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Alors que 170 pays se réunissent pour évaluer les progrès depuis la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, le président de la conférence, devant les multiples impasses, se demande ouvertement si les États ont vraiment la volonté de travailler ensemble pour arrêter la dégradation de l’environnement. Lui et d’autres remettent même en question l’utilité des grandes conférences de l’onu : « Si l’on ne peut même pas réaffirmer ce qu’on a adopté récemment », se demande un participant, « toutes ces réunions en valent-elles la peine[1] ? »

Johannesburg, 2002 ? Non, New York 1997, alors que les États s’étaient réunis dans le cadre d’une conférence intitulée « Rio + 5 » afin, déjà, de faire le bilan des actions entreprises et de donner une plus grande impulsion au Plan d’action de Rio (dit Agenda 21). Rio+5 fut un échec patent : la société civile et les États étaient peu mobilisés ; le programme d’action adopté vague et limité. On ne pu même s’entendre sur une déclaration politique[2].

Dix ans après Rio et cinq ans après New York, le Sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable (smdd) a été, lui aussi, accusé d’échec par les uns, de réussite partielle par les autres. Face aux espoirs déçus, certains annoncent la fin des grandes conférences onusiennes. D’autres, en revanche, voient dans la conclusion de partenariats et l’adoption de certaines cibles le début de nouvelles formes de coopération et l’émergence de nouvelles responsabilités. On sait que les bilans ne reflètent souvent que les a priori politiques et normatifs de leurs auteurs. Chacun aura ses propres critères : doit-on comparer Johannesburg aux actions passées ou à celles qu’exigeraient les défis de l’avenir, par exemple ? Crier à l’échec ou au succès fait aussi partie d’une stratégie politique visant à exercer davantage de pression sur les gouvernements, à mobiliser l’opinion ou à légitimer ses actions futures.

Comparons, au départ, ce qui est comparable, c’est-à-dire Johannesburg à Rio + 5 plutôt qu’à Rio. Lors de cette dernière rencontre, toutes les questions qui se trouvaient alors à l’agenda politique international dans le domaine de l’environnement étaient sur la table. Le coeur de la Conférence des Nations Unies sur le développement et l’environnement fut le grand compromis sur le développement durable, la mobilisation des pays du Sud et la reconnaissance d’acteurs nouveaux (les « groupes principaux[3] »), la reconnaissance de principes en émergence ou récemment invoqués à travers une déclaration politique solennelle, la signature de deux grandes conventions (sur les changements climatiques et la diversité biologique) et de lignes directrices sur les forêts, et l’adoption d’un vaste plan d’action que tous les acteurs savaient être une entreprise de longue haleine offrant essentiellement des points de repère pour des actions futures (Agenda 21).

Rio + 5 (à New York) et Rio + 10 (à Johannesburg), en revanche, furent plus modestes par leur portée (les domaines couverts étaient moins nombreux) mais plus optimistes quant à leurs ambitions (par l’adoption éventuelle d’engagements précis). C’est à Rio + 5, et non à Rio, qu’en plus des questions traditionnelles s’en profilèrent de nouvelles qui allaient gagner en complexité et figurer au coeur du processus du smdd, telles que la pauvreté, la gouvernance ou les relations entre commerce et environnement[4].

Le bilan du smdd doit aussi porter sur le processus en entier et ne pas se limiter à la décade d’août et septembre 2002 durant laquelle s’est joué l’acte final d’une pièce en plusieurs actes (et sans fin ; le « sommet de Johannesburg » qui a rassemblé 191 États n’est pas que le sommet de Johannesburg. Mais avant d’aborder les éléments de bilan du Sommet, il est utile d’en rappeler le contexte.

I – Le contexte du smdd

A — La conjonction d’une triple évolution

Le smdd est l’aboutissement d’une triple dynamique qui a caractérisé les questions environnementales, économiques et commerciales depuis les premiers préparatifs du Sommet de Rio. Sur le plan environnemental, le paysage conceptuel, juridique et institutionnel s’est considérablement diversifié et complexifié depuis 1992, avec l’adoption de plus d’une dizaine d’accords majeurs[5] et la création de nouvelles institutions internationales visant à suivre soit la mise en oeuvre d’Agenda 21 (la Commission du développement durable [cdd] de l’onu), soit celle d’accords spécifiques[6]. Ces institutions ont des statuts différents mais constituent de nouveaux acteurs majeurs qui, souvent, entrent en concurrence avec les organisations internationales de gestion plus anciennes ; d’où de nombreux appels à une rationalisation de l’architecture institutionnelle existante.

Sur le plan conceptuel, la décennie qui sépare Rio et Johannesburg a vu le renforcement de l’importance et de la complexité des problèmes à l’échelle du globe (tels que les changements climatiques), l’affirmation de principes nouveaux (principe de précaution par exemple), le développement d’outils d’intervention, l’émergence d’approches novatrices et l’affirmation des liens entre protection de l’environnement et d’autres problématiques (sécurité, commerce, droits humains, comportement des entreprises).

