des armées amies : les opérations de l’otan au Kosovo ont montré qu’elle était loin d’être acquise[18] mais les opérations en Afghanistan ont fait la preuve d’un net progrès[19]. Dans le domaine maritime, la Navy collabore ainsi avec les Pays-Bas au sein d’une Force Amphibie Britannico-Néerlandaise[20]. Les forces terrestres britanniques participent également à de nombreux exercices communs avec des unités étrangères[21]. Dans le domaine aérien, la coopération est plus probante encore : elle a permis la constitution du Groupe aérien européen (gae)[22]. Plus qu’une simple structure d’exercice en commun, le gae permet de pallier la carence, temporaire ou non, d’une des armées participantes dans un secteur de sa force aérienne. Le programme Atares permet que chaque État membre procède à des appels d’offres. Ainsi, Atares permet à un État d’obtenir par exemple des heures de ravitaillement en vol en échange d’heures de transport. L’intérêt d’une telle mise en commun des moyens militaires, entre armées européennes, a un intérêt financier indéniable. Au-delà de ce seul aspect pécuniaire, elle permet une efficacité accrue dans le cadre plus large des nombreuses organisations internationales dont le Royaume-Uni est membre.
En tant que membre du Conseil de sécurité de l’onu, le Royaume-Uni mène ainsi une politique active. Il participe régulièrement aux opérations de maintien de la paix sous mandat onusien[23]. C’est cependant bien le cadre otan qui reste « crucial pour la Grande-Bretagne car une Alliance atlantique solide et pertinente, incluant un pilier européen efficace, est essentielle pour [ses] intérêts de sécurité[24] ». Le Royaume-Uni a toujours été un partenaire actif de l’otan. À ce titre, le « revirement de Saint-Malo », allant dans le sens d’un renforcement de l’Europe de la défense, ne saurait être interprété comme un abandon du cadre atlantique. Loin s’en faut, car le Royaume-Uni se perçoit toujours comme le lien transatlantique[25], même si la sdr demeure en elle-même assez floue quant à la question du pilier européen au sein même de l’otan[26].
Pour autant, la participation britannique à la nouvelle « Force de réaction rapide européenne » est la plus importante, juste après l’Allemagne, ce qui démontre, peut-être, une volonté britannique d’agir dans un cadre plus européen[27] et répond directement à l’évolution du contexte stratégique. Ces deux phénomènes ont indéniablement contribué à la restructuration des formes armées au Royaume-Uni.
B — Vers une nouvelle structuration de l’armée britannique
De cette nouvelle stratégie de défense du Royaume-Uni, il découle une nécessaire restructuration des forces pour répondre au mieux à ses nouvelles missions. À ce niveau, le Royaume-Uni a opté pour une approche spécifique de deux problématiques pourtant communes à l’ensemble des forces armées occidentales : la recherche d’une plus grande flexibilité et d’une plus grande capacité de projection.
Dans sa quête d’une plus grande flexibilité de ses forces armées, le Royaume-Uni a, comme ses voisins européens, procédé à une réduction des effectifs. Il a graduellement réduit ses effectifs globaux depuis 1975. Parallèlement, des troupes ont été rapatriées, notamment d’Allemagne[28]. Dans le domaine de l’armement, une révision a également été opérée : le nombre des armes lourdes liées au contexte de la guerre froide a ainsi été revu à la baisse[29], parfois drastiquement[30]. Ce type d’armement massif ne répond plus, en effet, aux exigences des nouvelles missions des armées britanniques qui requièrent un armement plus opérationnel. La réduction du nombre des autres armes conventionnelles a également été menée dans le domaine de la marine, où certaines réductions sont encore en cours[31].
Le format des forces britanniques a également fait l’objet d’une révision. Non seulement la taille du corps d’armée a été modifiée, mais plus largement le Royaume-Uni a cherché à organiser ses ressources militaires en une série d’unités cohérentes, indépendantes et intégrables, susceptibles d’être empruntées aux différents commandements organiques pour une mission donnée[32]. Ceci donne un « système à deux divisions » où une partie des unités se tient, à tour de rôle, en alerte pour répondre en cas de besoin aux demandes du ministère de la Défense, le reste des forces, placé à un niveau d’alerte moindre, n’intervenant qu’en renfort[33]. Cette configuration, qui illustre le concept « d’armée cadre », exclut l’alternative opérationnelle requérant une armée composée d’un nombre plus réduit d’unités placées en disponibilité opérationnelle permanente. Ce système permet de mettre rapidement sur pied une brigade disposant d’appuis naval et aérien, ou de fournir une force, légère ou lourde, pour renforcer des unités déjà déployées. Avec la sdr, l’armée britannique a de plus amorcé une évolution originale : l’intégration de ses forces armées.
Il s’agit là d’un élément central du programme de modernisation de l’armée britannique. Il doit permettre l’intervention conjointe et efficace des armées britanniques (air, terre, marine) en redéfinissant « leur façon de travailler ensemble en opérations comme en temps de paix[34] » . De nombreuses structures ont été créées pour permettre la mise en oeuvre de ce nouveau concept[35]. Une organisation centrale, la Defence Logistics Organisation[36], a ainsi été mise sur pied. À quoi s’ajoute le Joint Doctrine and Concepts Centre[37] dont le rôle est essentiellement axé sur la formation militaire. Sur la base de cette nouvelle philosophie militaire, qui va plus loin qu’une coordination interarmes, de nombreuses réalisations concrètes ont déjà vu le jour. Chaque fois, l’idée est de regrouper des services similaires aux trois armées dans une seule structure spécialisée, Purple, plus facilement opérationnelle. Les exemples sont multiples dans des secteurs parfois très différents. Ainsi, par exemple, il a été conçu une unité regroupant les moyens de protection contre « les effets des armes chimiques, biologiques et de la contamination nucléaire[38] », une autre regroupe les utilisateurs du système de défense aérienne courte portée Rapier dans l’armée de terre et la raf[39].
Le but de cette intégration est double. Elle doit permettre de réaliser des économies substantielles en « optimisant des moyens nécessairement moins nombreux qu’auparavant[40] ». Elle doit également permettre de déployer « des forces expéditionnaires polyvalentes qui seront facilement intégrables au sein de forces similaires alliées[41] ». Ce concept de forces intégrées présente un intérêt renouvelé lorsqu’il s’agit d’assurer une meilleure capacité de projection à l’armée britannique.
La menace s’éloignant du territoire national, la projection des forces s’est quasiment imposée comme une évidence : « il est central dans notre vision de la défense que nous puissions être capables de transporter les forces armées rapidement et en toute sécurité, où elles sont requises et quand elles sont requises[42] ». Cette préoccupation est au coeur des programmes de réforme de l’ensemble des armées occidentales[43]. Reste que la Grande-Bretagne, en développant le concept d’intégration des forces armées, semble avoir une réelle longueur d’avance. Ceci est particulièrement tangible avec la mise en oeuvre d’unités intégrées constituées dans le domaine aérien. L’aviation est un « outil indispensable dans la gestion des crises modernes[44] » et l’armée britannique s’emploie à en optimiser l’utilisation. Il a été ainsi mis en place un Joint Helicopter Command[45] qui regroupe, en une seule unité interarmes et sous commandement unique, tous les hélicoptères de l’armée de terre, de la Navy et de la raf. Une structure similaire, la Joint Force 2000[46], a été créée pour permettre le regroupement des Harriers de la Navy et de la raf. Ces deux structures permettent de travailler à une réelle coordination entre des appareils d’attaque efficaces, comme cela a été démontré lors des opérations dans le Golfe et les Balkans. Afin d’améliorer leur capacité d’intervention, ils peuvent agir à partir de bases terrestres ou de plates-formes en mer[47]. Concernant le matériel, le gouvernement britannique a veillé à investir en parallèle pour moderniser l’armement et augmenter ses capacités de projection[48]. En témoignent les projets d’investissement concernant les avions porteurs[49] dont l’importance stratégique est considérable, notamment pour la projection des forces de réaction rapide de l’armée britannique[50].
Aboutissement de la nouvelle philosophie de l’armée britannique, la sdr prévoit la création de « forces qui puissent frapper fort, qui soient flexibles et qui puissent se déplacer rapidement vers n’importe quel lieu où elles seraient requises[51] ». Là encore le concept n’est pas en soi novateur. Toutefois, le concept d’intégration des forces armées britanniques fait toujours la différence. Là où la France, par exemple, désigne des unités, au sein de chacune de ses armées, prêtes à partir en cas de conflit, le Royaume-Uni tient prêt, quant à lui, une force unique regroupant des éléments des trois armées, en constante alerte afin de la projeter en une seule fois[52].
Concrètement la jrrf s’organise en deux niveaux. Le premier échelon se compose d’éléments nécessaires pour établir et tenir une tête de pont suffisamment solide afin d’attendre le renfort nécessaire. Les trois armées sont sollicitées même si une attention particulière est portée aux forces terrestres. La composition et l’équipement de cette force peuvent être variables selon le type de mission visé par l’intervention, mais on y trouvera toujours des éléments clefs : le matériel de contrôle et de commandement[53], un support logistique intégré[54] et des moyens de transport stratégique[55]. Ce premier niveau doit être en tout temps en alerte maximum. À cette fin, il est composé de six brigades qui, par un système de rotation, enchaînent des périodes de repos, d’entraînement, d’alerte maximum et d’alerte minimum. Ce système présente l’avantage d’avoir plusieurs brigades prêtes à partir ou, le cas échéant à apporter un soutien, sur un ou plusieurs points chauds du globe. Le deuxième échelon constitue un réservoir de forces rapidement mobilisables afin « d’apporter une force de frappe plus importante » dans l’hypothèse où les opérations du premier échelon l’imposeraient. Cette jrrf est aujourd’hui largement opérationnelle comme l’ont montré les déploiements britanniques dans les Balkans[56].
