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Depuis la décolonisation et l’indépendance subséquente de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, il s’est développé à l’échelle mondiale et au sein des organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales, des politiques d’aide au développement visant à sortir ces pays de la misère et de la pauvreté. Depuis, les contextes politique, économique et social ont évolué, mais le problème du sous-développement reste entier. Dès lors, les gouvernements tentent de se réajuster et le Canada, depuis la création de l’Agence canadienne de développement international (acdi) en 1968, ne cesse de s’adapter.

Malheureusement, sur un sujet d’une telle importance pour toute personne qui s’intéresse au développement international, les ouvrages de référence sont rares et les recherches très limitées. Cet ouvrage arrive donc à point nommé et vient combler une carence fondamentale : l’absence de littérature substantielle tant francophone qu’anglophone sur l’éventail des questions que soulève l’aide canadienne au développement alors même que cette aide ne cesse de croître et que la philosophie qui sous-tend cette pratique s’est profondément renouvelée pour tenir compte des nouveaux enjeux mondiaux.

Au coeur de ce renouveau philosophique se trouve la notion de « sécurisation de l’aide ». Il faut dire que les attentats du 11 septembre 2001 ont conduit les États donateurs, dont le Canada, à élaborer des politiques d’imbrication entre sécurité et politique de développement. De plus, l’objectif n’est plus seulement d’aider, mais plutôt de répondre à une logique de résultats tangibles et mesurables. Le Canada a désormais intégré dans sa politique d’aide au développement la quête de l’efficience.

C’est cette nouvelle tendance de la politique canadienne d’aide au développement que François Audet et Marie-Ève Desrosiers ont remarquablement démontrée dans l’introduction générale de l’ouvrage en mettant face à face les partisans et les opposants du virage vers l’efficacité. Ils n’ont pas manqué de relever le choix de la concentration géographique et sectorielle des politiques canadiennes ni les risques qui peuvent en résulter.

Cette analyse préliminaire est une porte d’entrée admirable sur les différents sujets abordés dans l’ouvrage : les acteurs de l’aide canadienne au développement, leurs défis, mais aussi les espaces géographiques couverts par cette aide.

L’acdi, principal organisme par lequel le Canada fournit l’essentiel de son aide publique au développement, a subi depuis le début des années 2000 une cure de jouvence, revoyant ses priorités, ses centres d’intérêt et ses stratégies. Désormais, l’efficacité de l’aide passe par une attention particulière à la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Mais la stratégie de l’acdi intègre aussi le respect des droits humains et l’égalité entre les sexes dans le développement social.

Dévoilant la connexion qu’établit l’acdi entre efficacité des stratégies de réduction de la pauvreté et respect des droits humains, les auteurs nous révèlent l’implication des femmes et la prise en compte de leurs intérêts particuliers dans les stratégies de développement. En effet, au contact de féministes et des enseignements tirés de la pratique, l’intégration des besoins des femmes et des inégalités entre sexes s’est imposée à l’ordre du jour des décideurs politiques. Si les auteurs insistent pour nous dévoiler cet aspect de l’aide canadienne, c’est justement parce que, dans de nombreux pays bénéficiaires de l’aide canadienne, le modèle d’aide a été calqué sur le modèle de développement postcolonial qui a ignoré purement et simplement l’apport des femmes dans les secteurs à vocation économique.

Nonobstant quelques échecs, cette approche de l’acdi résulte d’une prise de conscience débouchant sur des succès qui s’incarnent dans les politiques de promotion des droits des femmes, de mise en oeuvre de projets spécifiques, l’engagement financier de l’acdi ainsi que l’engagement des institutions locales.

L’ouvrage couvre un spectre très large. C’est toute la structure institutionnelle, organisationnelle et les champs sectoriels et géographiques de l’aide canadienne au développement qui y sont abordés. La politique canadienne d’aide au développement s’intéresse tant à l’Afrique dans une perspective nouvelle des objectifs du millénaire pour le développement et du nepad qu’à l’Asie et aux îles du Pacifique, à l’Amérique latine avec ses contradictions et ses paradoxes.

Une chose est certaine, le livre impressionne par sa clarté et son contenu. Il constitue sans aucun doute un ouvrage de référence pour les chercheurs, les étudiants et les praticiens. En cela, le fait qu’il s’agisse d’un ouvrage collectif auquel auront participé à la fois des professeurs d’université et des professionnels du monde de la coopération internationale vient crédibiliser son contenu et le pragmatisme de cette approche multidisciplinaire. C’est aussi là que se situe le bémol qu’on pourrait apporter ici. Il apparaît difficile de situer cet ouvrage. Il ne s’agit exclusivement ni d’un ouvrage de science politique ni d’un ouvrage de sciences économiques. C’est un peu des deux ou un peu plus le premier que le second.

N’est-ce pas la complexité du sujet qui se prête à cette forme d’analyse ? Le style est raffiné, la lecture aisée, les analyses approfondies. L’ouvrage est incontestablement à recommander à tous ceux qui s’intéressent à la coopération internationale et aux politiques de développement international du Canada.