Si le discours sur le développement durable est devenu omniprésent, le contenu, la portée et l’opérationalisation des principes affirmés à Rio sont demeurés controversés. Et si au niveau international, les progrès furent marqués, le constat doit être plus réservé sur le plan national, même si les situations diffèrent d’un pays à l’autre. L’espoir qu’avait suscité la fin de la guerre froide d’une réorientation majeure des politiques de développement et d’environnement est largement resté vain. Plusieurs États abandonnèrent le rôle moteur qu’ils avaient joué par le passé ; d’autres (Allemagne, Pays-Bas), en revanche, choisirent de jouer un rôle plus actif et de se servir des institutions – notamment européennes – pour diffuser ces nouvelles normes. Mais la 19e session spéciale de l’Assemblée générale des Nations Unies (dite « Rio + 5 ») montra que les progrès dans la mise en oeuvre des éléments les plus importants d’Agenda 21 restaient très limités. La réunion elle-même fut incapable de renouveler la dynamique de coopération internationale.

Rio était un Sommet à la fois sur l’environnement et sur le développement. Ces deux problématiques poursuivirent ensuite leur évolution parallèle. La dette, l’aide au développement et la pauvreté continuèrent de susciter l’attention de l’onu (alors que les États semblaient s’en détacher) qui organisa plusieurs grandes conférences sur la population et le développement (1994), le développement social (1995), les femmes (1995), les établissements humains (Habitat ii, 1996), les Pays les moins avancés (2001) et le racisme (2001). Les éléments touchant la lutte contre la pauvreté de la Déclaration du Millénaire[7], adoptée en 2000 par les chefs d’État et de gouvernements réunis lors de l’Assemblée générale des Nations Unies (agnu) à New York, document qui, pour beaucoup d’entre eux, n’avait qu’une valeur symbolique, se transforma en un programme d’action qui fut placé au coeur du smdd. La réunion de Monterrey de mars 2002, quant à elle, examina les questions économiques et financières traditionnelles du développement afin d’éviter qu’elles ne dominent le Sommet à venir et de susciter une dynamique de coopération et d’engagement susceptible de se répercuter sur les autres enjeux du Sommet. La promotion du Nouveau partenariat pour l’Afrique (nopada/depad[8]), lancé en juillet 2001 et dont l’importance en termes d’engagement, de processus et d’objectifs ne cessa de s’affirmer en 2002 – notamment au Sommet des pays du G8 qui, en juin 2002, adoptèrent un Plan d’action pour l’Afrique – garantit que le volet « développement » du smdd serait largement dominé par les besoins des pays africains.

Enfin, la mondialisation des échanges et les questions commerciales, largement absentes à Rio, ont redéfini la problématique du développementet de l’environnement. Les impacts du libre-échange sur les politiques d’environnement, l’accès aux marchés, la signature d’accords de libéralisation accompagnés ou non d’institutions nouvelles chargées de promouvoir une évolution par le haut des politiques d’environnement nationales[9], les relations entre les régimes de libéralisation des échanges et de protection de l’environnement sont au coeur de l’écopolitique internationale contemporaine et suscitent des controverses croissantes. L’Organisation mondiale du commerce (omc) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ompi) sont donc devenues des joueurs nouveaux importants, et des questions nouvelles se posent concernant le règlement des différends potentiels entre les régimes commerciaux et ceux touchant la protection de l’environnement. Les questions d’environnement et de commerce, par le fait du libre-échange, deviennent rapidement indissociables. Le smdd se situait donc à l’intersection de ces trois évolutions parallèles mais reliées entre elles ; les enjeux et les dynamiques du Sommet reflétèrent ces trois dynamiques.

B — L’aboutissement d’un processus

C’est par l’adoption de la résolution 55/199 du 20 décembre 2000, que l’agnu enclenchait le processus de préparation au Sommet de Johannesburg. Au lieu de renégocier Agenda 21 et la Déclaration de Rio, le Sommet devait remédier aux limites de Rio en termes de financement et d’engagements concrets et renouveler l’engagement international en faveur du développement durable. Face au Sommet de Rio dont de nombreux pays avaient déploré la concentration sur la protection de l’environnement et les problèmes d’environnement à l’échelle mondiale, l’agnu n’appelait pas à un autre « Sommet de la Terre » mais à un Sommet du développement (durable) ; l’agenda changeait donc de nature de façon marquée. Il ne s’agissait plus d’adopter des traités spectaculaires mais d’entreprendre des mesures concrètes.