Donner les bases pour assurer une meilleure capacité de projection dans le monde, ne doit pas occulter la nécessaire réflexion quant au devenir des militaires une fois sur place. Ceux-ci sont, en effet, voués à accomplir des missions particulièrement exigeantes. De leurs capacités personnelles à faire face à ces exigences, dépend la réussite finale de l’opération. Dans cette perspective, la sdr, comme le White Paper 1999, a veillé à réaffirmer l’importance de l’élément humain au sein du processus d’adaptation de l’armée britannique.
II – La revalorisation de l’élément humain dans l’armée britannique
Les conditions de mise en oeuvre des opérations extérieures ont rendu plus centrale encore la dimension humaine du militaire. Globalement, l’élément humain commence à être mieux appréhendé, et ce, sous deux aspects. L’armée britannique a simultanément pris en compte la nécessité d’une meilleure gestion de ses ressources humaines et le besoin d’une plus grande interaction avec la société civile.
A — Une meilleure gestion des ressources humaines militaires
En affirmant que « les défis du futur rendront d’autant plus importante [la capacité de l’armée] à recruter et à retenir les meilleurs et les plus brillants éléments pour [ses] forces armées et le ministère de la Défense[57] » , la sdr met l’accent sur la nécessité d’un recrutement de qualité. Cet impératif découle directement des mutations du monde de l’après-guerre froide qui ont profondément changé le rôle du soldat. Délaissant son rôle défensif traditionnel, le militaire doit de plus en plus aujourd’hui remplir des missions de maintien de la paix. Ce qui exige de « pouvoir jouer des rôles multiples, aussi difficiles que stressants, qui vont de la diplomatie au secourisme, à la gestion hospitalière et à l’administration municipale, en passant par la police et les arbitrages[58] ». De surcroît, ces missions trouvent à s’exercer le plus souvent dans le cadre de forces multinationales qui apportent leur lot d’exigences en termes de communications (notamment de capacités linguistiques) et d’interopérabilité. Le matériel est, lui aussi, de plus en plus exigeant du fait des progrès technologiques, mais également en raison de la nature des opérations à effectuer. Or la tendance à la réduction des budgets de défense fait de plus peser un risque constant de sur-sollicitation des troupes[59] qui ajoute à la tension des personnels, éloignés de leur pays et de leurs familles. Sans compter que ce genre d’opérations se fera le plus souvent sous le feu des médias, par le biais desquels il faudra prouver l’utilité à la population, grâce à des qualités de «communicateur[60] », malgré le coût que cela peut représenter.
Le ministère de la Défense britannique souligne d’ailleurs largement ces contraintes : « dans un monde où le matériel de défense devient toujours plus complexe et où la prise de décision doit être précise et rapide, la qualité de [son] personnel est la composante la plus importante de [ses] capacités de défense[61] ». L’armée britannique qui a fait, bien plus tôt que ses homologues européennes, l’expérience de la professionnalisation, connaît déjà depuis quelques années les difficultés que cela implique. Les armées professionnelles comme celle du Royaume-Uni sont en effet confrontées à de réels problèmes de recrutement, malgré une récente amélioration[62]. Dans le cas du Royaume-Uni, plusieurs facteurs expliquent ces difficultés. En premier lieu, l’environnement social connaît des mutations qui se répercutent sur le recrutement militaire : le pays connaît, comme ses voisins européens, un vieillissement de sa population. De fait, la population susceptible de s’enrôler diminue[63]. La classe ouvrière dans laquelle l’armée trouvait une majorité de ses volontaires tend, en parallèle, à diminuer sans perspective de compensation par une autre classe socioprofessionnelle. La reprise économique place l’armée dans une situation de concurrence avec les employeurs du secteur privé, notamment auprès du personnel qualifié. De ce point de vue, le secteur de la défense, en proie à d’importantes réductions budgétaires, souffre d’une image peu valorisante auprès des candidats. De plus, avec la fin de la menace liée à la guerre froide, une grande partie de la population semble manifester un net désintérêt pour les questions de défense[64]. Les « valeurs militaires » semblent en déclin, et il est d’autant plus difficile de les transmettre à une jeunesse qui ne connaît pas le service militaire obligatoire.
Face à cela la sdr s’est décidée à accorder « une importance accrue au recrutement et [à adapter] son approche afin d’améliorer le contact avec tous les secteurs de la société ». Cette adaptation des méthodes de recrutement doit permettre « d’engager des actions dans le but de rendre attractive une carrière dans l’armée[65] ». Cela passe par des campagnes de recrutement promouvant l’image des forces armées. Parallèlement, il est apparu essentiel d’améliorer les conditions de déroulement de la carrière. Pour ce faire, la sdr prévoit la mise en oeuvre d’une Policy for People dans le but de rendre réellement motivante une carrière militaire pour les personnes déjà en poste ou celles qui aspireraient à intégrer les rangs de l’armée. De nombreuses mesures ont déjà été mises en place afin d’améliorer les conditions de travail dans l’armée[66], ce qui devenait indispensable au regard de la sur-sollicitation des personnels[67]. Dans cette optique, un effort tout particulier a été accordé pour les soldats en opérations extérieures[68], afin de compenser les contraintes issues de l’exercice des nouveaux types de missions. Un effort important a également été effectué dans la gestion de carrière des militaires[69], que ce soit par une aide à la réinsertion civile ou la création de réels plans de carrière par des aides à la formation. Le but est là encore de motiver les recrues à intégrer les rangs de l’armée. Des efforts budgétaires viennent d’ailleurs soutenir l’ensemble de cette politique, en crédits d’équipement comme de fonctionnement.
L’armée britannique a dû également prendre en compte dans sa Policy for People, « l’évolution des sociétés civiles et la sensibilisation à la diversité ethnique et culturelle qui ont engendré des situations nouvelles[70] ». C’est pourquoi une autre partie du programme de recrutement du mod consiste à axer sa politique sur une meilleure intégration des femmes en augmentant le nombre de postes qui leur sont ouverts[71]. De manière plus générale, le mod entend favoriser ses objectifs de recrutement en mettant fin à des politiques discriminatoires[72], en luttant contre le racisme au sein de l’armée[73] et en tolérant des aménagements religieux[74] et vestimentaires[75].
Cette volonté d’adaptation témoigne d’une plus grande interaction entre le militaire et la société civile, à laquelle la sdr accorde un rôle considérable.
B — La redéfinition du rôle de la société civile
L’octroi d’un plus grand rôle à la société civile constitue un volet déterminant du processus de réforme de l’armée britannique. Premier aspect de cette politique, la volonté de développer les relations de l’armée avec le secteur privé. Ceci s’observe particulièrement dans le secteur économique avec la place importante donnée au secteur privé dans la gestion de la défense. L’instauration de relations étroites entre le gouvernement britannique et le secteur privé en matière de défense n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Le gouvernement Major avait déjà associé le privé au financement et à l’administration de services des armées. Aujourd’hui, plus que jamais, cela reste un axe fort de la politique de défense que de recourir aux appels d’offre concurrentiels pour les marchés militaires. Ceux-ci concernent le domaine de la recherche[76], de l’équipement[77] mais également des opérations de services[78]. La concurrence est bien sûr ouverte à toutes les entreprises nationales, mais également aux firmes étrangères comme le prouve l’attribution de marchés d’entretien du Tornado, avion de chasse anglais, à une entreprise hongroise. Aujourd’hui c’est un programme nommé Private Finance Initiative qui permet de gérer ce recours, de plus en plus important, au secteur privé dans le domaine de la défense. L’intérêt d’une telle ouverture à la concurrence est double. Elle doit, bien entendu, permettre de répondre aux besoins de l’armée à un coût inférieur, mais elle tend également à « stimuler les organismes internes en vue d’une plus grande efficacité de leur part[79] ».
Toujours dans cette optique de rationalisation des coûts[80], le gouvernement a mené une large entreprise de réforme de son secteur de l’armement[81] ainsi que des procédures d’acquisition du matériel militaire. Ce dernier aspect est un thème important dans la sdr et correspond à l’objectif d’acquérir « mieux, plus vite et moins cher » le matériel nécessaire aux armées. Il faut dire que la guerre du Golfe, de même que les opérations en ex-Yougoslavie ont tout particulièrement souligné l’obsolescence de matériels acquis parfois à grands frais, voire le mauvais état du matériel existant[82]. C’est pourquoi l’initiative Smart Procurement a été lancée[83]. Elle découle d’une réforme des procédures traditionnelles d’acquisition grâce à la création d’équipes intégrées, chargées de la conduite d’un projet depuis son lancement jusqu’à sa réalisation[84]. Une réorganisation administrative[85] et le développement d’une plus grande coopération avec l’industrie viennent compléter cette réforme de la politique d’acquisition matérielle du mod. Il s’agit véritablement de mettre un terme aux dépassements de coûts et de délais des programmes d’armement[86]. Pour autant, la sdr a établi un équilibre fragile entre sa planification opérationnelle et sa programmation financière : si un seul des éléments déterminants venait à manquer l’ensemble de la structure et du modèle d’armée serait déstabilisé[87]. Cela dit, en l’état actuel des choses, l’initiative donne déjà des résultats très positifs : ainsi la réorganisation du processus d’acquisition des matériels a permis la livraison « dans les délais et avec un budget inférieur de 20 % [à ce que l’on connaît habituellement] du nouveau système d’entraînement pour l’avion à réaction Hawk[88] ».
