Comptes rendus : Régionalisme et régions - Moyen-Orient

Cherkaoui, Mohamed, Le Sahara, liens sociaux et enjeux géostratégiques, Oxford, The Bardwell Press, 2007, 206 p.[Record]

  • André Joyal

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  • André Joyal
    Université du Québec à Trois-Rivières
    Trois-Rivière, Québec

À deux occasions, dans cet intéressant volume de belle présentation, l’auteur affirme que le Sahara sans le Maroc ne serait qu’un désert. On aura compris que M. Cherkaoui n’est pas un chaud partisan de la souveraineté du Sahara occidental, beaucoup s’en faudrait. Une curieuse coïncidence a voulu que j’entame la lecture de ce volume sur un vol d’Air Algérie me conduisant à Alger. Quelques jours plus tard, le 14 novembre, avait lieu en Sardaigne le premier sommet algéro-italien à l’issue duquel le premier ministre italien, Romano Prodi, a fait plaisir à son homologue, Abdelaziz Bouteflika, en affirmant son attachement au droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux résolutions 1754 et 1783 du Conseil de sécurité de l’onu. De toute évidence, celui qui préside aux destinées de la péninsule italienne n’a pas lu l’ouvrage du directeur du Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique du cnrs de l’Université de Paris i, car sa prise de position aurait été plus nuancée. Mais tout chef d’État n’est pas censé connaître le lourd contentieux territorial entre l’Algérie et le Maroc ni ce que l’auteur désigne comme étant l’hybris impérial des maîtres d’Alger. L’auteur lui-même, par ailleurs, ne fait pas dans la nuance quand il évoque le vent de liberté sans précédent qui souffle sur le Maroc (il est vrai que dans un passé récent, la situation à ce chapitre n’était pas brillante). Par cet essai, Mohamed Cherkaoui tente, dans un premier temps, de montrer que pour les dirigeants algériens, le Sahara représente un des principaux enjeux de leur politique étrangère. Vient ensuite le problème fondamental que pose l’intégration des populations sahraouies. Or, concernant ce dernier point, comme le montre de façon détaillée le chapitre 8, à travers une évolution imprégnée d’une plus grande proportion de mariages hétérogames, les Sahraouis, depuis 40 ans, font la preuve d’une intégration toujours grandissante. En effet, durant les quatre dernières décennies, le taux d’endogamie est passé de 97 % à moins de 60 %. Un état de fait qui fait dire à l’auteur que l’observation d’un nombre grandissant de mariages hétérogames conduit à admettre que les populations du Sahara occidental tendent à s’intégrer à l’ensemble de la société marocaine. L’importance d’une telle évolution a conduit l’auteur à faire du lien social entre les Sahraouis et le reste de la population du Maroc un axe particulier auquel il consacre une partie importante des analyses de son ouvrage. Il faudra donc, selon lui, que les maîtres d’Alger ouvrent leurs yeux sur les nouvelles réalités de leur pays, de la région, voire du monde, tout en tenant compte du fait que pour le peuple algérien, le Sahara n’a jamais été un problème. Alors pourquoi tant insister de la part d’Alger à vouloir brouiller les cartes, s’interroge M. Cherkaoui ? Le titre de la première partie, sous la forme d’une interrogation, se veut évocateur : « Stratocratie » ou « démocratie ? » Répondre à cette question amène à s’en poser une autre : qui gouverne l’Algérie ? En guise de réponse, l’auteur fait observer que le triangle du pouvoir est constitué par l’armée, le fln et les dirigeants des grandes entreprises étatiques choisis à partir de critères définis par les militaires. On aura compris que l’armée trône au sommet du triangle et, qu’en conséquence, on se trouve en présence d’une « stratocratie », un néologisme du cru de l’auteur forgé à partir des mots grecs stratos (l’armée) et kratos (le pouvoir). Ce premier chapitre se rapportant à l’équilibre des forces au Maghreb remet en cause le proverbe bien connu si vis pacem para bellum, …