La phase préparatoire fut concentrée sur une courte période, soit environ quinze mois. Si elle vit un grand nombre de réunions régionales (le niveau de coopération régionale étant appelé à s’affirmer), on ne retiendra pas, contrairement au processus de Rio, de déclarations politiques emblématiques de la position des pays du Nord et du Sud, en partie, sans doute, à cause de l’éclatement des alliances diplomatiques qui avaient caractérisé l’écopolitique internationale jusqu’à une période récente. Ces réunions régionales des gouvernements, ainsi que de nombreuses rencontres des groupes principaux, visaient à bâtir un consensus autour de questions clefs, à identifier des priorités d’action et à souligner les bonnes pratiques régionales. Elles devaient, par la suite, alimenter les trois réunions préparatoires officielles qui suivirent la réunion inaugurale de la cdd en mai 2001 (New York, janvier et mars 2002, et Bali – au niveau ministériel – en mai 2002).

Parallèlement se tint une série de discussions formelles sur la réforme de la gouvernance internationale de l’environnement sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (pnue)[10]. En sa qualité de président du Conseil d’administration du pnue, ce fut le ministre canadien de l’environnement, David Anderson, qui présida le groupe intergouvernemental sur la gouvernance de l’environnement chargé « d’entreprendre une évaluation des faiblesses institutionnelles existantes, ainsi que des besoins et options futurs en matière de renforcement de la gouvernance de l’environnement, y compris le financement du pnue ». Ce processus aboutit à une décision adoptée à la septième session spéciale du Conseil d’administration du pnue en février 2002, décision intégralement reprise par le plan de mise en oeuvre de Johannesburg[11]. Enfin, la dynamique du développement avait prévu un Sommet sur le financement du développement qui se tint à Monterrey, en mars 2002, et permit d’alléger les discussions du Sommet de Johannesburg, bien que ses résultats fussent modestes.

II – Les dimensions du smdd

A — Des « Sommets » et des réalités différentes

Le Sommet de Johannesburg rassembla plusieurs manifestations parallèles, parfois sans grand lien entre elles, impliquant des acteurs parfois différents et couvrant des enjeux divers. Les gouvernements négociaient au palais des congrès de Sandton ; le « Village Ubuntu », relativement proche de ce dernier, rassemblait les stands des pays et de certaines organisations inter-gouvernementales et abritait de multiples sessions d’informations sur les réalisations, les initiatives et les projets de différents acteurs ; un « Forum Global », série de manifestations et d’ateliers sur des sujets divers plus ou moins liés aux négociations en cours, fut organisé par les ong et les organisations communautaires et largement marginalisé en raison de sa grande distance du palais des congrès[12] ; le secteur privé et les organisations concernées par tous les enjeux liés à l’eau se retrouvèrent au  « Dôme de l’eau », à une certaine distance des autres lieux de rencontre; enfin, différents hôtels ou bâtiments, non loin du palais des congrès, abritaient une série de réunions d’information et de réflexion[13]. Comme dans toutes les réunions importantes dans le domaine de l’environnement depuis une dizaine d’années, mais à une échelle encore bien plus vaste, aux réunions officielles s’ajoutaient de nombreux évènements parallèles où chacun (gouvernements, oig, entreprises, ong, groupes de recherche) fit la promotion de ses idées, de ses espoirs ou de ses réalisations.

Si toutes ces manifestations attirèrent un grand nombre de participants, les chiffres réels furent plus modestes que prévu (on parlait, avant le Sommet, de 40 000 à 60 000 personnes). L’onu dénombra environ 9 000 délégués gouvernementaux, 8 000 observateurs des groupes principaux et 4 000 journalistes[14]. Cent sept pays furent représentés par leurs chefs d’État ou de gouvernement, moins qu’à Rio et moins que prévu[15]. Chacun y fit la promotion de ses perspectives, de ses programmes et de ses priorités. Si l’ordre du jour des négociations fut large mais plus circonscrit qu’à Rio (pauvreté, commerce et développement, environnement, droits, etc.), la nature des questions abordées ailleurs fut illimitée. De nombreux groupes ne s’intéressaient pas aux négociations proprement dites mais étaient avant tout soucieux de promouvoir leur agenda et d’étendre leur liste de contacts.

Un tel Sommet constitue donc un « instantané » de ce que la communauté internationale estime politiquement acceptable, des souhaits de certains États et des aspirations d’une multitude d’acteurs. Il permet de faire le point sur le chemin parcouru et la diffusion de normes, de développer la cohérence entre les évolutions sectorielles (et de stimuler la diffusion de normes d’un secteur a l’autre) et d’identifier les grands thèmes possibles de l’agenda politique futur.

B — Aspects politiques

L’agenda du sommet a largement été défini par le secrétaire général Kofi Annan qui, dans un bilan de Rio, avait souligné l’absence de progrès dans la protection des ressources naturelles et la lutte contre la pauvreté, identifié les nouveaux défis qu’entraînent la mondialisation, le développement des communications, et l’émergence de nouvelles menaces (telles que le sida), et attribué les faibles progrès au manque de ressources, à l’absence de volonté politique et de coordination et à des modes de production et de consommation inadaptés[16]. Le secrétariat général des Nations Unies, qui, contrairement à Rio[17], contrôlait la préparation du Sommet par l’entremise du secrétaire général adjoint pour le développement durable, Nitin Desai, fit de la section de la Déclaration du Millénaire relative à la pauvreté, le point central de Johannesburg et en identifia les principaux thèmes comme étant l’eau, l’énergie, la santé, l’agriculture et la biodiversité (wehab[18]).

