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Ce volume rassemble divers articles publiés entre 1970 et 2001 et concernant l’aide publique au développement international. Il n’est pas le premier. On peut citer dans la même veine sous la direction de Finn Tarp, Foreign Aid and Development. Lessons Learnt and Directions for the Future, Londres, Routledge, 2000. En dépit de l’étalement dans le temps des différentes contributions du volume ici recensé et des modes qui ont affecté les discussions sur l’aide au développement, le thème des conditions accompagnant l’aide revient sous plusieurs formes. On pourrait faire de l’ancienneté de certaines contributions un reproche, mais elle permet de souligner la récurrence de ce thème incontournable. Les difficultés de sanctionner le pays qui ne respecte pas les conditions mises à l’aide qu’il reçoit et les efforts en vue de l’associer à la définition de ces conditions ne datent pas d’hier.

Les douze premières contributions sont rassemblées sous le titre International Political Economy of Aid. La première, par P. Bauer et B. Yamey (1982), critique toute aide publique parce qu’elle contredirait le « bon » fonctionnement du marché, politiserait l’économie et créerait des dépendances perverses. On commence donc par la plaidoirie de l’avocat du diable. Selon la deuxième, par J.M. Cohen, M.S. Grindle et S.T. Walker (1985), les bailleurs de fonds insistent sur la nécessité de réforme dans les pays qu’ils assistent, mais sans réfléchir suffisamment à la possibilité pratique d’appliquer ces réformes dans le contexte bureaucratique et politique particulier de ces pays. Ils veulent imposer une rationalité économique à des décideurs du tiers-monde contraints par une rationalité différente. La troisième, par P. Burnell (1994), envisage quelques conditions pour qu’un bailleur de fonds puisse exiger une amélioration de la gouvernance dans un pays assisté. D’abord, il faut préciser clairement les objectifs et ne pas en rester à des voeux pieux. Ensuite, les exigences du bailleur de fonds ne seront crédibles que si elles sont mesurées et cohérentes, tiennent compte des particularités du pays et sont acceptées par sa population. Enfin, ces exigences doivent paraître s’inscrire dans une politique cohérente du bailleur de fonds. La quatrième contribution, par B.R. Opeskin (1996), discute du fondement moral de l’aide internationale. S’agit-il de justice distributive ou corrective ? Dans la cinquième, M. Edwards et D. Hulme (1996) traitent de l’impact de l’aide publique sur les ong. La réputation d’efficacité et de légitimité qu’elles ont, est-elle fondée et ne la perdront-elles pas en devenant tributaires de cette aide et en grossissant ? La sixième contribution, par B. Connolly (1996), a pour objet l’aide environnementale et ses difficultés. Les perspectives des bailleurs de fonds ne sont pas celles des pays pauvres et l’aide n’est jamais suffisante pour soutenir l’effort à long terme que requiert une politique environnementale. Il est donc nécessaire que l’aide soit planifiée stratégiquement pour créer une dynamique qui se prolongera au-delà d’elle. T. Carothers (1997), dans la septième contribution, envisage l’aide aux processus de démocratisation. Cette aide prétend imposer des modèles tout faits et occidentaux, sans même réfléchir à l’expérience historique, lente et tâtonnante de l’Occident. Elle ne tient pas suffisamment compte des forces sociales à l’oeuvre dans les pays en voie de développement (pvd) et ne comprend pas que pour démocratiser un pays, il faut s’engager dans les combats politiques propres à ce pays. Cette critique vise particulièrement les interventions américaines, mais l’auteur estime que l’on peut l’adresser à plusieurs bailleurs de fonds. Dans la huitième contribution, T. Killick (1997) montre que l’aide conditionnelle n’est pas efficace pour changer les politiques économiques d’un pays. Elle n’a pas plus d’efficacité que des sanctions internationales et pourrissent le climat entre bailleurs de fonds et pvd. Dans la neuvième, S. Maxwell et R. Riddell (1998) envisage les avantages et les difficultés d’une aide fondée sur un partenariat et un contrat à long terme entre bailleur de fonds et pvd tels que ceux que proposait le département britannique d’aide internationale en 1997. La dixième, par A. Richley (2000), fait l’historique du point de vue féministe dans l’aide au développement. Dans la onzième, J.E. Leandro, H. Schafer et G. Frontini (1999) proposent une nouvelle approche de l’aide conditionnelle après avoir souligné l’échec généralisé de cette dernière jusqu’ici. Pour que les conditions attachées à l’aide soient respectées, il faut d’abord que le pvd soit en charge des réformes conditionnant l’aide, que celles-ci s’inscrivent dans une perspective à moyen ou long terme, et que les différents bailleurs de fonds coordonnent leurs conditions. Dans la douzième, N. Woods (2000) demande au fmi et à la Banque mondiale, qui exigent une bonne gouvernance des pvd, qu’ils appliquent davantage à eux-mêmes cette exigence, notamment la transparence, la participation de tous les intéressés aux décisions les concernant et l’imputabilité. La manière dont ces deux institutions en arrivent à des décisions a besoin de réforme pour que ces décisions soient et paraissent légitimes. Le consensus qui prévaut en leur sein reflète en fait l’influence disproportionnée des États-Unis. Les pvd n’y ont pas une voix suffisante et s’y font imposer une idéologie économique et politique anglo-saxonne.

