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Préfacé par Tanguy de Wilde d’Estmael, cet ouvrage collectif, dont les seize auteurs appartiennent pour la plupart au monde de l’enseignement et de la recherche de l’Université catholique de Louvain (ucl), rassemble une série de contributions sur les organisations régionales européennes (et transatlantiques) qui peuvent être parties prenantes de la gestion des conflits et la sécurité (ue, otan, osce, cei), avec des auteurs comme Liégeois ou de Neve. Ce livre porte aussi sur les initiatives régionales ou mondiales (Liégeois), abordant notamment des thèmes comme la gestion du conflit en Transnistrie (Dura), la géopolitique de la mer Noire élargie (Struye de Swielande), le sud de la Méditerranée (Ait-Chaalal). D’autres avenues sont explorées, comme la question de la politique européenne de voisinage (Dura) et les limites de l’intégration (Mughendi), tout comme on fait état d’études sur la prévention, la reconstruction et la réconciliation. Ce livre examine également la question sécuritaire par différentes lorgnettes, ce qui reflète à la fois la spécialité de chaque contributeur et la volonté des deux directeurs scientifiques d’ouvrir la matière, vaste, à de multiples variations d’espaces et de thèmes. Certes, l’exercice est périlleux – on aborde même des aspects architecturaux (Vloeberghs) –, car il faut retrouver au final une analyse synthétique indiquant les lignes de force et répondant à la question du sous-titre du livre : Vers une régionalisation de la sécurité ?. Quant à la logique de départ, elle repose sur des sujets permettant d’aborder le conflit depuis sa gestation jusqu’à sa résolution, à partir d’un champ élargi de matières, qu’elles soient politiques, militaires, juridiques, institutionnelles ou ethnologiques.

Les auteurs avaient pour tâche de montrer que les organisations régionales ont tenté de trouver de nouvelles stratégies d’adaptation, avec la fin de la guerre froide et la recrudescence des conflits asymétriques et des crises internes. L’otan et l’osce ont appliqué des stratégies de conversion institutionnelle en jouant sur l’isomorphisme normatif plutôt que sur la coercition, alors que le Conseil de l’Europe organisait sa stratégie de visibilité en jouant sur une modernisation de ses critères. Quant à l’ue, elle a continué de jouer de sa double casquette, tout en assimilant de nouvelles compétences. L’adhésion de nouveaux membres accroît la complexité des enjeux et les positionnements dès l’instant où les États membres des organisations sont en interaction, statutairement parlant. En d’autres mots, l’imbrication des organisations est bel et bien là, allant jusqu’à la construction de passerelles de coopération interinstitutionnelles, sans gommer les contraintes, rivalités et tensions conjoncturelles ou même structurelles. Les défis de la paix imposent à ces organisations de se positionner et surtout de s’adapter à de nouvelles formes de conflits.

Nous apprécierons particulièrement l’esprit de synthèse et la clarté de l’argumentation de Gaëlle Pellon sur les concepts, les approches et les instruments de la prévention des conflits et les différents apports des contributeurs. Il faut aussi souligner l’excellente synthèse de Michel Liégeois sur la prolifération des « faiseurs de paix » ou les liens entre les multiples organisations d’intégrations régionales dans le monde et les conflits sous-jacents entre États membres ou entre membres et non membres, indiquant les limites plurielles de l’intégration et la difficulté de trouver des modèles autour de la démocratie comme variable de contrôle (Mughendi).

Enfin, par une contribution très originale autour de la recherche d’une hypothétique gestion culturelle des conflits par les organisations européennes, Massart-Piérard nous prouve que la culture reste le parent pauvre de la gestion des conflits malgré l’importance croissante accordée aux déterminants culturels. Et l’auteure de décrire les travaux réalisés dans le cadre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, mais aussi les différents outils qu’il faut mieux maîtriser et davantage mettre en oeuvre comme les conventions, les recommandations, les mécanismes de surveillance, les actions opérationnelles et les partenariats. Assurément, une thématique encore à défricher en autant de sujets de thèse. Cette thématique culturelle renvoie aussi à la contribution de Rosoux et Farhat sur les liens entre la mémoire, l’officielle et la « vive », et le travail que les protagonistes doivent mener sur elles, avec le concept maintenant assez bien étudié de toute l’importance des politiques de réconciliation.

Au final, l’ouvrage propose des conclusions sous la forme de futurs enjeux de recherche, avec trois points à approfondir : les critères et les indicateurs autour de l’évaluation et de la portée ainsi que des limites des organisations régionales, la méthodologie d’analyse de la coopération interinstitutionnelle et, enfin, les défis de l’approche comparative en raison du caractère idéographique de la production scientifique sur le sujet premier du livre.

Assurément, celui-ci apporte bien des approches pour qui s’intéresse au poids et aux difficultés des organisations régionales européennes dans leur gestion des conflits. Nous ne bouderons pas notre plaisir à constater la présence d’une liste d’acronymes et d’abréviations, et surtout d’un index thématique en fin de partie.

Ouvrage très dense, riche et assez unique sur les aspects croisés des organisations régionales de sécurité, il a place dans les travées des auditoires étudiants comme outil de réflexion, de savoir et de prise de conscience des enjeux sécuritaires du vieux continent.