L’appréciation des résultats de Johannesburg tourne en grande partie autour d’un débat sous-jacent : le Sommet devait-il confirmer et renforcer les acquis des réunions récentes (face à leur contestation par plusieurs pays) ou bien aller au-delà ? Ceci affectait notamment les questions les plus controversées : i) la place des principes de précaution et de responsabilités communes mais différenciées, ii) la nature des cibles que devait contenir le Plan d’action et qui, pour beaucoup d’entre elles, figuraient déjà dans la Déclaration du Millénaire (assainissement, énergies renouvelables, biodiversité, pêcheries, produits chimiques, etc.), iii) la (bonne) gouvernance, iv) la place des droits de la personne, v) la création d’un fonds de solidarité mondiale, vi) les questions commerciales, vii) les ressources naturelles, viii) la nature des biens publics mondiaux, ix) l’avenir du protocole de Kyoto, x) les modes de production et de consommation, xi) la mondialisation et xii) les dimensions sociales du développement durable. Toutes ces questions furent âprement négociées pour finalement, pour la plupart, être renvoyées aux sessions ministérielles qui durent trancher[19].

Les circonstances susceptibles de mener à un blocage sont sans surprise. Les négociations rencontraient des difficultés chaque fois que le texte du plan d’action semblait limiter l’autonomie de l’État, le Groupe des 77 et les États-Unis étant particulièrement soucieux de préserver leur liberté d’action nationale. Ceci prenait diverses formes, telles qu’éviter l’imposition de lignes directrices, de modèles ou de politiques particulières, ne pas s’engager à entreprendre des actions internes spécifiques (en insérant généralement de la souplesse dans le texte) ou refuser l’imposition d’obligations émanant de conventions qu’un État n’aurait pas ratifiées. La proposition européenne de faire référence aux normes de travail fondamentales de l’Organisation internationale du travail, par exemple, suscita de profondes controverses. Dans une certaine mesure, par conséquent, le volet social du développement durable, même s’il fut plus présent qu’à Rio, progressa peu.

L’adoption de cibles a été maintes fois évoquée comme un indicateur de la volonté réelle des États de s’engager résolument dans le développement durable et la réduction de la pauvreté. Moins que la simple mention d’une cible, les blocages provenaient de la conjonction d’une échéance précise et d’engagements spécifiques ou de l’association d’une date à des résultats (par opposition à des actions). Les États qui répugnent traditionnellement à mentionner engagement et échéance dans un même paragraphe sont encore moins disposés à s’engager à atteindre des résultats bien définis. L’Union européenne, cependant, insistait sur un engagement envers des résultats ; d’autres, tels les États-Unis, préféraient s’en tenir à une direction puisque l’atteinte de résultats ne dépend pas uniquement de l’action gouvernementale. Certains objectifs de la Déclaration du Millénaire, tels que celui de réduire de moitié la proportion de personnes n’ayant pas accès à de l’eau potable (par. 7 du Plan de mise en oeuvre), furent contestés sur cette base.

D’autres aspects du texte de négociation qui, immanquablement, menaient à des blocages faisaient référence à des principes dont la définition et l’usage demeurent controversés. Le principe de précaution, dont l’Union européenne voulait réaffirmer l’importance dans la prise de décision et qu’elle désirait étendre à d’autres domaines tels que la santé, suscita de vives discussions. Enfin, les États du Nord soulevaient des objections face à toute proposition qui menaçait d’entraîner une augmentation des dépenses (par exemple, la création d’un Fonds de solidarité mondiale, par. 6(b)) ou, pour certains d’entre eux, toute suggestion qui semblait aller au-delà des accords récents de Doha et de Monterrey.

Face à ces nombreuses difficultés, quel bilan peut-on faire du sommet de Johannesburg, et, en particulier, du plan de mise en oeuvre ?

III – Les éléments d’un bilan 

Les critiques du smdd furent nombreuses et n’attendirent pas le début du Sommet. Si l’on se rapporte, tout d’abord, aux objectifs initiaux du Sommet, il est clair que certains furent rapidement abandonnés. C’est le cas, notamment, de l’exercice de bilan qui devait être fait et qui n’a pas vraiment eu lieu. Les réunions préparatoires (Prepcoms) n’ont pas abordé la question. L’onu, comme à son habitude, s’est contentée soit de demander aux organisations pertinentes de résumer leurs actions depuis Rio, soit d’affirmer des apriorismes destinés à justifier l’agenda à venir. Même si la gestion politique de tels bilans est délicate, la communauté internationale perdit l’occasion de réfléchir aussi bien sur les progrès accomplis (et ils furent notables) que sur les obstacles qui demeurent et de remettre en question les idées reçues. Il est vrai, cependant, qu’une telle réflexion devait être entreprise sur une base régionale, ce qui aurait également permis de souligner l’importance croissante de ce niveau de coopération. Malheureusement, la plupart de ces réunions ne firent que répéter le mantra habituel sans vraiment intégrer une identification des leçons apprises à une réflexion sur les directions à prendre.

