Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

David, Charles-Philippe et David Grondin (dir.), Hegemony or Empire ? The Redefinition of us Power under George W. Bush, Aldershot, Ashgate, 2006, 237 p.[Record]

  • Coralie Hindawi

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  • Coralie Hindawi
    Arnold Bergstraesser Institut,
    Freiburg
    et Université Pierre Mendès France,
    Grenoble

En dépit de la dichotomie suggérée par son titre, l’ouvrage dirigé par Charles-Philippe David et David Grondin n’a pas pour but de trancher le débat en matière de qualification de la puissance américaine dans le contexte unipolaire actuel. S’attachant à préciser et à remettre en question les termes de ce débat, ainsi que les points communs et divergences entre les différents concepts utilisés, l’ouvrage Hegemony or Empire n’en reste cependant pas là. Car au-delà des mots, l’étude vise à mieux comprendre la nature de la domination américaine. Elle commence par aborder la question sous l’angle interne, américain, avant de l’aborder sous l’angle des implications internationales ou régionales. Les différentes contributions présentent deux points communs : d’une part, la concentration de l’analyse sur la législature de George W. Bush, et, d’autre part, une mise en perspective avec les politiques de ses prédécesseurs. Dans une réflexion introductive sur les termes du débat, Grondin passe en revue les concepts et positions les plus incontournables en la matière, tout en soulignant la complexité de la discussion sur la nature du pouvoir américain et l’importance de ses aspects mythiques (exceptionnalisme, destinée manifeste, etc.). Il insiste sur le rôle des néoconservateurs dans la tentation impériale récente ainsi que sur les contradictions profondes entre leur promesse d’un empire de liberté et son application pratique. Dans un passionnant premier chapitre, R. Vitalis critique le caractère limité du débat théorique sur les notions d’hégémonie et d’empire et sur l’expérience américaine. La recherche actuelle en relations internationales, qui se trouve imprégnée par une approche exceptionnaliste et est sous l’effet d’une sorte de conditionnement, ne reconnaît pas la nature impériale et fondamentalement raciale du pouvoir américain au cours de l’histoire. La notion d’hégémonie selon Ikenberry passe, elle aussi, sous silence cette nature raciale en insistant sur les rapports qu’entretiennent les États-Unis avec l’Europe ou d’autres puissances importantes, tout en donnant aux pratiques américaines impériales à l’égard d’États faibles, comme en Amérique latine ou au Moyen-Orient, une signification moindre. Dans le deuxième chapitre, S. Dalby s’intéresse aux dimensions stratégiques de l’hégémonie américaine. Remontant au lendemain de la Guerre froide, Dalby insiste sur la grande continuité entre les réflexions stratégiques élaborées depuis lors et la doctrine Bush. La réponse de Bush aux attentats du 11 septembre s’est révélée imprégnée de ces anciennes stratégies ethno-centrées (nous sommes attaqués pour ce que nous sommes, pas pour la politique menée), concentrées sur les menaces étatiques et l’approche militaire. Dalby insiste sur les contradictions entre la géopolitique et les ambitions impériales de la doctrine Bush et les moyens essentiellement militaires et trop limités qui sont véritablement disponibles. L’auteur du chapitre suivant, A.A. Hozic, revient sur la Homeland Security sous l’angle du symbolique et de la représentation. Elle considère que, si la période Clinton avait donné lieu à une sorte de marketing de la violence par le biais d’Hollywood, l’arrivée de Bush au pouvoir a vu le retour à des modes de propagande plus traditionnels. Constatant que l’Administration Bush a produit les réalités qui lui convenaient, Hozic convient qu’il en est finalement ainsi de tout pouvoir. Elle s’interroge avec finesse, d’une part, sur ce qui explique que tant d’Américains jouent le jeu, et, d’autre part, sur ce qui pourrait les amener à reconnaître que l’empereur est nu et qu’il l’a probablement toujours été. Abordant la question du rapport de l’Administration Bush au droit international sur un mode résolument original, S.V. Scott considère que la véritable nouveauté de cette attitude ne découle pas d’une approche réaliste du droit international, ni de sa violation. Ce qui est véritablement nouveau dans l’attitude de l’Administration Bush est son mépris ouvert pour l’ …