Cette évolution s’inscrit dans la politique globale d’ouverture sur la société civile que mène le gouvernement britannique. Dans un pays où le service militaire obligatoire n’existe pas, il est en effet vital, pour conserver le soutien populaire, de démontrer l’utilité de l’effort budgétaire en matière de défense. L’effort de communication, au travers des sites Internet du gouvernement notamment, découle de ce même objectif de « transparence » de la politique de défense. C’est pourquoi le mod, au travers de la réforme des armées qu’il mène, veille constamment à ne pas déconnecter les affaires militaires des intérêts de la société civile : « les forces armées sont une partie intégrante de la vie au Royaume-Uni, auquel elles apportent une contribution positive et qu’elles servent de plusieurs façons[89] ». Ceci se vérifie par les nombreuses missions d’intérêt civil que remplissent les forces armées, comme la lutte anti-drogue[90] ou le soutien à la population anglaise lors des catastrophes naturelles[91]. Par ailleurs, le mod met en avant le transfert de technologie militaire vers le secteur civil afin de justifier, si nécessaire, les dépenses militaires[92]. Concernant la protection de l’environnement et du patrimoine culturel, sujets sensibles auprès de la population, le mod a lancé une grande réflexion sur la gestion de son vaste domaine foncier[93]. Cet espace réservé pour grande partie à l’exercice des trois corps d’armée se doit d’être tenu à l’écart du public pour des raisons de sécurité. Cependant le mod tient à mettre en valeur les ressources écologiques[94] et archéologiques[95] que recouvre son domaine public pour en faire profiter les citoyens. Ce qui l’a amené à élaborer toute une politique dans ce domaine[96].
L’interaction avec la société civile se vérifie notamment avec la possibilité pour le personnel d’une entreprise de participer à une opération militaire et ainsi d’apporter ses compétences professionnelles à une armée toujours à la recherche d’une élite pour ses rangs. Ce concept de « réserve parrainée[97] » s’inscrit dans l’effort mené à l’égard des réserves en particulier et de la composante civile de l’armée en général.
Le mod emploie un nombre considérable de personnels civils. Ce personnel civil se répartit en métiers très différents, qui vont de la recherche au conseil politique en passant par l’enseignement, et ils peuvent exercer au Royaume-Uni comme à l’étranger[98]. Comme leurs collègues militaires, les réductions d’effectifs liées aux contraintes budgétaires ne les ont pas épargnés et on constate même un amenuisement de leur proportion au sein du mod[99]. Toutefois le gouvernement reconnaît que « [le] personnel civil apporte une contribution cruciale à la capacité de défense[100] » et que « les forces armées ne pourraient pas fonctionner sans leur soutien civil[101] ». La Policy for People les concernant se révèle très similaire à celle menée pour le personnel militaire. On y retrouve un ensemble d’initiatives pour améliorer les conditions de travail[102], ainsi que des efforts considérables en matière de formation[103]. Le but du mod étant ici encore d’améliorer qualitativement et quantitativement son recrutement. Une totale refonte des méthodes de travail est envisagée et pour atteindre cet objectif le mod se dit d’ailleurs « ouvert à toutes les idées extérieures[104] ». La promotion du personnel civil explique peut-être la tendance britannique à « civilianiser » de plus en plus de postes réservés d’ordinaire au personnel en uniforme. L’emploi de civils se révèle en effet « plus économique que celui des militaires aux formations coûteuses. Ils sont également plus stables dans leur emploi, offrant de ce fait une précieuse continuité d’expérience et de compétence[105] ». Cette volonté de donner un rôle plus important aux civils dans la gestion de la défense se retrouve également dans la politique du mod consistant à définir une nouvelle place pour les réservistes.
Dans un contexte de restrictions budgétaires, avoir une armée professionnelle est toujours un inconvénient car « le coût d’un soldat professionnel est plus élevé que celui d’un conscrit[106] ». Le recours aux réservistes peut constituer, face à cette contrainte, une réelle alternative. Le Royaume-Uni possède d’ailleurs une tradition ancienne d’armée de réserve connue sous le nom de Territorial Army[107] (ta). Cette ta, composante la plus importante de la Volunteer Reserve[108], regroupe des civils ayant décidé de consacrer une partie de leur temps à la défense de leur pays. Elle ne constitue toutefois qu’une partie des réserves, qui sont composées également d’anciens militaires formant la Regular Reserve. En 1999, la sdr a lancé une réforme de la Volunteer Reserve. Les effectifs nombreux, devenus – selon le Gouvernement – inutiles, ont ainsi été réduits[109]. C’est sans doute un des points les plus controversés de la sdr, tant en raison de l’ampleur de la réforme qu’en raison du postulat qui la fonde – la faible probabilité d’une menace au territoire insulaire[110]. Deux nouvelles structures ont parallèlement été créées : la Division dotation en personnel et gestion de carrières des réserves au Centre des personnels de l’armée de terre à Glasgow[111] et le Centre d’entraînement et de mobilisation des réserves (rtmc) à Chilwell[112]. L’objectif final est de pouvoir disposer d’une « force de réserve qui s’intègre mieux avec les forces d’active, qui soit disponible à bref délai et puisse être utilisée dans un éventail diversifié de situations de crise[113] ». Les missions que le mod confie aujourd’hui à ses professionnels nécessitent, en effet, une grande rotation des effectifs[114] et les réserves ont à cet égard un rôle important à jouer. Elles peuvent ainsi remplacer des professionnels dans leur gestion de tâches « à l’arrière[115] ». Elles peuvent également aller soutenir directement les contingents professionnels sur le front[116]. Dans tous les cas, elles peuvent constituer une réelle alternative au recrutement coûteux de nouveaux professionnels. Cependant le recours sans limite aux réservistes n’est jamais acquis, comme peut le constater le Royaume-Uni[117]. C’est pourquoi aujourd’hui, même si on « constate une volonté de confondre le réserviste et le militaire d’active[118] » le recours à une armée de soldats professionnels assez nombreuse et bien équipée reste la principale solution pour répondre aux défis de la sécurité internationale.
En ce début de nouveau millénaire, dresser un bilan du processus d’adaptation des armées britanniques peut s’avérer opportun. Le but de la sdr n’était-il pas, en effet, de « préparer les armées à affronter le défi du 21e siècle[119] » ?
Les résultats sont déjà largement visibles comme au Timor oriental ou en Sierra Leone[120]. Et les militaires britanniques restent présents sur de nombreux théâtres d’opérations, comme en témoignent les expériences des Balkans et de l’Afghanistan[121]. La nouvelle philosophie de l’armée britannique constitue un instrument de soutien essentiel à la politique étrangère du gouvernement. Cette dernière tend à confirmer les options stratégiques antérieures, en maintenant le choix d’une coopération internationale comme cadre privilégié d’action. Dans cette optique, la conversion de la Grande-Bretagne au développement de la politique de défense européenne au sein de l’otan semble devoir se confirmer[122], ce qui est un apport non négligeable pour une Europe désireuse de jouer un rôle dans les crises majeures.
Faut-il, pour autant, déduire de ces succès que le processus d’adaptation de l’armée britannique est arrivé à terme ? Le gouvernement britannique affirme avoir gagné son pari : les objectifs de recrutement sont quasiment atteints, les réductions budgétaires ont été assurées et les récentes opérations ont montré l’efficacité de la nouvelle structuration des forces.
Le tableau n’est pourtant pas toujours aussi rose. Tout d’abord, la philosophie du Value for Money continue à prospérer sous le gouvernement travailliste. Le secrétaire d’État Robertson annonçait d’ailleurs des économies de 4 milliards de livres par an[123]. Or un budget serré s’accorde mal avec l’hypothèse d’opérations extérieures, imprévues. En principe, le Gouvernement débloque des fonds spéciaux pour l’opération, en utilisant un fonds gouvernemental de dépenses contingentes. Ce ne fut cependant pas le cas lors du déploiement au Kosovo : le Trésor a veillé à ce que l’opération soit financée à même le budget de la défense. En d’autres termes, il aura fallu ponctionner le budget prévu, et nécessairement altérer des programmes en cours. Le coût élevé de la Defence diplomacy vient donc obérer directement les capacités de combat des forces[124]. De la même manière, la formulation du « Nouveau Chapitre » et avec elle la définition des actions que le Royaume-Uni entend mener contre le terrorisme international[125] pourrait tout à fait constituer des dépenses supplémentaires que l’augmentation du budget ne pourrait compenser[126]. Aussi la flexibilité attendue des forces armées pourrait-elle être largement altérée par la rigidité budgétaire[127]. Ensuite, si les perspectives d’ensemble de la mutation des armées britanniques et de leur adaptation sont plutôt favorables, en matière de recrutement la situation demeure ponctuellement préoccupante. Certaines « crises localisées » sont en effet particulièrement sévères, s’agissant notamment du personnel navigant et du service de santé des armées. Tandis que les armées n’avancent que péniblement leurs objectifs de recrutement à long terme, il semblerait que le taux de recrutement est, chaque mois, inférieur à la capacité de rétention des forces[128]. Or compte tenu du temps nécessaire pour former le nouveau personnel, les pressions sur le personnel expérimenté et en fonction s’accroissent sans cesse. À ce titre, la politique d’homogénéisation des trois corps d’armées (qui ne tient pas suffisamment compte des particularismes) et l’absence de moyens adéquats sont particulièrement mises à l’index. Enfin, la sdr a voulu embrasser l’ensemble des hypothèses susceptibles de survenir, en envisageant tant un conflit local que lointain, en se situant sur un spectre large allant du conflit de haute intensité à la prévention de conflits. Il reste cependant qu’elle est demeurée assez floue quant aux critères déterminant les choix d’intervention. Face aux difficultés que soulève le fait de conduire des opérations concurrentes, l’un des risques soulignés par le Parlement est celui de retrouver l’ancien schéma de sur-sollicitation des forces[129].