Le smdd devait également remédier aux limites de Rio en termes de financement et d’engagements concrets. Les ong ont largement dénoncé l’absence de cibles sur les énergies renouvelables et le caractère vague ou l’échéance trop éloignée d’autres cibles. D’autre part, l’exercice de négociation a soit réduit le nombre d’engagements chiffrés (d’une trentaine initialement à une vingtaine), dont beaucoup réaffirment les engagements de la Déclaration du Millénaire ou d’autres réunions antérieures, soit affaibli ceux retenus. Les observateurs ont eu beau jeu de dénoncer l’absence d’avancées notables sur ce point. L’encadré 1 reprend les principales cibles adoptées à Johannesburg.

Cibles et engagements du Plan de mise en oeuvre du smdd

D’ici à 2003 :

  • Promouvoir l’entrée en vigueur de la Convention de Rotterdam (pic) (par. 22 (a)).

D’ici à 2004 :

  • Promouvoir l’entrée en vigueur de la Convention de Stockholm (pop) (par. 22 (a)).

  • Établir, au sein des Nations Unies, un processus régulier en vue de l’évaluation globale de l’état de l’environnement marin (par. 34 (b)).

  • Mettre en oeuvre des initiatives en faveur des Petits États insulaires en développement (pollution d’origine tellurique, tourisme, énergie ; par.52-53) et évaluation du Plan d’action de La Barbade (par. 55).

D’ici à 2005 :

  • Réduire de 25 % la prévalence du vih chez les hommes et les femmes de 15 à 24 ans, dans les pays les plus affectés et au plan global d’ici à 2010, (par. 48)[20]. Prendre des mesures immédiates afin d’effectuer des progrès dans la formulation et l’élaboration des stratégies nationales de développement durable et débuter leur mise en oeuvre (par. 145 (b)).

D’ici à 2010 :

  • Réduire de façon significative le taux actuel de perte de la diversité biologique (par. 42)[21].

D’ici à 2015 :

  • Réduire de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu quotidien est de moins de un dollar par jour, la proportion de la population qui souffre de la faim et celle qui n’a pas accès à de l’eau potable (par. 6 (a)) ; cible contenue dans la Déclaration du Millénaire.

  • Réduire de moitié la proportion de la population sans accès à des installations sanitaires de base (par. 7).

  • Maintenir ou rétablir aux niveaux permettant une exploitation maximale soutenable les stocks de poissons en déclin (par. 30 (a)).

  • Réduire des deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans et le taux de mortalité maternelle des trois quarts (par. 46 (f)) ; cible contenue dans la Déclaration du Millénaire.

  • S’assurer que tous les enfants seront en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et les garçons auront, à égalité, accès à tous les niveaux d’éducation (par. 56 (e)) ; cible contenue dans la Déclaration du Millénaire.

  • Améliorer l’accès à des services et ressources énergétiques fiables, abordables, économiquement viables, socialement acceptables et non préjudiciables à l'environnement, de façon à atteindre les objectifs de développement de la Déclaration du Millénaire, incluant celui de réduire la pauvreté de moitié (par. 8).

D’ici à 2020 :

  • Améliorer sensiblement la vie d’au moins 100 millions d’habitants de taudis, conformément à l’initiative « Villes sans taudis ni bidonvilles » (par. 10) ; cible contenue dans la Déclaration du Millénaire.

  • Utiliser et produire des produits chimiques de façon à ne pas induire de conséquences néfastes sur la santé humaine et sur l’environnement (par. 22).

Outre les cibles de la Déclaration du Millénaire qui toutes furent réaffirmées, on peut aussi relever d’autres engagements concrets sur les océans, l’eau, les produits chimiques et la biodiversité. Mais de nombreuses mesures demeurent vagues (effectuer des progrès dans l’élaboration et la mise en oeuvre de stratégies nationales de développement durable), d’autres avaient été énoncées auparavant dans d’autres forums, certains engagements antérieurs furent affaiblis (biodiversité) et d’autres cibles, enfin, simplement abandonnées (énergies renouvelables).

Cependant, il faut se garder de faire de l’adoption de nombreuses cibles précises l’indicateur principal du succès ou de l’échec de cette réunion. Cela supposerait que l’on possède des indicateurs et des données fiables, ce qui est rarement le cas pour l’environnement, voire même le développement. L’estimation du nombre d’individus sous le seuil de la pauvreté, par exemple, est notoirement sujette à caution. Comment savoir alors si la cible aura été atteinte ? Comment éviter que tout résultat ne soit utilisé pour ou contre la politique d’un État ou l’action d’une oig ? Comme il y a une obligation de résultat, comment conclure que les résultats observés ne sont dus qu’à l’action gouvernementale en association avec d’autres acteurs ? Les cibles sont, en fait, moins importantes que les institutions qui sont mises en place et les incitations qui permettent d’encourager des comportements différents : certaines cibles pourraient être atteintes sans que quoi que ce soit change, d’autres demeurer élusives en raison de changements du contexte des politiques.

