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La gouvernance de l’environnement est confrontée à l’avènement de « nouveaux modes de gouvernance » (nmg) censés dépasser les problèmes rencontrés par les mécanismes classiques qui ont jusqu’ici gouverné ce que Holg et ses collaborateurs nomment les « problèmes persistants » de l’environnement. Guidé par la poursuite de l’« effectivité » et de la « légitimité » de ces nmg, conditions de leur réussite, l’ouvrage Environmental Governance. The Challenge of Legitimacy and Effectiveness propose au lecteur averti de se pencher, à travers 14 chapitres (co)écrits par des chercheurs et professeurs européens, sur les trois « piliers » sur lesquels devrait reposer la gouvernance de l’environnement : la participation, la coordination et l’expertise. C’est d’ailleurs autour de ces trois thèmes que s’articule cet ouvrage collectif dans ses trois parties. Son objectif est donc de présenter et de discuter de manière critique les nmg par rapport aux attentes élevées que l’on a à leur égard dans différents secteurs de la politique environnementale et de la gestion des ressources, tout particulièrement en matière de biodiversité, de changements climatiques et de gestion des forêts. Les différentes parties de l’ouvrage, toutes intitulées « le défi de […] » font directement connaître au lecteur la nature complexe, voire parfois contradictoire entre eux, des arguments avancés par les auteurs. Afin de guider le lecteur dans ce dédale critique, chaque partie est animée par la même structure : elle est entamée par une analyse des fondements théoriques et conceptuels de la question traitée, soit la participation, la coordination et l’expertise, avant d’entrer dans le vif du sujet – souvent à l’aide de cas d’espèce –, dans le cadre des chapitres qui la composent.

Dans la première partie de l’ouvrage, après avoir rappelé les fondements théoriques et conceptuels de la participation par l’intermédiaire de la littérature clé, ainsi que les motifs, les formes et les répercussions que peut avoir la participation sur la gouvernance de l’environnement, les auteurs procèdent à une analyse critique de la théorie de la participation aux nmg. Ils entendent ainsi mettre en lumière les conditions de la participation mises en avant ou oubliées par la littérature théorique et empirique jusqu’à présent (Jens Newig), exemplifier, par des études de cas, des méthodes pour mesurer les effets de la participation sur la légitimité et l’effectivité de nmg (Eva Kvarda et Ralf Nordbeck) et, enfin, opposer la façon dont les deux principales conceptions de la démocratie, à savoir la démocratie participative et la démocratie délibérative, reçoivent ces nmg (Tove E. Boon et al.).

De la même façon, la deuxième partie se propose de rappeler le cadre conceptuel dans lequel s’inscrivent et se complètent les questions de coordination et d’intégration des politiques environnementales (Karl Hogl et Ralf Nordbeck), pour ensuite expliquer, grâce à l’exemple des parcs nationaux grecs, le rôle d’une gestion décentralisée comme facteur d’amélioration de la coordination et collaboration intersectorielle (Kostas Papageorgiou et al.). On y indique ensuite quels sont les facteurs commandant la réussite de l’intégration de politiques intersectorielles dans les programmes de développement rural en Allemagne (Lukas Giessen), puis on explique les enjeux et les limites de la soft law comme moyen de coordination des politiques dans le contexte de la gestion forestière à l’échelle de l’Union européenne (Sabine Weiland).

La troisième partie clôture le triumvirat de la gouvernance de l’environnement selon Hogl et al. en s’intéressant à un élément caractéristique de celle-ci : l’intégration de l’expertise scientifique à la prise de décision en matière environnementale. Après avoir donné l’état théorique et conceptuel des grandes questions liées à la relation entre science et politique, telles que la communication entre ces deux champs, la validité, la crédibilité et l’effectivité du discours scientifique ainsi que les attentes de celui-ci pour la gouvernance de l’environnement et les modèles d’intégration science-politique proposés par la littérature (Michael Pregernig et Michael Böcher), on suggère au lecteur de déconstruire le modèle du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat pour réfléchir sur les raisons qui ont fait de cet organe d’experts onusien une « ressource politique » plutôt qu’un organe d’experts apolitique (Silke Beck). Alors qu’il a été démontré dans la première partie que la gouvernance environnementale devrait tendre à être plus participative, l’avant-dernier chapitre de l’ouvrage montre en quoi l’intégration de la science et de l’expertise aux processus de prises de décision peut avoir des conséquences adverses (Dorthe H. Lund). Finalement, ce qu’il faut entendre par « fiabilité » (notre traduction d’« accountability ») du discours scientifique en fonction des acteurs (scientifiques, publics ou politiques) qu’elle implique et les enjeux de son institutionnalisation font l’objet d’une rigoureuse analyse mise en contexte dans le cadre d’un projet de recherche allemand sur l’adaptation de la gestion forestière au regard des changements climatiques (Sabine Storch et al.).

Destiné au lecteur à qui le fonctionnement des processus de gouvernance et leur réception en sciences politiques sont familiers, cet ouvrage collectif met le doigt sur certaines des faiblesses qui ont marqué les mécanismes de gouvernance classiques appliqués à l’environnement et qui sont sans doute à l’origine de notre difficulté à enrayer certains de ses « problèmes persistants ». Il met cependant la lumière, par la même occasion, sur les moyens de dépasser ces problèmes par l’entremise des nmg. En faisant un retour en profondeur sur la littérature essentielle à la compréhension des enjeux d’effectivité et de légitimité de la gouvernance de l’environnement et en croisant celle-ci avec des analyses critiques et empiriques rigoureuses portant sur des enjeux spécifiques de cette gouvernance, l’ouvrage de Hogl et al. participe sans nul doute et de façon fort convaincante aux efforts de réflexion qui sont nécessaires à l’évolution des modes de gouvernance dans le contexte de nos sociétés contemporaines.