Déjà, en 1998, les rédacteurs de la sdr prévoyaient d’ici 2015 d’importantes mutations pour la stratégie militaire. Pour eux, les « opérations ne se diviseront plus entre actions sur terre, mer et air. Il y aura au lieu de cela, un espace de combat unique où les forces terrestres, aériennes et navales seront guidées et assistées par une nouvelle génération de systèmes de renseignement, de surveillance, d’information et de communication offrant une avancée dans les capacités militaires[130] ». Les objectifs de la « Révolution dans les affaires militaires » imposeront de fait de nouvelles évolutions dans l’organisation et les stratégies, couplées à une politique de modernisation constante du matériel. Tout ceci confirme bien que le processus lancé par la sdr ne saurait s’arrêter ici. Cependant, le choix d’une armée de plus en plus intégrée et modernisée donne une base solide pour que ces évolutions se fassent convenablement. Les réformes apportées par la sdr dans le sens d’une plus grande flexibilité devraient être, à cet égard, particulièrement utiles[131]. Au-delà de l’aspect technique des affaires militaires, tel que l’équipement ou la structure des unités, le mod a bien compris qu’un élément essentiel de sa réussite était la qualité de son personnel : les objectifs centraux de la sdr sont en effet de mettre un terme aux problèmes de sous-effectifs et de sur-sollicitation de ses forces. L’ensemble des armées européennes, notamment celles menant une réforme vers la professionnalisation comme la France, ont perçu l’intérêt du recrutement dans la réussite de leurs ambitions. Le Royaume-Uni s’efforce, quant à lui, de relever le défi par des moyens aussi divers que la Policy for People ou la réforme du rôle des réserves, mais ils découlent tous de la même idée : donner une image positive de l’armée à la population. Reste que les efforts du mod ne sont pas toujours bien compris de l’opinion publique, particulièrement sensible aux aspects financiers de la réforme[132]. Le budget reste, en effet, une contrainte constante pesant sur les affaires militaires. L’augmentation prévue à la suite des évènements du 11 septembre[133] vient soulager la pression budgétaire sur la défense, qui constituait une grande vulnérabilité de la sdr[134]. Les forces armées britanniques sont en passe de réussir leur adaptation au nouveau contexte stratégique et leur restructuration. Même si l’axe privilégié de la politique étrangère du Royaume-Uni reste la Defence diplomacy, et insiste plus sur la prévention que sur le recours à la force[135], le Royaume-Uni est en voie de se doter d’un instrument militaire efficace afin de « faire face aux menaces d’aujourd’hui et non aux ennemis d’hier[136] ».
Appendices
Notes biographiques
Maxime Millefert
Étudiant au Certificat de droit international au Amsterdam Law School, Université d’Amsterdam.
Élisabeth Vallet
Chercheure post-doctorale au crdp, Université de Montréal, Canada.
Notes
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[1]
Entre 1985 et 1997, les dépenses militaires vont chuter de plus de 22 %. Voir L. Unterseher, « Europe’s Armed Forces at the Millennium. A Case Study of Change in France, the United Kingdom, and Germany », Global and Regional Issues, décembre 1999, http://www.ciaonet.org/wps/un102/indec.html. L’ensemble des documents et citations a été librement traduit de l’anglais par les auteurs.
-
[2]
Le constat du secrétaire d’État à la défense est d’ailleurs éloquent : les armées anglaises vont ainsi perdre en cinq ans plus du quart de leurs effectifs et de leur matériel. L’armée de terre est passée de 155 000 à 110 000 hommes, la marine de 85 000 à 65 000 et la raf de 75 000 à 55 000 ; le budget de la défense a chuté de 5,8 % à 4 % du produit intérieur brut. Voir G. Robertson, « The Strategic Defence Review », rusi Journal, octobre 1997, pp. 1-2.
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[3]
Ces dernières années, l’armée britannique a été engagée en Irlande du Nord, en Bosnie, au Kosovo, dans le golfe, au Timor Oriental, au Sierra Leone et dernièrement en Afghanistan. Cette dernière intervention en est un exemple probant : d’une part en raison de la présence de commandos des forces spéciales britanniques dès le début de l’intervention américaine et d’autre part avec la mise en place d’une force onusienne de maintien de la paix sous commandement britannique.
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[4]
Comme en Irlande du Nord, où 13 500 militaires britanniques restent déployés et « continuent d’apporter un appui essentiel au pouvoir civil », in White Paper, 1999, p. 70, chap. 115, http://www.mod.uk. Dans le même temps, 5 000 personnels sont, soit en instance d’y être déployés, soit en retour de mission.
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[5]
Voir P. De Beer, « Royaume-Uni. La tradition de l’armée professionnelle », Problèmes politiques et sociaux, no 769, 28 juin 1996, p. 75.
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[6]
Introduction de la Strategic Defence Review, sdr, chap.13, http://www.mod.uk.
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[7]
Voir dans ce sens T.D. Kilvert-Jones, « One Year Later. The uk Strategic Defence Review », Sea Power, décembre 1999, p. 39.
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[8]
À la suite des évènements du 11 septembre 2001, le secrétaire d’État a annoncé un nouvel examen de la politique de défense. Il a cependant immédiatement affirmé que cette étude n’aboutirait pas à une nouvelle formulation de la sdr mais à l’adjonction d’un nouveau chapitre. Ceci a été jugé largement insuffisant par la Commission de la défense de la Chambre qui a estimé que « l’ampleur du travail requérait une redéfinition des fondements mêmes de la sdr, que la simple adjonction d’un nouveau chapitre ne satisferait pas », Defence and Security in the uk, Defence Committee, 6th Report, 24 juillet 2002, hc 518.1, par. 21.
-
[9]
Pour une analyse complète de ce renouveau, voir C.-P. David, La guerre et la paix. Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, pp. 115 et ss.
-
[10]
Aussi évident que ce constat puisse paraître, il reste qu’il sert de postulat fondamental pour la redéfinition de la politique de défense du Royaume-Uni maintes fois souligné par la sdr, le Parlement britannique ; voir par exemple « House of Commons », Defence and Security in the uk, op.cit. ; ou la doctrine M. O’Neill, uk Defense Policy. Modern Forces for the Modern World, National Defense University, Institute for National Strategic Studies, 1999, http://www.ndu.edu/inss/strforum/forum157.html.
-
[11]
G. Robertson, « The Strategic Defence Review », op. cit., p. 5. Si G. Robertson explique en effet que, « en temps de paix, la menace la plus significative pour le Royaume-Uni est celle du terrorisme », c’est à l’époque essentiellement à la question irlandaise qu’il se réfère.
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[12]
Bruce George souligne d’ailleurs le contraste entre l’approche superficielle de la sdr des menaces asymétriques, l’absence de lien établi entre le rôle des réserves, la sécurité civile et la protection de la population en cas d’attaques asymétriques et la réalité de l’après-guerre froide. Il cite d’ailleurs les propos de Madeleine Albright à la suite des attaques à Nairobi et Dar-es-Salaam évoquant « ces guerres du futur ». B. George, « Political Perspectives on the Outcome of sdr », rusi Journal, octobre 1998, p. 28. Dans le même sens, la même année, John Maples évoque à ce titre les menaces que représentent les États voyous ainsi que des individus comme Ben Laden « possiblement en possession d’armes biologiques et chimiques », « An Opposition View », rusi Journal, octobre 1998, p. 35.
-
[13]
Il a été relevé que le 11 septembre avait conduit à valoriser certains éléments de la sdr sans mener à la réévaluation globale des principes fondamentaux de la sdr. La commission de la Défense reproche au Gouvernement de voir les évènements du 11 septembre comme une validation des postulats de la sdr, là où, justement, ils mettent en exergue ses faiblesses. Defence and Security in the uk, op.cit., par. 27 notamment.
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[14]
Voir Defence Policy 2001, mod, http://www.mod.uk. Le « Nouveau Chapitre » met notamment à l’index les États faibles, parias ou voyous susceptibles d’alimenter ou tout au moins de faciliter le terrorisme.
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[15]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 1. La Commission de la Défense de la Chambre des communes a d’ailleurs estimé que la sdr négligeait les aspects de sécurité intérieure en privilégiant cette approche internationaliste. Voir B. George, op.cit., p. 28.
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[16]
Voir White Paper, 1999, op. cit., chap. 125-137. La Defence Diplomacy est une notion apparue dans la sdr de 1998. Elle y est décrite comme la politique visant à « désarmer les esprits » ; il s’agit là d’un concept absent de la doctrine française. Voir R. Bussières, Est-on capable de maîtriser les conflits asymétriques ?, http://www.frstrategie.org. Elle regroupe à ce titre toutes les actions du Royaume-Uni en vue de prévenir d’éventuels conflits comme la surveillance de l’application des accords d’arms control, les programmes d’échanges de personnel, les exercices en commun. Elle exclut toutefois les opérations de maintien de la paix. Elle résulte du constat que l’instabilité interne (mouvements de population, afflux de réfugiés, États faibles) est génératrice d’instabilité internationale. Voir G. Robertson, op. cit., p. 6.
