Comptes rendus : Régions - Amériques

Nathalie Gravel, 2009, Géographie de l’Amérique latine. Une culture de l’incertitude, Québec, Presses de l’Université du Québec, 340 p.[Record]

  • Simon Petermann

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  • Simon Petermann
    Département de science politique
    Université de Liège, Belgique

L’auteure, Nathalie Gravel, est professeure-chercheuse au Département de géographie de l’Université Laval. Elle préside également la Société de géographie de Québec. L’ouvrage qu’elle nous présente est une somme remarquable sur l’Amérique latine. Si ce livre se veut, selon elle, d’abord et avant tout un manuel de cours pour une introduction à la géographie régionale de l’Amérique latine, il est bien plus que cela. Au-delà de l’analyse territoriale, l’auteure nous livre en douze chapitres des réflexions et des analyses souvent très approfondies et pertinentes sur l’évolution de l’Amérique latine dans tous les domaines. Destiné à devenir un livre de référence, cet ouvrage n’est pas facile à recenser tant il est riche et dense. De plus, la démarche de l’auteure est résolument scientifique et s’écarte de tout engagement à caractère idéologique ou sectaire. Le livre débute par la présentation historique des grands événements (notamment la construction du canal de Panama) et des lieux fondateurs de l’Amérique latine (la montagne du Potosi ou encore les mines d’or du Minas Gerais) qui sont à l’origine de nombreuses logiques sociales observées encore aujourd’hui. En lisant ces pages riches en détails, le lecteur comprend mieux l’origine de la hiérarchie des classes sociales, toujours immuable dans les sociétés latino-américaines, qui résulta de la conquête par les Espagnols et les Portugais. Ceux-ci, comme le souligne l’auteure, ne voulaient pas construire de nouvelles sociétés répondant à des besoins de justice et de tolérance – comme le firent les Pilgrims anglais débarquant sur la côte Est des États-Unis –, mais voulaient simplement extraire les richesses de nouveaux territoires. Il n’était donc pas question pour eux de jeter les bases d’un développement durable. Les relations de travail forcé (esclavage) qui en résultèrent se répercutent aujourd’hui dans l’absence de système de redistribution des richesses et dans la structure hiérarchique inégalitaire de ces sociétés. L’auteure s’attarde, à juste titre, sur les tendances démographiques, la composition ethnique, les mouvements migratoires d’hier à aujourd’hui (un résident des États-Unis sur sept est d’origine latino et la population latino-américaine dépasse en nombre la population afro-américaine depuis 2000) et les politiques d’assimilation et d’homogénéisation des populations autochtones qui représentent dans certains pays – la Bolivie (55 %), le Pérou (45 %), l’Équateur (25 %) et le Guatemala (40 %) – sinon la majorité, du moins un segment important de la population. L’auteure montre bien que dans l’histoire postcoloniale de l’Amérique latine les politiques nationales n’avaient qu’un but : construire les États-nations en mettant l’accent sur le développement des infrastructures et en homogénéisant les populations de manière à aplanir les différences socioculturelles et à créer une culture nationale unique et forte. Elle souligne de manière pertinente le rôle que les gouvernements autoritaires ont joué dans cette politique d’homogénéisation des populations autochtones. Plusieurs chapitres sont consacrés aux régions, du Mexique jusqu’à la Terre de Feu. L’ouvrage met en lumière les enjeux socioéconomiques ainsi que les défis et obstacles au développement de certains pays. Il s’interroge de manière critique sur le rôle de plus en plus important de la société civile et des mouvements sociaux au Brésil, en Équateur, au Mexique, etc., en réponse à la culture politique dominante toujours empreinte de corruption et de clientélisme qui a miné et mine encore la confiance du peuple envers les administrations gouvernementales même après la disparition des régimes militaires dans les années 1980 et 1990. Ce qui amène l’auteure à s’interroger sur la notion de démocratie en Amérique latine. Afin d’expliquer les enjeux, elle s’inspire dans ses analyses de théoriciens et d’économistes (Sachs, Lummis, Gunder Frank, Amartya Sen) pour éclairer la notion de développement et surtout la persistance de la pauvreté. Pour mieux …