Les contributions 13 à 17 se retrouvent sous le titre The Economic Context. Aid Effectiveness. La treizième, par K. Griffin (1970), aborde la question de savoir si l’aide internationale et le capital étranger contribuent aux investissements en pvd ou servent à augmenter la consommation en autorisant moins d’investissements domestiques. P. Mosley, J. Hudson et S.  Horrell (1987), dans la quatorzième, se demandent pourquoi l’efficacité de l’aide est si variable, pourquoi elle stimule la croissance dans certains pays et non dans d’autres. E.L. Bacha (1990), dans la contribution suivante, examine les conséquences de la suppression de la dette étrangère dans les pvd. Dans la seizième, C. Burnside et D. Dollar (1990) traitent de l’interaction entre aide internationale, croissance et politique économique. Ils estiment que la première n’a d’influence sur la seconde que si elle est accompagnée d’une bonne politique économique dans le pays aidé et que l’aide devrait donc être conditionnelle à une telle politique. Dans la dix-septième contribution, H. Hansen et F. Tarp (2001) montrent que l’aide favorise la croissance en favorisant l’investissement.

Les contributions 18 à 21 sont regroupées sous le titre Aid and Government Fiscal Behaviour. P.S. Heller (1975), dans la dix-huitième, traite de la relation entre aide, investissement et taxation. H. Pak et J. Rothenberg Pack, dans la dix-neuvième, analysent les effets de l’aide sur les dépenses publiques de l’Indonésie. Ils concluent que l’aide a poussé à la hausse les dépenses de l’État et qu’elle a été allouée là où le voulaient les bailleurs de fonds. Dans la vingtième contribution, S. Franco-Rodriguez, O. Morrissey et M. McGillivray (1998) examinent l’impact de l’aide sur la fiscalité, les dépenses et les emprunts du secteur public au Pakistan entre 1956 et 1995. Ils estiment que la moitié des sommes reçues est allée à des investissements publics et que le reste a pu réduire les taxes. M. McGillivray et O. Morrissey (1990), dans la contribution suivante, se demandent non pas quel est l’impact de l’aide sur les dépenses du gouvernement, mais quel est son impact sur la fiscalité et sur les revenus du gouvernement.