-
[17]
Par exemple, dans le cadre du Benelux, les Pays-Bas et la Belgique ont monté des structures communes d’armée de l’air et de marine. Voir « L’armée belge à la croisée des chemins », Armées d’aujourd’hui, no 257, février 2001, pp. 34-37 ; et « Les armées des Pays-Bas. Une transformation qui continue », Armées d’aujourd’hui, no 250, mai 2000, p. 36.
-
[18]
T.D. Kilvert-Jones, op. cit., p. 39.
-
[19]
Le Royaume-Uni a apporté son soutien militaire aux États-Unis (sous-marins nucléaires équipés de Tomahawk, avions de reconnaissance...) et leur a permis l’utilisation de la base de Diego Garcia.
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[20]
Créée en 1993, cette force réunit environ 6 000 hommes dans le cadre d’une unité rapidement déployable, mais légèrement équipée.
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[21]
Ainsi du 5 au 16 juin 2000 s’est déroulé l’exercice « Réaction Combinée », premier exercice paritaire franco-britannique de postes de commandement, qui avait pour but de démontrer la capacité de la France et du Royaume-Uni à planifier et à conduire ensemble une opération interarmées de type imposition de la paix. Armées d’aujourd’hui, no 253, septembre 2000, p. 21.
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[22]
Lancé lors du 17e sommet franco-britannique de Chartres en 1994, le Groupe aérien européen franco-britannique (gaefb) a été officiellement inauguré en novembre 1995. Il permet aux deux armées de l’air d’être interopérables dans le cadre de missions de maintien de la paix. Le gaefb peut également entrer dans la composition d’un groupement de forces interarmées multinationales (gfim) dans le cadre de l’otan. Voir « La France et le Royaume-Uni créent un groupe aérien européen », Le Monde, 8 juillet 1998, p. 4. L’Italie (en septembre 1998), la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne (en juillet 1999) ont rejoint le gaefb devenu le gae depuis juillet 1998.
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[23]
Ceci a été particulièrement visible en ex-Yougoslavie où les troupes sont présentes depuis le début du mandat de l’onu en 1992.
-
[24]
White Paper , 1999, op. cit., chap. 13.
-
[25]
J. Morrocco, « uk Seeks to Bridge us-Europe Divide », Aviation Week & Space Technology, 12 février 2001, pp. 29-30. On va même jusqu’à parler d’une relation schizophrénique, J. Maples, op. cit, p. 37. Cela dit, les britanniques ne manquent jamais de réaffirmer le besoin de maintenir leur « liberté de choix stratégiques », notamment à l’égard des États-Unis. Voir M. Boyce, « uk Strategic Choices Following the Strategic Defence Review & 11th September », rusi Journal, février 2002, p. 4.
-
[26]
Comme le souligne B. George, la sdr a tout simplement contourné et évité d’aborder la question, op. cit., p. 28. Selon John Maples, le Royaume-Uni marche fidèlement dans les traces de son partenaire américain, s’alignant sur lui, et s’exposant de ce fait même à des menaces adressées initialement aux États-Unis. L’auteur cite à ce titre la Fatwa de Ben Laden contre les américains « et leurs alliés », op. cit., p. 37. Cela dit, le ministère français de la Défense souligne l’inflexion notable de la politique britannique à l’égard de l’Europe dans la sdr, en allant même jusqu’à parler de « rupture » dans la tradition atlantiste de la Grande-Bretagne. Royaume-Uni. Le point de vue britannique, Actualités du Ministère de la Défense, http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossier/d97/ angleterre.htm. Cela dit, la gestion de la crise afghane puis irakienne a, semble-t-il, de forts relents d’atlantisme.
-
[27]
Les Britanniques devraient fournir 12 500 hommes, 18 navires et 72 avions de combat. Les Allemands devraient quant à eux mettre à disposition 13 500 hommes, 20 navires et 93 avions.
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[28]
En 1999, 20 610 hommes étaient stationnés en Allemagne contre 26 500 en 1998. Voir iiss, The Military Balance 2000-2001, Glasgow, Oxford University Press, 2000, p. 83.
-
[29]
Concernant ses moyens nucléaires, le Royaume-Uni a confirmé sa volonté de « maintenir ses armes nucléaires de dissuasion au niveau minimum », White Paper, 1999, op. cit., chap. 63. Cela se traduit concrètement par l’embarquement de 48 têtes nucléaires à bord de chacun des quatre sous-marins d’attaque Vanguard Class, dont la capacité individuelle d’emport est de 96 têtes. Voir A. Nicoll, « Nuclear Missile Readiness Extended from Minutes to Days », Financial Times, 9 juillet 1998, p. 9. Par ailleurs, le Royaume-Uni s’est engagé dans une politique de soutien au désarmement en ratifiant de nombreuses conventions dans ce domaine. Voir L. Woets, La défense en Europe, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 257. Le char d’assaut constitue l’archétype de ces éléments « lourds » de l’armée de terre dont on cherche à réduire le nombre. Pour certains spécialistes, cette réduction conduirait à reconvertir l’armée de terre en gendarmerie, « ce qui aurait tôt fait de [la] réduire au statut d’une force de police militarisée extrêmement mobile ». Mais un tel transfert a l’avantage de permettre un plus grand investissement dans les unités parachutistes, commandos et autres unités des forces terrestres qui permettent d’aller vers une force plus rapide, plus légère et donc plus conforme au format des opérations de maintien de la paix. Cette politique n’est toutefois pas sans poser de nouveaux problèmes comme, par exemple, le stockage des blindés déclassés.
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[30]
Au titre de sa seconde frappe, le Royaume-Uni maintient un seul sous-marin en patrouille, à un niveau d’alerte réduit, ce qui signifie que les cibles de ses missiles ne sont pas pré-configurées. Cela implique qu’il lui faudra non plus quelques minutes mais quelques jours avant d’être en mesure de faire feu. Toujours en termes de nucléaire, lorsque l’ensemble des dispositions prévues auront été mises en oeuvre, la puissance de feu totale du Royaume-Uni aura été réduite de 70 % depuis la fin de la guerre froide. Le ministère met l’accent sur la notion de riposte graduée, qui perd cependant de sa pertinence devant de telles réductions. Voir R.S. Norris, W.M. Arkin, H.M. Kristensen, J. Handler, « British Nuclear Forces 2001 », Bulletin of the Atomic Scientists, novembre-décembre 2001, pp. 78-79 et « French and British Nuclear Forces 1999 », Bulletin of the Atomic Scientists, juillet-août 1999, pp. 77-79.
-
[31]
La sdr avait ainsi planifié une réduction de sa flotte de destroyers et frégates de 35 à 32 bâtiments. Une réduction similaire des sous-marins d’attaque de 12 à 10 s’achèvera avec le désarmement du hmssplendid en 2003 et du hmsspartan en 2006. Concernant les dragueurs de mines, la réduction est même plus importante que prévue avec le maintien de 22 vaisseaux (au lieu de 25) à la fin 2001.
-
[32]
Les États-Unis, au travers des Building Blocks, et la France, qui met en oeuvre une configuration modulaire des forces, ont développé des concepts similaires aux Forces Packages du Royaume-Uni.
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[33]
Ce découpage en « niveaux d’alerte » résulte directement de l’analyse stratégique menée en amont de la formulation de la sdr. Voir G. Robertson, op. cit., p. 8.
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[34]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 30. On notera que la création de l’Organisation centrale de logistique s’inscrit dans le cadre de la réforme plus large et centripète du ministère de la Défense. C’est l’aboutissement du mouvement amorcé par Lord Mountbatten en 1962, tendant à mettre sur pied un ministère complètement unifié. Voir T. Garden, « Last Post for the Chiefs », rusi Journal, février-mars 1999, p. 47.
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[35]
Un Permanent Joint Headquarters avait ainsi été créé pour désigner, au sein de chaque composante des armées, les forces qu’il était possible de regrouper dans une seule structure : la Joint Rapid Deployment Force. Parallèlement les forces britanniques engagées en dehors du Royaume-Uni se retrouvaient sous un commandement commun. Voir A. Nicoll, « Top Strategists Aim to Turn Forces ‘Purple’ », Financial Times, 11 février 1998, p. 9.
-
[36]
Cette organisation interarmées, la plus importante du genre dans le domaine de la défense, emploie 41 000 personnes et regroupe les organisations logistiques des trois armées.
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[37]
Créé le 1er septembre 1999, le centre est pleinement opérationnel depuis avril 2000. Situé à Shrivenham, « il est en mesure de tirer avantage du potentiel de réflexions du Royal Military College of Science qui s’y trouve déjà, et du Joint Services Command and Staff College qui s’y est installé en 2000 », in White Paper, 1999, op. cit., chap. 36. Voir M. Cordner, « Purple Prose and Purple Passion. The Joint Defence Centre », rusi Journal, février-mars 1999, pp. 36-40. La France a développé une structure similaire avec le Collège Interarmées de Défense (cdi) qui dispense un enseignement interarmes.
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[38]
« Joint Nuclear, Chemical and Biological Defence », in White Paper, 1999, op. cit., chap. 37. Ce régiment formé en avril 1999 devrait, grâce à du matériel spécialisé, pouvoir détecter les traces d’une contamination et prendre les mesures de protection nécessaire.
-
[39]
Joint Ground Based Air Defence.
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[40]
J. Palmade, « Les Britanniques jouent le jeu », Raid, octobre 2000, p. 9.
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[41]
A. Nicoll, op.cit., p. 9.
-
[42]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 40.
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[43]
Par exemple, sur les six scenarii envisagés par la France en 1993, seul le scénario 6 exclut en principe l’emploi de forces projetables. Voir Le livre blanc sur la défense de 1994, Paris, uge 10/18, 1994, pp. 109-118.
