Comptes rendus : Théorie, méthodes et idées

Annette Freyberg-Inan, Ewan Harrison et Patrick James (dir.), 2009, Rethinking Realism in International Relations. Between Tradition and Innovation, Baltimore, md, The Johns Hopkins University Press, 305 p.[Record]

  • Thomas Juneau

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  • Thomas Juneau
    Département de science politique, Université Carleton, Ottawa

Cet ouvrage collectif pose deux questions fondamentales : quelle est la voie de l’avenir pour l’école réaliste en relations internationales et quels critères peuvent servir à répondre à cette première question ? Les auteurs principaux orientent la discussion en proposant que la voie la plus prometteuse se situe dans le débat entre le réalisme structurel élaboré et le réalisme néoclassique. Certains des chapitres sont critiques face au réalisme, d’autres y sont favorables ; mais tous sont unis par la conviction que les débats intra- et inter-paradigmatiques sont nécessaires à la progression théorique. En réponse à ces questions, les contributeurs axent la discussion sur trois plans – épistémologique, ontologique et théorique. Sur le plan épistémologique, chaque chapitre aborde à sa façon la question de l’évaluation de la rigueur, la viabilité et l’utilité d’une théorie. Les contributions illustrent deux courants en apparence contradictoires au sein du réalisme, avec d’un côté les positivistes proches du réalisme structurel, et de l’autre les néoclassiques, dans certains cas sympathiques aux courants constructivistes et sociologiques et dans d’autres tout au moins en faveur d’un éclectisme épistémologique. Selon Patrick James, une théorie devrait être capable de prédire l’avenir ; à cet effet, elle doit être basée sur la clarté conceptuelle et sur une logique déductive. Jacqui True, quant à elle, soutient que, si les réalistes sont souvent critiqués en raison de l’hétérogénéité de leurs critères pour juger de la qualité d’une théorie, il s’agit au contraire d’une force et d’une caractéristique intrinsèque pour les féministes. Enfin, Jennifer Sterling-Folker rejette les critères conventionnellement utilisés pour évaluer les théories des relations internationales, proposant plutôt l’outil des « traditions philosophiques ». Reformulant le fameux concept de Benedict Anderson, elle définit une tradition comme étant une communauté analytique imaginée. Cette approche, au lieu d’être basée sur des critères popperiens ou kuhniens, soutient qu’une théorie est valide et productive si son nombre d’adhérents augmente et si ceux-ci font preuve de dynamisme (au regard, par exemple, de leurs publications et de leur participation à des conférences). Sterling-Folker conclut que cette approche soutient l’hypothèse d’un avenir prometteur pour le réalisme néoclassique. La dimension ontologique est la moins explorée des trois. Quels acteurs doivent être pris en considération par les théories réalistes ? Jusqu’à quel point doit-on comprendre les situations du point de vue de ces acteurs afin d’apprécier leurs choix ? Plusieurs auteurs s’entendent pour affirmer que l’une des forces du réalisme néoclassique réside en sa capacité d’incorporer un élément d’éclectisme dans ses choix ontologiques. Ces derniers devraient être décidés selon les circonstances propres au problème étudié, et non en fonction de règles universelles et rigides. Balkan Devlen et Özgür Özdamar, par exemple, suggèrent que le réalisme doit revenir à ses racines classiques et prendre davantage en compte le premier niveau d’analyse, c’est-à-dire le rôle des leaders. La troisième dimension explorée concerne le développement théorique du réalisme. Selon Christopher Layne, l’ascension du réalisme néoclassique ne signifie pas le déclin du néoréalisme, mais doit au contraire être perçue comme une extension logique et nécessaire de ce dernier. En prenant l’exemple de la grande stratégie américaine à l’endroit de la Chine, Layne propose que l’objectif poursuivi par Washington – établir et maintenir une hégémonie extrarégionale en Asie de l’Est – ne peut être expliqué par le réalisme structurel. Le réalisme néoclassique, en revanche, propose une analyse à deux niveaux : il explique d’abord pourquoi Washington agit comme il le fait depuis 60 ans, puis explique en quoi ces choix sont porteurs de conséquences négatives pour les États-Unis. Layne conclut que la sécurité américaine serait maximisée par l’adoption d’une grande stratégie d’off-shore balancing. Le chapitre de …