À travers leur ouvrage La régulation néolibérale. Crise ou ajustement ?, Raphaël Canet et Jules Duchastel, ont choisi de resituer les réalités politiques nées du mouvement néolibéral. Grâce aux différents auteurs à qui ils ont fait appel, les coordonnateurs ont adopté « une position critique par rapport à ces profondes transformations induites par le passage au néo-libéralisme politique ». C’est ainsi une manière de revisiter des notions que l’on utilise peut-être trop rapidement : la gouvernance qui remplacerait le gouvernement, la société civile, la démocratie (représentative/participative), la mondialisation et surtout, le rôle des États dans cet univers contemporain. Voilà une approche qui se révèle fort intéressante car, même si certains États restent encore réticents et tardent à l’admettre, le néolibéralisme s’impose chaque jour plus fermement comme une donnée dont nous ne pouvons plus nous soustraire. Aussi est-il important, comme nous y convient les auteurs de nous interroger sur les incidences politiques du néo-libéralisme. Comme l’exprime fort justement Raphaël Canet : « Le retour du politique dans la mondialisation, ce n’est pas simplement les contestations populaires et autres forums social mondial et européen, c’est l’avènement d’un nouveau mode d’organisation politique faisant fi des notions classiques de souveraineté, de représentation et de légitimité. » Nous sommes alors invités, à travers les articles qui composent ce recueil de contributions, à nous interroger sur les valeurs qui animent depuis l’ère des Révolutions européennes les âmes des États. Le plus commun dans ce type d’ouvrage est de trouver des articles trop hétérogènes pour en tirer quelque chose de captivant et surtout de signifiant. Présentement, le livre ne tombe pas dans ce piège. Son découpage en trois parties dont deux plutôt théoriques (Partie 1 : Nouvelles formes de régulation et démocratie et Partie 2 : Économie politique et libéralisme) défendent avec cohérence des approches enrichies de données empiriques (Partie 3, Le néolibéralisme en actes). Avant cela, Jules Duchastel décrit l’orientation de l’ouvrage. Son texte éponyme présente la thématique générale commune à l’ensemble des textes : Quelle est la place des citoyens dans l’univers qui nous gouverne ? Quel est le rôle des institutions ? Quel est le sens de la démocratie ?, etc. Face à ces questionnements, les articles qui suivent lancent des pistes. L’article de Laurent Pech par exemple décrit l’importance des logiques privées dans l’usage du droit. Sa contribution annonce celle d’Anick Veilleux puis celle de Raphaël Canet qui poursuivent cette interrogation à partir du rôle que jouent les firmes multinationales dans la gouvernance mondiale. Quels peuvent bien être les rôles des citoyens dans un environnement qui semble dépasser le fonctionnement des États-nations ? Simon Perrault parachève ce tour d’horizon en s’interrogeant sur une forme de mobilisation citoyenne « mondiale » : les forums comme espace de revendications de « droit d’avoir des droits ». La seconde partie du livre se questionne sur les différents aspects de l’économie néolibérale proprement dite : la haute finance (Olivier Régol), la question de la régulation des marchés financiers et la question des normes et des codes de conduite financiers (Anick Veilleux et Christian Deblock), puis les incidences du néolibéralisme dans l’usage du droit de la propriété intellectuelle, particulièrement important dans le cadre des économies fondées sur la recherche et le développement (Marc-André Gagnon). Peter Graefe complète cette section en interrogeant l’économie sociale et la démocratie dans le cadre néolibéral. C’est-à-dire qu’il fait le pont récapitulatif entre la première partie et la seconde et annonce l’ultime section qui se fonde sur des études de cas. En effet, la 3e partie prend pour point de départ des situations déterminées géographiquement (l’aire latino-américaine et le Canada) afin de …
Canet, Raphaël et Jules Duchastel (dir.), La régulation néolibérale. Crise ou ajustement ?, Outremont, qc, Athéna éditions, 2004, 391 p.[Record]
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Jean Marie Izquierdo
CERVL, Sciences po, Bordeaux, France