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[44]
L’aviation joue un rôle dans la réduction du facteur temps lors des déplacements tout en permettant dans le même temps un soutien logistique. Témoigne de cette nécessité la réflexion autour de la conception d’un nouvel avion de transport, P. Felten, « L’avion de transport futur. Enjeu majeur pour l’Europe de la défense », Défense nationale, juin 1997, pp. 41-48. Le rôle déterminant de l’aviation a d’ailleurs été, une fois de plus, souligné lors de l’intervention américaine en Afghanistan.
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[45]
Créé le 1er octobre 1999, le Commandement interarmées des troupes héliportées regroupe les hélicoptères de soutien et de combat de la raf, de l’Army Air Corps ainsi que les hélicoptères d’assaut amphibie de la Royal Navy. Cette structure regroupe plus de 10 000 personnes et 350 aéronefs. Le commandement peut revenir à l’une ou l’autre des armées et son rôle consiste à coordonner l’entraînement et à assurer la gestion de ces forces.
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[46]
Créée le 1er avril 2000, la structure regroupe les escadrons de Harrier GR7 de la raf et ceux de Sea Harrier FA2 de la Royal Navy dont les capacités air-air comptent parmi les plus modernes. En 2003, suite à de grands déménagements, une seule base, celle de Cottesmore, regroupera tous les appareils. Toutefois les unités de formation opérationnelle seront basées à Wittering.
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[47]
De nombreux bâtiments de la Navy ont ainsi été modifiés pour servir de plates-formes aux aéronefs. Le porte-avions Illustrious a été spécialement modifié pour recevoir un nombre plus important de GR7. Des porte-aéronefs, initialement conçus pour assurer l’escorte anti-sous-marine des convois transatlantiques de l’otan, sont devenus des plates-formes permettant de conduire des actions à terre.
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[48]
Il faut d’ailleurs noter qu’avant les évènements du 11 septembre, le Royaume-Uni était le seul membre de l’otan à avoir augmenté son budget de la défense, avec une rallonge de 400 millions de livres pour l’exercice 2001-2002. On retiendra l’acquisition du nouvel Apache, intégré au sein du jhc, « qui révolutionne la capacité d’intervention de l’armée de terre sur le champ de bataille », du missile d’attaque terrestre Tomahawk (de technologie américaine) qui équipe progressivement tous les sous-marins britanniques. Un projet d’achat de deux nouveaux porte-avions d’ici 2012 devrait également donner à la Navy des navires de guerre parmi les plus gros au monde dotés d’une technologie très avancée, en remplacement de l’actuel Invincible.
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[49]
Le mod a prévu un réel effort d’investissement dans le domaine des avions de transport. Il faut dire qu’en matière de transport la guerre du Golfe a révélé des lacunes criantes : ainsi le Royaume-Uni a dû contracter avec un transporteur privé pour acheminer ses forces terrestres en Arabie Saoudite. Il a donc commandé quatre C-17 aux États-Unis et prévoit de remplacer, entre autres, ses Sea crusader et Sea centurion. Par ailleurs le Royaume-Uni participe, aux côtés des ses partenaires européens, au programme « Appareil de Transport du Futur ». Lancé en 1985 dans le cadre de l’actuel Groupe Armement de l’Europe Occidentale (gaeo), le projet, appelé A 400M, semble devoir enfin aboutir avec la décision du 27 juillet 2000 de lancer le programme. Le projet conditionne la survie du savoir-faire européen en matière de transport aérien militaire face à la technologie américaine.
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[50]
Fait intéressant, l’Amiral Boyce souligne un possible paradoxe : on peut toujours chercher à augmenter le tempo des opérations et notamment la rapidité avec laquelle elles peuvent être mises sur pied, il faudra tout de même toujours, à un moment donné, se conformer (voire se limiter) au rythme, différent, de la prise de décision politique, préalable nécessaire, op. cit., p. 6.
- [51]
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[52]
Ce concept n’est pas une création de la sdr. Celle-ci n’a fait que développer le principe de la Joint Rapid Deployment Force, créée le 1er août 1996. Cette « brigade renforcée » visait déjà à pouvoir projeter « une force sur mesure ». Voir Y. Debay, « La 5e Brigade aéroportée, grandeur et traditions », Raid, no 136, septembre 1997, pp. 16-27.
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[53]
Il s’agit d’un qg commun à toutes les forces déployées, des structures de communication et d’information, d’un support administratif.
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[54]
Dont, entre autres, d’un dispositif médical de soutien.
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[55]
On distingue le transport tactique ou intra-théâtre, du transport stratégique, ou inter-théâtres. Ce dernier se caractérise par des appareils « à rayon d’action intercontinental, dont l’autonomie dépasse 3 000 milles nautiques (5 600 km) ». Ce genre d’appareil fait cruellement défaut aux européens qui, en attendant l’A 400M, sont voués à trouver des ersatz. Le Royaume-Uni envisage donc l’utilisation d’appareils civils.
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[56]
Voir M. O’Neill, op. cit. Quelques légères corrections sont encore nécessaires Toutefois le système est déjà bien en place avec la création d’un insigne spécifique, des forces bien identifiées, des structures d’entraînement et le concept a été pleinement validé au cours de l’exercice saif sareea ii donnant une bonne vision des capacités de la structure. Voir M. Boyce, op. cit., p. 1.
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[57]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 4.
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[58]
C. Donnelly, « Former des soldats pour le xxie siècle », Revue de l’otan, été-automne 2000, p. 30. Les opérations de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo illustrent parfaitement cela. Une fois sur place, les forces s’occupent du maintien de l’ordre, de la reconstruction et, parfois, de la médiation entre les différents groupes en conflit en attendant la mise en place des dispositifs civils appropriés, au gré des objectifs politiques fixés pour la mission en cours. Voir Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 45e session, La professionnalisation des forces armées en Europe, document 1669, novembre 1999, p. 21.
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[59]
J. Maples, op. cit., p. 37.
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[60]
B. Boene et C. Dandeker, Les armées en Europe, Paris, La Découverte, 1998, p. 250. Selon J.-L. Dufour « Très chère armée professionnelle... », Le Monde diplomatique, juillet 1996, p. 14, « le métier des armes a changé. Il ne suffit plus, pour garnir les rangs, d’y placer les derniers de la classe ; sous réserve d’être brave, le soldat d’hier pouvait être sot ».
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[61]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 65. Il a d’ailleurs préalablement souligné le fait que, de façon ironique, les troupes britanniques seraient plus susceptibles de se trouver engagées aujourd’hui que durant la guerre froide. Voir G. Robertson, op. cit., p. 8.
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[62]
Ainsi, au moment où le gouvernement travailliste entre en fonction, le déficit est considérable et les trois corps d’armée sont en sous-effectifs : 5 000 pour l’armée de Terre, 1 500 pour la Royal Navy et 3 000 pour la raf. G. Robertson, op. cit., p. 3. Voir J.-L Dufour, op. cit. L’auteur y détaille le cas des États-Unis et du Royaume-Uni qui servent pourtant d’exemple à la réforme des armées engagée en France. Les déficits de recrutement y ont été réels comme pour le Royaume-Uni où l’armée de terre, en 1995, a dû faire face à des baisses de volontaires de 42 % pour l’infanterie, de 30 % pour les blindés, de 18 % pour l’artillerie. D’une part, le recrutement rencontre de réelles difficultés qui ont mené le gouvernement à revoir ses ambitions à la baisse et d’autre part, 30 % des volontaires environ quittent les réserves au cours des premières années de leur engagement. Cinq ans après avoir entamé sa professionnalisation (en 1978) l’armée américaine a même « failli interrompre l’expérience ». Aujourd’hui le ministère de la Défense britannique connaît encore quelques difficultés comme dans la raf ou la marine qui n’ont atteint que 90 % de leur objectif de recrutement. Cependant cela constitue déjà une réelle amélioration.
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[63]
« En 1910, un Britannique sur vingt avait plus de 65 ans. En 1994, ils étaient plus de trois sur vingt, et la proportion est destinée à croître. Si les pires inquiétudes suscitées dans les années 80 par le creux de la vague démographique n’apparaissent plus aussi justifiées pour les viviers futurs de cadres et d’engagés, les armées n’en continueront pas moins à connaître des déficits de recrutement ». B. Boene et C. Dandeker, op. cit., p. 79.
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[64]
En 1995, un sondage évaluait à 3 % le nombre de britanniques estimant que la défense et la politique étrangère méritaient une place importante, soit en 11e position de leurs préoccupations, nettement derrière les questions sociales et l’économie. L. Woets, op. cit., p. 151.
-
[65]
sdr, op. cit., chap. 129.
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[66]
Parmi les nombreuses initiatives dans ce sens, on retiendra l’harmonisation de 30 jours de congés payés par an sans distinction de grade pour l’ensemble du personnel des trois armées, l’instauration d’un nouveau système de versement des salaires et le développement des services d’éducation pour les enfants de militaires.
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[67]
À titre d’exemple, le secrétaire d’État à la défense, George Robertson, explique en 1997 que la moitié des effectifs de la Navy sont en mer ou en unités commandos, qu’en principe ils sont affectés pour 30 mois sur un poste, dont 18 hors de la base d’affectation par tranche minimum de 4 mois, op. cit., pp. 2-3.
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[68]
Les exemples sont, là aussi, nombreux : l’augmentation du temps pour téléphoner chez soi lors des missions, l’installation de la télévision par satellite sur les navires de la Navy ou l’attention portée à la limitation du temps passé en opérations pour les militaires.
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[69]
Le mod a créé, en octobre 1998, le Career Transition Partnership qui vise à soutenir les personnels quittant l’armée après cinq ans ou plus de service.