Sur le plan financier, le Groupe des 77 espérait obtenir des engagements nouveaux. Or, il n’y eut pas d’engagements financiers au-delà de ceux de Monterrey. En revanche, comme à Monterrey, un certain nombre de pays profitèrent de la tenue du Sommet pour annoncer des aides financières exceptionnelles. Ce fut, notamment, le cas du Japon, de l’Allemagne et de l’Union européenne. D’autre part, le Plan de mise en oeuvre réaffirme des postulats courants sur les synergies quasiment automatiques entre différentes valeurs (protection de l’environnement, développement et droits de la personne, par exemple), tout en ignorant leurs contradictions potentielles entre, par exemple, objectifs de développement ou commerciaux (tels que l’accès aux marchés) et les objectifs de protection de l’environnement ou de développement social. Il est vrai que l’objectif d’un tel Sommet est moins d’analyser et de comprendre que de mobiliser ; mais on peut regretter que le processus de préparation n’ait pas encouragé de telles études.

Un troisième aspect que l’on peut estimer négatif furent les tentatives de remise en cause d’acquis antérieurs : principe de précaution, approche écosystémique, l’arrêt et l’inversion de la perte de biodiversité, pourtant adoptée à la 6e conférence des Parties de la convention sur la diversité biologique (cdb), etc. Au lieu d’élargir la portée et la nature des normes et des engagements sur le développement durable et la protection de l’environnement adoptés antérieurement, le Sommet annonça plutôt comme une victoire le blocage de tout effort visant à les remettre en cause ou à subordonner le développement durable aux règles des régimes commerciaux.

Une perspective plus optimiste, en revanche, y verrait un renforcement des tendances et acquis récents, que ce soit sur le plan des objectifs (contenus dans la Déclaration du Millénaire, le protocole de Cartagena, la Déclaration de Doha de l’omc ou le consensus de Monterrey), des principes déjà affirmés dans la déclaration de Rio (principe de responsabilité commune mais différenciée promu par les Pays en développement, principe de précaution), des approches (approche écosystémique de la cdb), du contexte de la prise de décision (transparence, « bonne » gouvernance) ou des impacts de la mondialisation et de la libéralisation des échanges.

Le principe des cibles a été accepté et fait maintenant partie de l’ordre du jour du développement durable. Après une évolution sectorielle des questions au sein ou à l’intersection des différents régimes créés dans ces domaines et le développement d’agendas parallèles (environnement, développement, commerce), le smdd fut l’occasion d’identifier les liens entre des problématiques qui semblent disparates, d’entrevoir des synergies possibles et de stimuler la diffusion de normes d’un secteur à l’autre[22]. Les mêmes acteurs ne se retrouvent pas toujours dans les divers forums où se discutent les questions de développement ou d’environnement. Il est rare, par exemple, que les ministères des Finances ou des Affaires étrangères soient prêts à aller aussi loin que leurs collègues de l’Environnement ou de la Coopération pour le développement. Ne pas avancer n’est pas nécessairement reculer. La confirmation de tendances récentes (sous la forme de reprise du langage spécifique sur des points controversés contenus dans des accords récents) ne signifie donc pas un recul dans un système de gouvernance décentralisé et dans un monde dont certains paramètres politiques et économiques ont profondément changé depuis 1992. On pense, entre autres, au principe de précaution ou au langage faisant référence aux rapports entre l’omc et les accords multilatéraux sur l’environnement (ame). Dans ce dernier cas, par exemple, les négociateurs de Johannesburg reprirent le texte du Protocole de Cartagena sur la protection des risques biotechnologiques, ce qui signifiait que les tentatives de certains pays (Canada, États-Unis) de subordonner les ame à l’omc furent à nouveau repoussées.

Les résultats de ce Sommet ont donc aussi des aspects positifs et prometteurs. Si l’on s’attache au processus, le niveau de participation international fut élevé (quelque 191 États et 3 230 organisations de la société civile[23]). L’Union européenne et quelques autres pays (comme la Norvège) se sont affirmés comme les plus soucieux d’avancer la coopération et de renforcer les engagements internationaux dans les domaines du développement durable et de la lutte contre les changements de l’environnement à l’échelle du globe. Les États ont adopté un Plan d’action substantiel, une déclaration[24] et, surtout, encouragé le développement des initiatives dites « de type ii », soit les partenariats public-privé[25]. Ces partenariats, déjà présents dans la Déclaration du Millénaire, ont fait l’objet de fortes critiques a priori de la part de secteurs de la société civile, critiques qui reflétaient des craintes multiples, allant de l’abandon du rôle de l’État au manque de cohérence entre les projets ou à la mainmise du secteur privé sur la définition des priorités de développement, et donc la crainte de l’abandon effectif des volets sociaux et environnementaux du développement durable. Pourtant ces initiatives de type ii recèlent de nombreuses promesses, qui, toutefois, devront s’appuyer sur certaines conditions pour se réaliser.

