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Les forces économiques sont de plus en plus reconnues en tant que principaux facteurs dans la compréhension des problèmes géopolitiques contemporains. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des conflits entourant l’exploitation des matières premières. À la lumière des récentes expériences internationales, aucune paix durable ne peut être atteinte sans une compréhension du rôle des comportements économiques dans la transformation et la résolution des conflits. Par ailleurs, il n’existe sans doute aucun conflit récent qui représente mieux l’impact des luttes armées autour des ressources naturelles que la guerre en République démocratique du Congo. Différentes factions armées cherchent à contrôler l’exploitation des matières premières, lesquelles fournissent le moyen de poursuivre la guerre et sont également l’objet de toutes les convoitises.

Issu de la série de documents publiés par l’Académie internationale pour la paix, ce volume est le fruit de programmes de recherche sur les défis de développement et de sécurité en Afrique. Le volume est fondé sur des enquêtes de terrain menées par trois chercheurs qui ont analysé les conflits et le processus de paix en République démocratique du Congo. Le volume est agrémenté de cartes, tableaux, graphiques et est superbement référencé.

Le volume présente d’abord les différents acteurs économiques et institutionnels de la rdc ainsi qu’une chronologie des événements ayant mené au conflit. Les auteurs démontrent que la politique et l’économie de la rdc ont toujours été influencées par l’exploitation des très abondantes ressources naturelles. Cette exploitation a établi les fondations de l’État colonial et a forgé l’essentiel des liens économiques du pays avec les gouvernements étrangers et les marchés globaux depuis l’Indépendance.

Le livre trace ensuite un portrait de l’économie politique de la guerre au Congo. Les auteurs analysent les conditions présidant à l’émergence d’une économie de guerre ainsi que l’impact qu’ont les belligérants sur les conditions créées par le conflit. Le texte présente ensuite avec force et détails les principaux acteurs tant domestiques qu’étrangers, leurs intérêts économiques et leurs stratégies. Cette démarche permet de démontrer que les intérêts économiques sont centraux à la compréhension du conflit, ont forgé le cours et le caractère de la guerre et sont instrumentaux à l’établissement de la paix, ainsi qu’aux processus de reconstruction du pays. Ce chapitre est certes le plus intéressant du volume.

Le chapitre suivant offre une abondance de détails sur le degré d’intégration des différents agendas économiques dans l’élaboration du processus de paix associé à la guerre du Congo. Les auteurs analysent les relations politiques et militaires qui ont facilité la réalisation des intérêts économiques des différents acteurs et leur influence dans l’orientation des initiatives proposées par la communauté internationale pour résoudre le conflit.

Le volume aborde ensuite les impacts d’une économie de guerre. Les auteurs identifient les principaux défis à la reconstruction du pays en termes de nouvelles structures économiques, de rupture dans l’agriculture de subsistance et de droit de propriété. Cette approche permet d’évaluer les différents programmes de reconstruction menés par les agences multilatérales et d’analyser le nouveau cadre législatif nécessaire pour attirer les investissements et faciliter la production dans le secteur minier.

Le dernier chapitre présente certaines leçons politiques reliées aux processus de paix et de guerre en République Démocratique du Congo. Parmi celles-ci, notons le rôle des acteurs externes, la pertinence d’un système fédéral, les limites des organisations africaines régionales, la nécessité d’intégrer les corporations privées, l’importance des questions de citoyenneté et les systèmes de gouvernance. De l’avis des auteurs, ces facteurs peuvent contribuer à identifier les meilleures approches à la prévention et à la résolution de conflits affichant une importante dimension économique.

En ciblant sur une seule étude de cas, le livre apporte un complément aux études existantes, notamment les études quantitatives et les études théoriques, en démontrant le poids des dimensions économiques dans la formation de conflits. Ce volume offre une analyse sur le conflit en rdc à la lumière de l’exploitation des ressources naturelles, dans le but de comprendre la dynamique des conflits et conséquemment les orientations politiques nécessaires à la réussite des initiatives de paix. Les auteurs démontrent que l’objectif de nombreux dirigeants africains n’est pas de poursuivre une plus grande autonomie de l’État, mais bien de développer de nouvelles formes de contrôle social. En encourageant les acteurs externes à s’aligner avec leur réseau politique d’intérêts privés, les dirigeants maximisent les ressources disponibles pour leur coalition, renforcent leur capacité de contrôler la distribution de ressources et accroissent leur autorité politique. Ce texte nous amène à identifier les enjeux et les intérêts qui permettent une analyse approfondie de la problématique économique des conflits. De façon davantage marquée, le texte contribue à démontrer que les élites africaines peuvent être remarquablement aptes à mener les relations avec des acteurs externes et à manipuler différents intérêts entre ces derniers pour contrer les menaces internes et externes sans s’engager à édifier des institutions étatiques fortes.