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[70]
Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 45e session, La professionnalisation des forces armées en Europe, op. cit., p. 23. Voir notamment la déclaration du général Roger Wheeler, chef de l’état-major de l’armée de terre, p. 27.
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[71]
Le nombre global de postes ouverts aux femmes est passé de 47 % à 70 %. Les femmes sont désormais autorisées à servir comme artilleurs canons et missiles dans des unités de l’armée au contact des premières lignes du front, dans les unités du génie, des transmissions et du matériel. Dans le même temps, 1 300 postes sont ouverts aux femmes dans les unités spéciales de l’armée de terre et de la Navy, White Paper, 1999, op. cit., chap. 91. C’est là la réelle nouveauté car les femmes, présentes depuis longtemps dans les armées, étaient le plus souvent cantonnées à des services administratifs ou médicaux.
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[72]
Le 12 janvier 2000, le gouvernement britannique a levé l’interdiction faite aux homosexuels de servir dans les armées, malgré l’opposition de la hiérarchie militaire, se conformant ainsi à un récent jugement de la Cour européenne des droits de l’homme : un nouveau règlement interne aux armées britanniques reconnaît maintenant le droit à ne pas être radié en raison de sa sexualité, mais bannit « tout signe d’affection en public ».
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[73]
Le mod a mis en place des structures de formation et de sensibilisation à l’égalité des chances dans l’armée.
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[74]
Il est ainsi prévu que, dans le cadre d’une opération, tout sera mis en oeuvre pour obtenir une dispense de l’autorité religieuse concernant les contraintes alimentaires ou les pratiques religieuses.
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[75]
Au sein de l’armée, les Sikhs sont autorisés à porter le turban ainsi que les « cinq k » : Kara (bracelet d’acier), Kesh (cheveux longs), Kanga (petit peigne), Kaccha (sorte de caleçon arrivant aux genoux) et Kirpan (petite épée).
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[76]
Le gouvernement anglais envisageait ainsi de privatiser jusqu’à 75 % de l’Agence d’évaluation et de recherche pour la défense (dera). Seuls les « domaines très sensibles » devraient rester sous contrôle public. L’autre partie, privatisée, aurait « la possibilité de développer ses activités et de diversifier les connaissances qu’elle a amassées » grâce à la liberté commerciale et d’accès aux marchés des capitaux dont elle jouirait. Armées d’aujourd’hui, no 251, juin 2000, p. 8.
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[77]
Le parc automobile a ainsi été attribué à la société Lex Defence Management pour une durée de dix ans et pour un contrat de 500 millions de livres. J. Duplouich, « La Grande-Bretagne accroît son budget pour s’imposer au sein de l’otan », Le Figaro, 6 février 2001, p. 5.
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[78]
Des études sont ainsi conduites pour confier au secteur privé le ravitaillement en vol des avions de la raf et les transmissions par satellites.
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[79]
B. Boene et C. Dandeker, op. cit., p. 208. Les auteurs rapportent notamment l’exemple de la signature, en 1997, d’un contrat de 200 millions de livres pour la gestion de toutes les activités non militaires sur le site d’Aldershot, où l’armée de terre concentre un très grand nombre de ses ressortissants et de leurs familles. Il s’agit du plus gros contrat signé par l’armée de terre dans le cadre de l’initiative « Competing for Quality », lancée par le mod, qui consiste à mettre les services internes en compétition avec le secteur privé pour toutes les fonctions de soutien secondaire.
-
[80]
Plaquette d’information du mod, Defense Matters, London, Crown, 2001, p. 31.
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[81]
Le Royaume-Uni participe notamment à l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (occar) depuis sa création en septembre 1998.
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[82]
Ainsi durant la guerre du Golfe, les unités de tanks Challenger ont dû, selon les termes mêmes du secrétaire d’État Robertson, « cannibaliser » leur propre équipement pour pouvoir déployer le nombre voulu de tanks. G. Robertson, op. cit., p. 3.
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[83]
La coopération permet en effet de réduire substantiellement les coûts en réalisant des économies d’échelle tout en élargissant le marché potentiel pour l’industrie nationale. J. Spellar, « Smart Procurement. An Objective of the Strategic Defence Review », rusi Journal, avril 1998, pp. 33-36.
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[84]
Tous les contrats sont maintenant gérés par des équipes de projet intégrées réunissant les parties prenantes, à savoir les utilisateurs, des spécialistes en logistique, des scientifiques, des responsables de l’armement ou d’autres secteurs connexes. Ce système intégré permet, à partir des exigences de l’utilisateur, de définir le meilleur rapport qualité/prix. La gestion du projet est décentralisée auprès du chef d’équipe qui est investi des responsabilités et des pouvoirs nécessaires pour mener à bien le projet dans les conditions, coûts et délais convenus, souvent sur une période de plusieurs années.
-
[85]
Le 1er avril 1999, ont été créées deux nouvelles structures. D’une part, la Defence Procurement Agency possède un budget annuel de 6 milliards de livres et emploie 4 400 personnes, pour la plupart des civils. La dpa est chargée de l’ensemble de la procédure d’acquisition en coordonnant notamment toutes les équipes intégrées. D’autre part, la Defence Logistics Organisation possède un budget de 4,6 milliards de livres et emploie 4 3000 personnes (70 % de civils). Son rôle est d’assurer la logistique du matériel acquis par la dpa pour toute sa durée de vie.
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[86]
T.D. Kilvert-Jones, op. cit., p. 39. Ce problème constitue cependant un élément assez classique de la programmation militaire. Voir É. Vallet, La programmation militaire entre nécessité opérationnelle et inconsistance juridique, Actes du Colloque défense et finances publiques, Montpellier I, à paraître.
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[87]
B. George, op. cit., p. 32.
-
[88]
Ministère français de la Défense, Royaume-Uni. Le point de vue britannique, http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossier/d97/angleterre.htm. Dans le même ordre d’idée, une économie de temps de 30 % a pu ainsi être réalisée sur le projet de futur système offensif aérien grâce à l’édition des documents de l’appel d’offre sur cdrom et à de meilleurs accords pour la détermination des prix contractuels. L’équipe s’occupant du projet de char d’assaut Challenger II a, par exemple, réussi à économiser 200 millions de livres par rapport au projet initial. L’argent a été réinvesti immédiatement dans d’autres programmes.
-
[89]
Plaquette d’information du mod, op. cit., p. 31.
-
[90]
En 1999 les forces armées ont aidé à intercepter pour 2 milliards de livres de drogues. Les navires de la Navy participent à cet égard à la protection des côtes et des espaces de pêches.
-
[91]
Les militaires britanniques sont intervenus dans différentes opérations de sécurité civiles comme lors des inondations de l’automne 2000, ou encore pour la gestion de l’épizootie de fièvre aphteuse en avril 2001.
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[92]
Les cristaux liquides présents dans les calculatrices ont ainsi été inventés par les scientifiques du mod. Un projet en cours vise, en partenariat avec l’industrie, à créer des bâtiments qui ne renvoient pas les ondes radars, ce qui serait fort utile en matière d’aviation civile.
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[93]
Le mod est en effet propriétaire de près de 240 000 hectares (1 % du Royaume-Uni) répartis entre 3 100 sites différents. La plaine de Salisbury recouvre à elle seule 38 000 hectares.
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[94]
Du fait de la mise à l’écart de ces propriétés pour des raisons militaires, la faune et la flore ont échappé à l’agriculture intensive et à l’expansion urbaine. Elles forment aujourd’hui un vaste écosystème à protéger.
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[95]
On a par exemple découvert dans une base de la raf à Lakenheath, la tombe d’un guerrier Saxon avec son cheval.
-
[96]
Voir Strategic Environmental Appraisal of the Strategic Defence Review, http://www.mod.uk.
-
[97]
« Sponsored Reserves » in White Paper, 1999, op. cit., chap. 62.
-
[98]
Pompier, photographe, linguiste, comptable, etc., ce sont plus de 80 métiers différents qu’exercent des civils pour le compte du mod, certains en Grande-Bretagne, d’autres à l’extérieur, comme dans les Malouines ou en Allemagne.
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[99]
Les effectifs ont chuté de 40 % entre 1979 et 1990. Ils sont passés « de 47 % à 36 %, en vingt ans, si la comparaison se réfère aux seuls militaires d’active ». Ces compressions ont touché pour l’essentiel des fonctionnaires et des ouvriers d’État, un tiers des baisses provenant de la privatisation d’usines d’armement et de chantiers navals militaires. Voir B. Boene et C. Dandeker, op. cit., p. 210.
-
[100]
White Paper, 1999, op. cit., chap. 91
-
[101]
Plaquette d’information du mod, op. cit., p. 9.
-
[102]
Le mod a ainsi introduit un nouveau système de paiement des salaires et une amélioration des congés de maternité et paternité.
-
[103]
Le mod entend développer une learning culture qui permettrait d’adopter un système de formation continue tout au long de la carrière. Les employés sont particulièrement incités à acquérir une compétence en comptabilité et en gestion de budget.
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[104]
L’ouverture sur l’industrie semble ainsi devoir être renforcée, notamment pour rendre la coopération dans la procédure d’acquisition plus efficace. Par ailleurs, le mod travaille à mettre en place une « structure plus flexible » des ressources humaines, afin qu’elles soient à même non seulement de travailler à des postes différents au sein du ministère de la Défense mais également d’être détachées dans d’autres ministères.
