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Ce collectif, qui se veut une oeuvre totale, s’inscrit dans la foulée des ouvrages sur la politique comparée, plus communs dans la littérature anglo-saxonne, mais moins courants dans le monde francophone.

L’ouvrage se divise en trois principales parties. Il s’agit de « Définition et évolution de la politique étrangère », « La conduite étatique de la politique étrangère » et « Déterminants et instruments de la politique étrangère ».

La première partie établit le cadre théorique et conceptuel, donnant le ton à celles qui suivent. Dans « Définition et repères », Roosens et Bento Beja cherchent à préciser les contours, identifier les objets et désigner les acteurs de la politique étrangère. Les auteurs s’efforcent de clarifier les appellations concurrentes : relations internationales, relations extérieures, politique internationale, etc. Ils fournissent également des éléments de réflexion sur les caractéristiques propres et les rapports de la politique étrangère avec la politique intérieure. Face aux changements survenus depuis la fin des années 80 et la transformation de nature de la politique étrangère, Roosens et Beja appellent l’État à s’adapter aux nouvelles réalités afin de rester pertinent sur la scène internationale.

Christophe Dubois étudie la « genèse philosophique de la politique étrangère » à travers une revue succincte des anciens, comme Sun Tzu et Thucydide, du médiéval chrétien, de la Renaissance et le poids du réalisme de Machiavel et Thomas More, les Modernes tels Hugo Grotius, Thomas Hobbes et Baruch Spinoza, le xviiie siècle des Lumières, structuré autour des quatre maîtres mots qui sont la raison, la nature, le progrès et le bonheur, avec des géants tels Emmanuel Kant, Montesquieu. Le xixe siècle, avec son expérience de la démocratie et des nationalismes, nourrit les phénomènes révolutionnaires qui stimulent la proclamation du principe de la souveraineté populaire et nationale.

Dans « le modèle d’élaboration et de gestion de la politique étrangère », Roosens s’attache à appréhender l’influence du temps sur les origines et le développement de l’appareil institutionnel dont les États se sont progressivement dotés pour gérer leurs rapports avec l’étranger.

La prise de décision en politique étrangère fait l’objet de la réflexion de Vincent Legrand qui distingue trois générations dans l’évolution de ce champ. Il voit complémentaires les approches « positiviste – behavioriste – managériale » et « constructiviste – réflexive – critique ».

« Nouvel ordre mondial, nouvelle diplomatie ? » fait l’objet de la réflexion de Rick Coolsaet et Tine Vandervelden qui tentent de démontrer que les idées sur la mort de la politique étrangère, telle qu’exercée avant les années 1990, et la disparition de l’État en tant que pilier essentiel du système international, comme la conséquence inévitable de la mondialisation, ne sont pas récentes et qu’elles tiennent plus du mythe que de la réalité.

La deuxième partie consacrée à la conduite étatique de la politique étrangère étudie quelques cas. Claude Roosens analyse le rôle du Président, du gouvernement et le Parlement dans la politique étrangère de la France sous la ve République. Dans cette hiérarchie, le président a la main haute sur les Affaires étrangères, malgré le changement profond survenu sous la ve République.

« La politique étrangère dans le présidentialisme américain » fait l’objet de l’analyse d’Amine Ait-Chaalal. Le président est l’acteur majeur du système politique américain, avec des pouvoirs très étendus. Le Congrès y joue un rôle secondaire quoique essentiel. Le président et le Congrès sont en compétition permanente pour plus de pouvoir. Les structures non officielles, les lobbies, les médias et les think tanks, d’ailleurs comme l’opinion publique, exercent une certaine influence dans le champ de la politique internationale des États-Unis.

Selon Thierry Balzacq, la politique étrangère du Royaume-Uni est marquée par trois facteurs : le pouvoir exécutif domine par le premier ministre ; la faiblesse du pouvoir législatif ; et la prégnance de l’ethos du Foreign and Commonwealth Office. Quant à la société civile, elle intervient notamment par l’entremise des ong et des médias.

La politique étrangère de la Russie postsoviétique est étudiée par Laetitia Spetschinsky. Elle divise l’étude de cette politique en constant devenir en quatre périodes, du faux départ de 1991 sous Boris Eltsine à la clarté politique des années 2000 avec Vladimir Poutine.

Les sources constitutionnelles de la politique étrangère de l’Allemagne et du Japon sont étudiées par Michèle Schmiegelow. Concluant sur les diverses pondérations institutionnelles distinguables entre les politiques étrangères de certaines démocraties libérales, elle affirme la suprématie du législatif au Japon et celle du judiciaire en Allemagne, en comparaison des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni ou l’exécutif domine le processus décisionnel.

Dans une courte analyse, Christophe Dubois étudie la situation libanaise, pays arabe et proche de l’Occident, où la politique intérieure de l’État et sa conduite extérieure constituent des domaines connectés. Amine Ait-Chaalal se penche sur la politique étrangère de l’Algérie, marquée par les grands dossiers des quarante dernières années, de la décolonisation au non-alignement, en passant par le conflit israélo-arabe et les questions énergétiques.

Olivier Lanotte examine la politique étrangère du Congo-Zaïre sous le règne du général Mobutu et Laurent-Désiré Kabila. Si la gestion mobutiste était marquée par le clientélisme, l’affairisme, la personnalisation des rapports entre élites politiques et la « diplomatie du chantage », la diplomatie Kabila correspond par une perte effective de la maîtrise de Kinshasa sur ses relations extérieures et par un délitement de la souveraineté du Congo.

Dans une étude intéressante, Françoise Massart-Piérard décrit la politique étrangère des entités fédérées, consacrant une partie de son article au cas québécois. « L’Union européenne, acteur international atypique » de Tanguy de Wilde d’Estmael est la suite logique du texte de Massart-Piérard. L’auteur y analyse les différents aspects de la pesc.

La troisième partie est consacrée aux déterminants et instruments de la politique étrangère. Elle enferme sept articles et un épilogue. Ils couvrent des sujets fort intéressants et aussi variés que l’espace, force profonde de la politique étrangère, le rôle du temps dans la politique étrangère, crise et politique étrangère, démocratie et politique étrangère, la négociation, pratique de politique étrangère, les sanctions économiques comme moyens de politique étrangère et l’instrument militaire dans la politique étrangère.

À part des répétitions, inévitables dans un collectif de textes, l’ouvrage représente un intérêt certain pour les étudiantes/ts et les enseignantes/ts des relations internationales. Il se lit facilement.

Sur le plan de la forme, il serait préférable de revoir l’ordre de la présentation des articles. Après avoir commencé par la définition et l’évolution de la politique étrangère (1ère partie), la direction de l’ouvrage présente les textes d’études de cas (2e partie), suivis par d’autres textes qui étendent l’aspect théorique de la politique étrangère (3e partie). Un réaménagement des parties éviterait toute confusion et tout va-et-vient inutile entre théorie et étude de cas ; la troisième partie remplaçant la deuxième partie.