Les partenariats font référence à des initiatives alliant gouvernements, secteur privé et société civile (ong) dans la réalisations de projets concrets visant la mise en oeuvre du développement durable. Ils signifient la reconnaissance du rôle potentiel et essentiel que doit jouer le secteur privé dans ce domaine : il s’agit de faire du secteur privé un partenaire légitime et à part entière. Ces initiatives procèdent à la fois d’un engagement graduel de certains secteurs de l’industrie depuis Rio et de la régression de l’aide publique au développement. Elles sont censées stimuler l’aide en faveur du développement durable à travers la mobilisation du secteur privé afin d’atteindre des objectifs sectoriels précis (eau ou énergie, par exemple), réconcilier a priori les différentes attentes des partenaires (et donc faciliter la mise en oeuvre des projets) et augmenter la transparence des actions des divers acteurs associés à des projets de développement durable[26]. Loin de signifier l’abandon de ce domaine par l’État, ces partenariats affirment, au contraire, son importance face à des tendances vers la privatisation des normes internationales du développement durable, telles que les normes de certification écologique négociées entre ong et producteurs[27].

Nous n’en sommes, il est vrai, qu’au stade des promesses dont la réalisation repose sur un certain nombre de conditions. Les partenariats devraient être clairement reliés au plan de mise en oeuvre adopté à Johannesburg afin de renforcer la cohérence des initiatives, porter sur des projets nouveaux et donc représenter une injection de fonds additionnels, être élaborés conjointement dès le départ, représenter une mobilisation équilibrée dans tous les domaines de priorité du plan de mise en oeuvre afin d’éviter les déséquilibres, et promouvoir l’émergence de normes communes de responsabilité sociale (notamment, mais pas uniquement celles qui s’appliqueraient aux entreprises) afin d’encadrer les discussions entre les trois partenaires. Le secrétariat de Johannesburg a identifié des lignes directrices qui autoriseraient à se prévaloir de ce titre, et la Commission du développement durable de l’onu est appelée à jouer un rôle majeur dans la définition et les caractéristiques des projets de type ii. Plus de 220 partenariats furent lancés durant le Sommet[28].

Comme tout Sommet, Johannesburg fut aussi l’occasion de renforcer certains thèmes et d’en inscrire de nouveaux à l’ordre du jour diplomatique. Dans le premier cas, il eut pour effet de stimuler la réflexion et l’action en faveur du développement durable et la visibilité des questions qui y sont attachées, telles que le financement de la lutte contre la désertification[29] ou l’avènement de la problématique de l’eau. Dans le second cas, Johannesburg, à travers les discussions ministérielles sur la gouvernance internationale de l’environnement a initié une réflexion en profondeur sur l’architecture institutionnelle onusienne relative à la protection de l’environnement et à la promotion du développement durable[30]. Relevons également la question de la relation entre droits humains d’une part et environnement (par. 152), santé ou pratiques religieuses (par. 42) d’autre part[31], la responsabilité des entreprises et la transparence des décisions, ou la notion de biens publics mondiaux dont la Suède, la France et le pnud se sont faits les promoteurs.

Ce dernier exemple met en évidence la fonction de socialisation de ces Sommets aussi difficile à mesurer qu’impossible d’ignorer[32]. À Johannesburg, celle-ci s’est opérée à travers les séances plénières sur l’eau, l’énergie, l’agriculture, la biodiversité, la santé et les questions transversales, auxquelles s’ajoutèrent quatre tables rondes au plus haut niveau, où États et autres organisations purent exprimer leurs points de vue sur ces enjeux, à travers les contacts entre délégués (qu’ils soient fonctionnaires ou de la société civile), ou à travers les nombreux évènements parallèles, la diffusion d’informations ou de simples rencontres.

On pourrait aussi reprendre les arguments habituellement avancés depuis la réunion de Stockholm en 1972 sur les effets indirects de ces Sommets. Ces effets, eux aussi souvent difficiles à percevoir et à évaluer, varient fortement d’un pays ou d’une organisation à l’autre. Il est probable que dans le cas du smdd, ils furent plus modestes qu’à Stockholm (1972) ou Rio (1992), de tels effets dépendant souvent de l’engagement de l’État[33]. La tenue d’un tel sommet peut, en effet, stimuler les conditions internes nécessaires à la réalisation du développement durable ou à l’adoption et à l’atteinte des objectifs de protection de l’environnement (coordination entre administrations, renforcement des ministères concernés, transparence et participation, éducation publique, stimulation de la recherche, structuration des ong, stimulation de l’aide extérieure, etc.).