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[105]
B. Boene et C. Dandeker, op. cit., p. 211. Les auteurs constatent que 2 000 postes auraient été confiés à des civils plutôt qu’à des militaires. L’idée est de laisser aux soldats de métier « les postes indispensables en temps de guerre » et de confier aux civils (ou de sous-traiter) « les tâches requises uniquement en période de paix ».
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[106]
Rapport de l’Assemblée de l’ueo, op. cit., p. 6. Ceci est lié à des questions de salaires, de formation, d’équipement et d’avantages matériels (logement, santé, primes).
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[107]
Les raisons de cette tradition sont diverses. Il y a une dimension géographique, le caractère insulaire de la Grande-Bretagne la mettant en principe à l’abri d’une invasion (et, de fait, la dernière remonte à 1066). Il y a surtout une dimension sociologique : la méfiance traditionnelle à l’égard du pouvoir central se double d’une perception individualiste des relations : si les Britanniques acceptent une armée professionnelle pour défendre les frontières de l’empire, ils préfèrent s’occuper eux-mêmes de la défense de leur famille et de leurs biens. Ce « trait de civilisation fondamentale » se retrouve d’ailleurs aux États-Unis et au Canada. Voir B. De Bressy, Les armées citoyennes de réserve, américaine, britannique et canadienne, Défense nationale, avril 1997, pp. 77-78.
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[108]
Les Volunteer Reserve, sont constituées de la Royal Naval Reserve (3 100 hommes), de la Royal Marine Reserve (1 000 hommes), de la Royal Auxiliary Air Force (2 000 hommes) et de la ta (41 200 hommes).
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[109]
Les effectifs de la ta sont passés de 50 000 à 41 200 hommes.
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[110]
Pour la Commission de la défense de la Chambre des communes en effet, les réserves ont un triple rôle : c’est une ressource en cas de guerre massive, une alternative aux forces régulières en cas de sur-sollicitation de ces dernières et un vivier pour le recrutement. Or tant que les initiatives de la sdr n’ont pas pleinement prouvé leur succès, « la minoration substantielle de leur rôle pourrait s’avérer en réalité une fausse économie à l’heure où le recrutement de personnels s’avère être un véritable défi », B. George, op. cit., p. 28. Dans la même optique, J. Maples, op. cit., p. 37.
-
[111]
« Son rôle est de centraliser la gestion des personnels de la ta, en l’alignant davantage sur l’armée régulière et en concentrant en un point unique l’identification et la notification des individus mobilisables », Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 46e session, Les forces de réserves. La nouvelle situation créée par la professionnalisation des armées, document A/1712, 5 décembre 2000, p. 7.
-
[112]
Le rtmc est chargé de la préparation administrative, de l’entraînement individuel et de la couverture des besoins en ressources humaines des réservistes.
-
[113]
Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 2000, op. cit.
-
[114]
Pour ce qui est du soutien des armées modernes en opérations, l’expérience montre que les forces terrestres ont besoin d’au moins trois fois l’effectif des bataillons en place dans le cadre de la structure de forces déployée. Le déploiement de 60 000 hommes exigera donc une force opérationnelle totale de quelque 200 000 hommes. En outre, l’infrastructure requise pour soutenir l’ensemble nécessite un effectif en nombre égal. Ainsi, la mise sur pied d’une armée de métier moderne implique de disposer d’au moins cinq ou six personnes pour chaque soldat envoyé sur le terrain. C. Donnelly, op. cit., p. 30.
-
[115]
Les réservistes peuvent ainsi remplacer des soldats professionnels en poste au Royaume-Uni et qui seraient envoyés en opération. Ils peuvent également servir, en lieu et place des professionnels, dans la plupart des opérations de sécurité civile comme ce fut le cas lors de la crise de la « fièvre aphteuse » en avril 2001.
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[116]
Le rtmc a ainsi géré un premier groupe de réservistes, destiné à renforcer les forces britanniques stationnées en Bosnie et au Kosovo au mois de mai 1999.
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[117]
Il existe en effet de nombreuses contraintes à l’utilisation des réserves. Contraintes politiques d’abord, car il n’est pas assuré que le public accepte la mobilisation des réserves dans des « opérations qui n’ont pas pour but de parer à une menace grave pesant sur le pays », B. Boene et C. Dandeker, op. cit., p. 203. Économiques ensuite, car il n’est pas toujours acquis que les employeurs acceptent facilement les contraintes liées à la mobilisation de leur personnel réserviste. À cet égard le Royaume-Uni a créé dans les années 1990 le National Employement Liaison Committee pour étudier les problèmes posés aux entreprises par la mobilisation des réservistes. Voir Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 1999, op. cit., p. 22. Cependant la plus grande contrainte pour le mod reste le niveau de recrutement. La commission de défense de la Chambre des communes dans un rapport sur la directive sur l’appel des réserves de 1999 et l’état d’avancement de la restructuration de la ta remarquait avec inquiétude « la baisse considérable du nombre de réservistes de la ta et autres réservistes volontaires pour un service à temps plein ». Le nombre total de personnes volontaires dans les réserves a diminué d’un tiers. La commission, du coup, appelait le gouvernement a ré-envisager son projet de réforme des réserves.
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[118]
Rapport de l’Assemblée de l’ueo, 2000, op. cit., p. 13.
-
[119]
sdr, op. cit., chap. 1.
-
[120]
L’opération Palliser en Sierra Léone (mai 2000) a été particulièrement significative des capacités de déploiement rapide des forces britanniques. Il s’agit de la plus vaste opération militaire entreprise hors coalition par la Grande-Bretagne depuis les Falklands et elle aura permis d’apporter un réel soutien aux opérations de l’onu dans ce pays en proie à la guerre civile.
-
[121]
Les opérations de maintien de la paix au Kosovo constituent ainsi un exemple de présence continue des forces britanniques sur un théâtre d’opérations. La participation anglaise à la kfor s’illustre notamment par la coopération menée avec les scandinaves au sein de la brigade multinationale centre, chargée « de maintenir l’ordre public, de garantir la circulation des biens et des personnes et d’assister l’unmik (un Mission Kosovo) » dans le secteur de Pristina. Voir Y. Debay, « La brigade multinationale centre », Raid, no 175, décembre 2000, pp. 40-51.
-
[122]
Malgré les relents atlantistes de la gestion de la crise du 11septembre et de la question irakienne. Le ministre de la Défense britannique, Geoff Hoon, déclarait ainsi le 1er novembre 2000 devant la Chambre des communes : « Bien que la campagne du Kosovo ait parfaitement réussi à atteindre tous ses objectifs politiques et militaires, nous avons trop dû nous appuyer sur les Américains et leurs moyens. Nous ne pouvons pas, et nous ne devons pas, le faire indéfiniment pour les crises qui surviennent à notre porte. C’est pourquoi nous sommes au premier rang de ceux qui veulent adapter et moderniser les capacités de défense de l’Europe, comme nous l’avons fait pour les nôtres. […] Nous voulons donner à l’Union européenne la capacité de prendre à la fois des décisions militaires et le contrôle politique des opérations de gestion de crise », http://www.amb-grandebretagne.fr/uk_today/view_article.jsp?article=Nov7_2000_0& folder_id=57&folder_id_parent=4.
-
[123]
G. Robertson, op. cit., p. 9.
-
[124]
T.D. Kilvert-Jones, op. cit., p. 41.
-
[125]
La Defence Diplomacy et le maintien de la paix, la dissuasion des éventuels terroristes, la coercition notamment contre les États ou régimes qui d’une façon ou d’une autre appuient le terrorisme, les opérations commandos voire des opérations de grande ampleur contre les États hôtes.
-
[126]
Au 17 juillet 2002, le gouvernement annonçait pour l’année suivante, une hausse du budget de la Défense de 3,5 milliards de livres.
-
[127]
Voir L. Unterseher, op. cit.
-
[128]
« Select Committee on Defence », The Strategic Defence Review. Policy for People, 2nd Report, session 2000-2001, http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/cm200001/cmselect/cmddefence/29/2915.htm, par. 173-174.
-
[129]
B. George, op. cit., p. 30.
-
[130]
sdr, op. cit., chap. 206.
-
[131]
On a cependant pu se demander s’il fallait, pour accroître l’efficience de la politique de défense, raisonner effectivement en termes d’opérations conjointes comme le fait la sdr ou si, ce qui devenait au fond nécessaire, n’était le parachèvement d’une véritable unité au sein des Affaires militaires. En d’autres termes, là où la sdr recherche l’intégration conjointe, ne faudrait-il pas chercher à centraliser? T. Garden, op. cit., p. 51.
-
[132]
À cet égard la presse anglaise révèle parfois quelques anecdotes significatives. Ainsi le Times a fait état de ce que le mod dépensait près de 30 000 livres par an pour financer des opérations d’implants mammaires au profit de femmes militaires. Le mod présentait cette dépense comme nécessaire au bien-être de femmes complexées par leur poitrine. Reste que la population, compréhensive face à des implants visant à reformer une poitrine suite à une mammectomie, se montre beaucoup plus sceptique lorsque l’argument est psychologique ou esthétique. M. Evans, « Military Pays 30,000£ for Breast Implants », Times, 27 avril 2001, p. 1.
-
[133]
De 3,45 milliards de livres pour le budget 2005-2006.
-
[134]
B. George, op. cit., p. 29.
-
[135]
Le propos doit cependant être nuancé avec la prise de position du gouvernement Blair à la suite des évènements du 11 septembre et au cours de l’intervention en Afghanistan. La Defence diplomacy reste pourtant, ainsi que l’affirme Geoff Hoon, un élément central et l’un des cinq axes permettant de contrer les menaces du terrorisme international.
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[136]
Introduction, White Paper, 1999, op. cit., chap. 1.