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La littérature abonde d’ouvrages sur la sécurité en Asie-Pacifique : mentionnons, seulement pour les années récentes, la série Asia Pacific Security Outlook dirigée par Charles E. Morrison ; China, India, Japan and the Security of Southeast Asia, de Chandran Jeshurun (dir), 1993 ; India and Asia Pacific Security, de Chand Attar, 1996 ; Asia-Pacific’s Security Dilemma. Multilateral Relations Amidst Political, Social and Economic Changes, de Abdul Razak Baginda et Anthony Bergin (dir.), 1998 ; Asia-Pacific Security. China’s Conditional Multilateralism and Great Power Entente, de Jing Dong Yuan, 2000 ; The Many Faces of Asian Security, de Sheldon Simon (dir), 2001 ; Pacific Asia. Prospects for Security and Cooperation in East Asia, de Melvin Gurtov (dir.), 2002 ; L’Asie menacée, de Gérard Hervouet, 2003. Cette littérature est nettement dominée par une réflexion anglo-saxonne, car peu de titres en français abordent cette problématique.

Cet ouvrage se présente donc comme une contribution de plus aux recherches sur la définition de la sécurité en Asie-Pacifique. Le fil conducteur de ces réflexions a changé : autrefois centré sur la rivalité entre superpuissances dans le cadre de la guerre froide, puis de l’émergence de puissances régionales (Inde, Chine, Japon) dans une région dominée par les États-Unis malgré leur retrait des Philippines en 1992, la question, de façon peu originale dans cet ouvrage, part de la prémisse des bouleversements consécutifs au 11 septembre 2001... Prétexte à une rencontre entre chercheurs australiens de l’Université de New South Wales et chinois du Shanghai Institute for International Studies, cette thématique du 11 septembre est cependant peu abordée dans l’ouvrage – non pas qu’il s’agisse d’un tournant incontournable pour aborder les questions de sécurité en Asie, car bien d’autres questions stratégiques n’ont que peu à voir avec cet événement : mais on se demande alors pourquoi cette tragédie est mise de l’avant par un ouvrage qui n’en parle pas...

Cet ouvrage est donc, plus qu’une synthèse de réflexion, un assemblage des réflexions présentées lors de ce séminaire, et, semble-t-il, hâtivement assemblées : introduction des plus légères, absence de définition du concept de sécurité étudié, et qui, comme trop souvent, tourne autour des seules questions militaires ; enfin, absence de conclusion. On ne sera pas surpris non plus de voir les questions abordées sur l’Australie et la Chine dominer l’ouvrage : 5 chapitres sur 14 pour chacun de ces pays. Ne restent qu’un chapitre sur le Japon, et aucun sur la question de la Corée du Nord ; un chapitre sur les institutions régionales ; un chapitre sur toutes les questions de sécurité de l’Asie du Sud-Ouest; et une dernière réflexion, très théorique, sur le rôle du constructivisme dans le débat sur la question de la sécurité en Asie-Pacifique. À ce titre, il aurait mieux fallu, pour ne pas tromper le lecteur sur le contenu de l’ouvrage, souligner dans le titre du livre la part très importante consacrée aux seules considérations australiennes et chinoises.

L’intérêt même de certaines contributions laisse à désirer. Le chapitre sur l’économie du savoir en Chine, de Tian Zhongqing, semble totalement hors de propos ; quant aux deux chapitres sur China’s Efforts as a Responsible Power et China and the Asia-Pacific Security Building in the New Century, ils pourraient parfaitement constituer des discours officiels du ministère des Affaires étrangères chinois, déclinant la bonne volonté du gouvernement chinois, le rôle stabilisateur et pacifiant d’une Chine en émergence : « la Chine ne constituera jamais une menace militaire pour d’autres pays » (p.72). Voilà qui rassurera les Indiens et les Vietnamiens. À ce seul titre – l’analyse du discours – ils méritent d’être lus; mais en aucun cas n’apportent-ils une analyse critique de la politique chinoise. A contrario, le chapitre de Carlyle Thayer, China’s ‘New Security Concept’ and Southeast Asia présente une intéressante analyse, sans concession mais rigoureuse, sur les objectifs diplomatiques et stratégiques chinois dans la région.

Décevant de par sa structure, l’absence de réflexion globale, la place trop importante et un peu complaisante accordée à certains pays, l’ouvrage pèche encore plus par la faible avancée qu’il constitue quant aux causes de l’évolution des questions de sécurité en Asie-Pacifique. Alors qu’il ne constitue qu’un des très nombreux ouvrages sur la question, un effort minimal de synthèse, de réflexion, d’analyse des causes des évolutions soulevées aurait été le bienvenu.