Conclusion

Le smdd est un événement complexe à facettes et résultats multiples qui a des limites certaines mais recèle aussi de nombreux aspects positifs. Sur le plan politique, il a vu l’affirmation du rôle moteur que joue maintenant l’Union européenne en l’absence des États-Unis[34], ces derniers et le Groupe des 77 conclurent, dans bien des cas, une alliance diplomatique pour s’opposer aux premiers, et le Canada tenter d’équilibrer une remise en question de certains acquis ou de certains développements possibles (principe de précaution ; relations entre régimes commerciaux et environnementaux) et un rôle moteur dans d’autres domaines (droits humains). Mais le smdd a surtout marqué le triomphe d’Indira Ghandi qui, trente ans auparavant, avait dans une formule célèbre caractérisé la pauvreté comme « la pire des pollutions ». Les pays du Sud ont largement tiré leur épingle du jeu du Sommet, même si leurs divisions furent aussi plus palpables (notamment sur les droits de la personne). Ils ont défini le problème (le développement durable) et le thème principal (la pauvreté), en dépit de certaines tensions que l’accent mis sur la pauvreté entraîna au sein même de ce groupe. Par l’entremise du secrétariat de l’onu, ils ont imposé la Déclaration du Millénaire comme cadre de référence et largement évité des obligations nouvelles ou l’imposition de nouvelles normes.

La dynamique de Johannesburg montre également combien la communauté internationale tente toujours de digérer le Sommet de Rio et de donner corps à l’évolution politique, juridique, institutionnelle et sociale des dernières années. Agenda 21 est un document immense et complexe, un agenda pour un siècle, pas une décennie. La déclaration de Rio accole, sans les intégrer ou les hiérarchiser, les principes soutenus par les pays du Nord et ceux soutenus par les pays du Sud, certains ayant été réaffirmés dans de nombreux accords subséquents, alors que d’autres continuent d’être remis en question. Le monde n’étant pas statique, le contexte et donc les impacts de la mise en oeuvre de ces principes changent avec le temps ; il n’est donc pas surprenant que certains acteurs cherchent à les remettre en question.

De tels rassemblements sont-ils encore utiles, si on compare leurs résultats à la mobilisation d’énergies et de moyens qu’ils entraînent ? Le gouvernement des États-Unis et quelques ong ont posé ouvertement la question. Le gouvernement sud-africain, pour sa part, pense y avoir trouvé son compte, en termes financiers et politiques. Si beaucoup de groupes écologistes ont déploré la marginalisation des questions environnementales, celle-ci est moins le reflet d’un manque d’attention que du développement institutionnel de ce domaine d’action. La dynamique de coopération actuelle et future en termes d’environnement réside dans les institutions sectorielles spécialisées créées ou renforcées depuis Rio. Le smdd a tracé les limites mais aussi légitimé cette évolution en permettant, en quelque sorte, de faire le point et d’entériner ces évolutions sectorielles.

Johannesburg représente peut-être la fin d’un cycle mais ne sonne pas le glas des « grand-messes » de l’onu[35]. Ces rassemblements ont des fonctions multiples non négligeables et ne sont que la pointe d’un processus de préparation intensif et mobilisateur. Les grandes conférences sur les femmes, la population, les droits de la personne ou l’environnement des années 1980 et 1990 ont eu pour fonction d’identifier ou de renforcer certains domaines d’action. En diffusant les normes et les principes qui sous-tendent ou devraient sous-tendre un régime donné, certains y voient même « les congrès constitutionnels périodiques des régimes[36] ». Certes, une pause d’une dizaine d’années est envisageable[37], comme ce fut le cas après le cycle de conférences sectorielles des années 1970, mais ces conférences seront toujours nécessaires afin de placer de nouvelles questions à l’ordre du jour, d’affirmer l’évolution de la coopération internationale dans une variété de domaines ou de stimuler les conditions internes des progrès nationaux. Bien que de nombreuses ong aient dénoncé l’ampleur et l’inutilité d’un tel sommet, la participation au Forum global de Porto Alegre de 2003 fut supérieure à celle de Johannesburg. C’est dire combien les fonctions de réflexion, de mise en réseau, de soutien, d’échanges, de mise à l’ordre du jour, de structuration, de visibilité, de publicité, et de communication de tels rassemblements sont importantes.

Il demeure vrai que ces conférences menacent de s’écrouler sous le poids de leurs propres agendas ou de leurs propres contradictions. Le souci d’éviter la dispersion était au coeur de l’organisation de l’ordre du jour du smdd, bien plus restreint que celui de Rio. Le fait d’avoir simplement réaffirmé les acquis récents et ouvert de nouvelles voies de coopération peut sembler un échec ; mais dans la conjoncture actuelle de désaffection politique face aux questions d’environnement et de développement, cela doit être vu aussi comme un succès.