Sous le titre The Political Economy of Aid Allocation se trouvent les contributions 22 à 26. Dans la vingt et unième, R.D. McKinley et R. Little (1997) développent un modèle analytique des motivations de la politique étrangère américaine en matière d’aide. Il s’agit de comprendre quels sont les intérêts qui sont derrière les allocations de l’aide internationale des États-Unis entre 1960 et 1970. Dans la contribution suivante, A. Maizels et M.K. Nissanke (1984) envisagent deux motivations de l’aide internationale : les besoins des pvd, les intérêts des bailleurs de fonds. La première explique plutôt l’aide multilatérale et la seconde, davantage l’aide bilatérale. Cependant, l’importance de chacune de ces motivations a changé avec le temps et différents pays donateurs ont des motivations différentes. M. McGillivray et E. Oczkowski (1992), dans la vingt-quatrième, étudient les décisions d’allocation d’aide des Britanniques. Dans la vingt-cinquième, E. Grilli et M. Riess (1992) examinent les déterminants de l’aide européenne. Ils distinguent trois variables : les besoins des pvd, leurs dettes et leur commerce avec les pays de la Communauté européenne (ce). Il ressort de leur étude que l’aide bilatérale des pays de la ce est principalement motivée par leur intérêt commercial, bien qu’il y ait des différences entre leurs motifs, et que l’aide multilatérale de la ce est axée sur les besoins des pvd. Dans la vingt-sixième, P.J. Schraeder, S.W. Hook et B. Taylor analysent les diverses motivations de l’aide de la France, du Japon, de la Suède et des États-Unis.

Les six dernières contributions se trouvent sous le titre Donor Aid Politics. Influence and Tied Aid. La vingt-septième, par P. Mosley (1985), traite de l’influence que l’électorat peut exercer sur l’aide internationale de son gouvernement. Dans la vingt-huitième, D.T. Yasutomo (1989) explique pourquoi le Japon est devenu un des plus grands bailleurs de fonds, sinon le plus grand, pour l’aide internationale. Depuis la parution de cette contribution, l’aide japonaise a décliné. Dans la vingt-neuvième, O. Morrissey (1990) examine le rôle des intérêts des exportateurs britanniques dans l’allocation des aides entre 1978 et 1988. Le même auteur (1993), dans la contribution suivante, montre comment, au sein d’un même gouvernement, la politique d’aide peut entrer en conflit avec la politique du commerce extérieur, ou comment l’intérêt des pvd est mal servi par une aide liée aux intérêts des exportateurs du pays pourvoyeur d’aide. D.L. Clarke (1997), dans la trente et unième, examine l’aide pour fins de sécurité que les États-Unis donnent à Israël et l’Égypte. Il les critique radicalement et les estime contraires aux intérêts américains, mais il constate aussi que le lobby pro-israélien est puissant auprès du congrès et que l’aide à l’Égypte accompagne comme son ombre celle qui va à Israël. Dans la dernière contribution, S.W. Hook et Guang Zhang (1998) traitent de l’aide japonaise depuis la fin de la guerre froide et complètent utilement ce que dit Yasutomo dans la vingt-huitième contribution. Le discours du ministère des Affaires étrangères avait annoncé dès 1989 un tournant important dans la politique d’aide. Désormais, on voulait étendre celle-ci au monde et pas seulement à la région économique que domine le Japon ; on voulait aussi ne plus lier l’aide au commerce extérieur ou aux investissements extérieurs du Japon ; on tenterait d’améliorer l’état de la société et de la politique et pas seulement les infrastructures économiques. Pourtant, la politique d’aide n’a pas beaucoup changé ; le miti plus que le ministère des Affaires étrangères semble continuer à l’influencer.

Ce volume est centré sur l’aide publique internationale en général et ne traite pas de l’aide à un secteur particulier. Il reconnaît le déclin relatif de cette aide depuis la fin de la guerre froide et de la rivalité entre l’Est et l’Ouest, dans un contexte de mondialisation où le flux de capitaux privés et le commerce international semblent promettre tellement plus, mais laissent aussi pour compte beaucoup de monde. Ce volume aborde une série de questions classiques et relativement théoriques qui se posent aux responsables de l’aide publique. Il s’adresse à eux, qu’ils soient fonctionnaires ou politiciens. Journalistes et universitaires y trouveraient aussi des informations utiles pour mieux comprendre les enjeux, les difficultés ou la nécessité de l’aide. Certaines questions sont traitées avec plus de clarté ou de talent que d’autres, mais toutes sont pertinentes. La présentation du volume pourrait être critiquée : les différentes contributions sont reproduites dans des formats différents de celui dans lesquels elles ont d’abord été publiées ; leur origine ou leur date ne sont pas révélées d’une manière standardisée. Ce n’est là cependant qu’un défaut mineur.