Comptes rendus : Régionalisme et régions - Asie

Christopher M. Dent (dir.), China, Japan and Regional Leadership in East Asia, 2008, Cheltenham, Edward Elgar, 311 p.[Record]

  • Éric Boulanger

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  • Éric Boulanger
    Département de science politique
    Université du Québec à Montréal

En politique asiatique, la question du leadership régional n’est pas nouvelle, mais cet ouvrage a le mérite de présenter pour la première fois dans un seul volume les principaux thèmes et idées en émergence sur la conduite du régionalisme asiatique. À l’instar d’un important segment de la littérature, l’ouvrage reconnaît trois caractéristiques au régionalisme asiatique : 1) il surgit des rapports transnationaux entre l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Nord-Est, lesquels ont mené à la création de l’asean+3 et du Sommet de l’Asie ; 2) l’asean est le noyau identitaire d’une communauté régionale en construction, mais l’association devrait en définitive se fondre dans une entité plus grande dominée par le Japon ou la Chine, mais à l’intérieur de laquelle l’expression réelle des rapports de force demeure indéterminée ; et 3) les États-Unis sont absents de ce processus de régionalisation, comme en fait foi l’unique chapitre portant sur ce pays, et ce, à titre de puissance « intermédiaire ». Le Japon et la Chine, selon la problématique de l’ouvrage, font preuve d’un « leadership discret » en Asie. Cependant, dans une « société mondiale multipolaire » dominée par les interactions entre régions et puissances régionales, une réflexion est nécessaire sur ce que ces deux pays peuvent entreprendre pour imposer un leadership « plus fort » dans une région dont le degré de « cohérence » est de plus en plus élevé, car la nature de ce leadership et ses effets sur les rapports de force entre le Japon, la Chine et l’asean auront des conséquences indéniables sur le fonctionnement du système international. L’interaction complexe des politiques étrangères chinoise et japonaise sur la question du leadership façonne l’identité et la cohérence de la région. Cet ouvrage vise donc à dégager de l’évolution structurelle des rapports politiques, économiques et socioculturels entre la Chine et le Japon les différentes perspectives de coopération institutionnelle et de rivalité stratégique les plus en mesure d’orienter le développement du régionalisme asiatique. Le consensus qui se dégage porte sur cette évolution structurelle, laquelle – dictée en grande partie par les forces internes des deux grands – suscitera des rapports croissants qui peuvent aussi bien mener à la coopération qu’à la rivalité, d’où l’incertitude quant à la forme du leadership en Asie. L’introduction de Christopher Dent présente les formes possibles du leadership japonais ou chinois en ratissant large le champ des intérêts variés et multiformes des deux pays en Asie. Malgré cela, de ce chapitre et de l’ouvrage en général émerge le constat bien précis que le leadership sera déterminé par leur identité respective et par le processus au sein duquel elles s’exprimeront et évolueront à « l’interface » des politiques intérieures et des relations internationales régionales. Il est inévitable que la rivalité entre le Japon et la Chine domine l’analyse au détriment de la coopération, car celle-ci apparaît, malgré des progrès notables, dans une impasse stratégique. Pour la Chine, sa stratégie régionale fait partie intégrante de sa politique étrangère globale, alors que, pour le Japon, son avenir à titre de grande puissance repose sur son intégration à l’Asie. Mais la « prudence excessive » de chacun pour ne pas effaroucher ses voisins a l’avantage de ne pas exacerber les passions nationalistes ou de créer des blocages identitaires. En contrepartie, l’effort d’institutionnalisation de la coopération à l’échelle de l’asean+3 ou du Sommet de l’Asie est peu efficace, et même les efforts de l’un seront invalidés par les craintes de l’autre de voir sa position stratégique ébranlée. Selon Shintaro Hamanaka, le Japon propose ainsi un pan de régionalisme (Sommet de l’Asie) ouvert notamment à l’Inde …