Comptes rendus : Théorie, méthode et idées

Thakur, Ramesh, Andrew F.Cooper et John English (dir.), International Commissions and the Power of Ideas, New York, United Nation University Press, 2005, 317 p.[Record]

  • Gabrielle Lachance

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  • Gabrielle Lachance
    Sociologie, option développement, Québec

« Ce sont les idées qui mènent le monde » écrivait Renan. Il faudrait toutefois distinguer les idées des idéologies dont il n’est nullement question dans ce volume publié à la suite d’un congrès organisé conjointement par l’Université des Nations Unies et l’Université de Waterloo (Canada) avec l’apport d’universitaires et de praticiens de diverses disciplines et provenant des cinq continents. Le pouvoir des idées y est étudié à travers une série de commissions internationales ayant connu un rayonnement important dans le monde. Quatorze chapitres font état des principaux aspects de cette question et apportent un éclairage fort pertinent sur certains des problèmes les plus importants du monde actuel. Après une présentation élaborée de la problématique centrée sur les idées en tant qu’expressions de forces sociales et le rôle des commissions internationales dans la gouvernance mondiale, le contenu des rapports les plus célèbres sont présentés dans les sept chapitres suivants. Le Rapport Brandt (1980) a proposé une réforme majeure de l’ordre économique international que les gouvernements du Nord ont rejetée. Toutefois, en tant que best-seller, il a eu une influence significative sur l’histoire du développement. Ses idées maîtresses – interdépendance et solidarité – sont toujours d’actualité. Ce rapport a posé les questions fondamentales sur le développement, a fait l’unité autour de certaines idées et a animé le débat entre les visions néolibérale et sociale-démocrate du développement. Le Rapport Palme (1982) a popularisé la notion de « sécurité commune » et a inspiré le développement d’autres concepts comme la défense non offensive. Son influence a été marquée surtout dans le milieu académique, les ong, auprès de ceux qui élaborent des politiques à l’onu et chez les États membres. Les recommandations du rapport sont toujours d’actualité et les principaux concepts énoncés sont généralement acceptés. Le Rapport Brundtland (1987) a connu une grande popularité. Le concept de « développement durable », qui établit un lien entre environnement et développement, demeure central dans le discours environnemental international. Il a été renforcé par les institutions, les conférences, les agences gouvernementales et les initiatives de développement qui l’ont adopté comme principe. Encore aujourd’hui, le travail de la Commission influence la façon de comprendre et de définir la gouvernance environnementale internationale. La Commission sur la gouvernance mondiale tente de répondre au besoin de réforme des Nations Unies. Son rapport (1995) présente deux approches conceptuelles du multilatéralisme et de la gouvernance mondiale : l’approche traditionnelle qui accepte la configuration existante et une autre qui met l’accent sur l’importance d’analyser le lien entre l’évolution de l’ordre mondial et les changements à apporter aux manifestations concrètes du processus multilatéral. Ses recommandations sont ambiguës : elles reflètent les deux approches du multilatéralisme et chevauchent les concepts et les pratiques de la gouvernance multilatérale. Le Rapport Canberra (1997) sur la place des armes nucléaires dans la sécurité internationale est considéré comme le plus important parmi plusieurs études et rapports sur la question. À partir de la notion de « bon citoyen international », il préconise l’usage de la diplomatie et l’élaboration de politiques de désarmement au niveau multilatéral, ce qui est tout à fait novateur dans la pratique des relations internationales en matière de sécurité. Le rapport continue de jouer un rôle important dans les discussions sur le contrôle des armes et le désarmement. La Commission mondiale sur les barrages est une expérience de gouvernance internationale des plus novatrices dans le domaine du développement durable. Son rapport (2000), favorablement accueilli, questionne ce que ces grands projets représentent : un progrès ou une injustice. De 45 000 grands barrages construits entre 1950 et 1990, on est passé à 250 dans les années …